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Dire non à l’avion

Ils sont de plus en plus nombreux à renoncer à voler pour leurs vacances

Même si certains s’inquiètent de l’impact écologique des voyages en avion, ce mode de transport reste très utilisé. © Alain Wicht
Même si certains s’inquiètent de l’impact écologique des voyages en avion, ce mode de transport reste très utilisé. © Alain Wicht

Louis Rossier

Publié le 27.08.2019

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Climat » «Sauf cas de force majeure, je vais m’efforcer de ne plus reprendre l’avion», affirme Janine Schneider, 21 ans. Sa conscience écologique a eu raison des avantages de ce moyen de transport: «Lorsque j’avais 15 ans, mes parents m’ont emmenée dans un tour du monde où nous avons pris l’avion une douzaine de fois», explique cette étudiante en anthropologie à l’Université de Berne.

Si elle reconnaît que l’expérience était «incroyable», cette overdose de long-courriers n’a pas manqué de titiller une conscience écologique encore en maturation. «Les longs survols des forêts d’Indonésie ou de la banquise ont également stimulé mes réflexions dans ce sens.» Pour autant, elle se refuse à tout prosélytisme: «Je ne prétends pas juger pour les autres, mais je crois que, de mon côté, j’ai assez pris l’avion au cours de ma vie.»

Déjà avant Greta

Janine Schneider n’a ainsi pas attendu la médiatisation du discours de la militante écologiste Greta Thunberg, qui s’était fait remarquer en se rendant en train depuis la Suède au Forum économique de Davos en janvier dernier et qui rallie en ce moment l’Amérique à bord d’un voilier pour participer au sommet des Nations Unies sur le climat le 23 septembre prochain.

Elle n’est pas seule dans son combat: toute sa classe a ainsi renoncé à l’avion pour se rendre cet été à Saint-Pétersbourg pour y suivre un cours intensif de russe. «Ce ne sont pas tous des fanatiques du train, mais dès le moment où une minorité a pris l’initiative d’organiser le voyage, les autres ont suivi», explique Janine Schneider. Au lieu de trois heures de vol, ce sont, escales comprises, trois jours et trois nuits de trajet, pour plus de 50 heures de train, que les neuf étudiants ont choisi d’avaler.

Plus onéreux

«Tout le monde n’est pas prêt à faire autant de train pour aller à Saint-Pétersbourg», souligne Jacqueline Ulrich, cofondatrice de l’agence L’Esprit du voyage à Fribourg. Si Janine Schneider reconnaît que c’est un investissement de temps et d’argent, elle juge le train plus confortable: «On a la liberté de mouvement, on peut se rendre au wagon-restaurant ou jouer aux cartes», énumère-t-elle.

Pour l’étudiante, privilégier le train définit aussi une nouvelle manière de voyager: «Si l’on opte pour le train, on s’intéresse en général davantage en amont à la destination choisie et on y reste peut-être un peu plus longtemps, pour amortir le temps de trajet», argumente-t-elle. «Si je vais à Londres en avion, je n’y resterai que deux jours; si j’y vais en train, j’essaierai d’y rester une semaine.»

Pour ses vacances privées, Jacqueline Ulrich a traversé le Pérou cet été en train. Un voyage d’une dizaine d’heures: «C’est une découverte du pays sous un nouvel angle», s’enthousiasme la globe-trotteuse passionnée. «Les sept participants et moi-même avons été conquis.»

Une évolution peu visible

Va-t-on vers un changement des habitudes? «Les trois quarts de mes amis ont définitivement renoncé à l’avion», estime Janine Schneider, avant de tempérer: «Ils sont issus des cercles universitaires», et ne constituent donc pas un échantillon représentatif de la population.

Si elle s’attend à un développement du réseau de chemin de fer au cours des années à venir face à la montée en puissance du discours écologique, Jacqueline Ulrich estime tout de même que la part de la population renonçant à l’avion ne dépassera pas les 30%. D’ailleurs, à L’Esprit du voyage, les préoccupations écologiques n’apparaissent encore que rarement dans les demandes des clients. «Et ça touche plutôt les immenses paquebots de croisière que l’avion, qui lui s’est énormément popularisé au cours des vingt dernières années», analyse Jacqueline Ulrich.

Si la compagnie aérienne Swiss ne dispose pas de statistiques sur les jeunes en particulier – les clients ne donnant pas leur âge au moment de prendre leur billet – elle affirme n’avoir pas encore observé de changement de comportement. «Au contraire, nos chiffres passagers montrent que la demande de transport aérien continue d’augmenter», relève Meike Fuhlrott, porte-parole de la compagnie. «Pour le premier semestre de 2019 encore, nous avons enregistré une croissance du nombre de passagers de plus de 3%.»

Avion irremplaçable

Le transporteur se défend d’ignorer l’impact écologique de ses vols: «Nous nous efforçons systématiquement d’améliorer le rendement énergétique de nos avions», avise Meike Fuhlrott. «Nous avons réduit nos émissions de CO2 de près de 30% au cours des 15 dernières années.» La porte-parole rappelle en outre que, depuis 2007, Swiss soutient les efforts de l’organisation non gouvernementale myclimate visant à encourager les contributions volontaires à la protection du climat par la compensation des émissions de CO2. «Il est crucial de tenir compte des effets négatifs du transport aérien, reconnaît Meike Fuhlrott, mais une forte mobilité est également l’expression de notre société connectée.» Selon elle, la mondialisation sans transport aérien n’est pas concevable.

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