La Liberté

Douze chansons d’outre-Sarine

L’article en ligne – Suisse allemand » Une expatriée présente sa sélection entièrement subjective de chansons suisse-allemandes,  juste de quoi faire connaître un peu mieux ce qui résonne en outre-Sarine.

Le titre 079 de Leo & Leduc est resté 15 semaines à la première place du hit parade suisse en 2018. Un record. © Urs Rey / SRF
Le titre 079 de Leo & Leduc est resté 15 semaines à la première place du hit parade suisse en 2018. Un record. © Urs Rey / SRF

Lise Schaller

Publié le 07.11.2020

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Il y a un an peut-être, un Singinois qui se rendait à une jam au Nouveau Monde lors de laquelle des artistes romands et suisses alémaniques devaient se produire m’a dit : « Nous allons niquer le röstigraben ! » Je me suis alors demandé s’il avait vraiment voulu s’exprimer ainsi. Peu importe ; l’idée m’a plu.

Mani Matter – I han es Zündhölzli azündt (1973)

Mani Matter est le petit Brassens bernois : des « chansons à texte », une guitare, du charisme et de l’humour, et il conquit tout le monde. Dans I han es Zündhölzli azündt, il chante l’effet papillon d’une allumette (Zündhölzli) qu’il a maladroitement laissée tomber sur le tapis qui n’aurait pas manqué – car on sait ce qui arrive quand on joue avec le feu ! – de s’enflammer, causant un incendie qui s’étendra bientôt jusqu’en Afrique.

Certaines de ses chansons, reprises par de nombreux artistes, se sont fait un nom en Suisse romande, comme cette reprise de Stephan Eicher qui interprète « Hemmige » en 1991.

Patent Ochsner – W.Nuss (1997)

W.Nuss (jeu de mot pour Vénus – Nuss veut dire noix en allemand) a elle aussi été reprise maintes fois par d’autres chanteurs, des orchestres et des chœurs. La chanson raconte joyeusement la beauté de la Vénus du quartier bernois de Bümpliz, une prostituée qui fait tomber les hommes.

Lo & Leduc – 079 (2018)

« 079, het sie gseit » - 079, elle a dit. Personne, en Suisse allemande, n’a pu passer à côté de ce hit de l’été 2018. Le narrateur de l’histoire supplie une femme qu’elle lui donne son numéro ; elle lui dit « 079 – tu ne sais toujours rien ». Il appelle toutes les combinaisons possibles : « Si j’appelle chaque minute au moins trois numéros, ça ne devrait pas durer plus de 6 ans et demi jusqu’à ce que je la trouve. » La désirée est enfin au téléphone ; c’est le dernier numéro. Paniqué, le misérable finit sous un tram, puis à l’hôpital.

Personne non plus n’a pu passer à côté des critiques visant le caractère potentiellement sexiste de la chanson en plein dans la vague #MeToo, portées par la présidente des jeunes socialistes Tamara Funicello qui est alors plus critiquée qu’entendue pour sa position.

Steff la Cheffe – Holunder (2020)

On ne parlera pas chansons suisse-allemandes sans parler rap. Stef la Cheffe porte – ici avec un choix plus pop que rap de ma part – haut les couleurs du genre, avec son flow mordant caractéristique. Dans une autre vidéo, elle se risque en 2018 à une interprétation toute neuve de l’hymne bernois Guggisberglied. La Guggisberglied, une triste histoire d’amour impossible à la fin malheureuse, est la plus ancienne chanson populaire suisse-allemande connue à ce jour.

Züri West – I schänke dr mis Härz (1994)

« Je t’offre mon cœur, je n’ai rien de plus – tu peux l’avoir si tu veux, ç’en est un bon, et il y en a d’autres qui le voudraient mais c’est à toi que je le donnerais. » Je ne pense pas me tromper en disant que cette chanson met (presque) tous les Suisses allemands d’accord. C’est un peu un Connemara de fin de soirée.

Dodo – Din Pulli (2006)

Zurich produit… du reggae ! De bonnes vibes – quoique, une chose me chiffonne dans cette chanson. Le refrain pourrait se traduire ainsi : « Je porte encore ton pull. » Pourquoi les paroles de tant de chansons suisse-allemandes frôlent le ridicule ? Il faut croire que tant qu’on y croit, ça passe.

Baby Jail – Tubel Trophy (1992)

« Il était une fois un con. » Ou plus exactement… comment traduire « tubel » ? Un idiot ? Un crétin ? Les Suisses alémaniques se manifesteront. Cette chanson, donc, c’est l’histoire d’un con. Vous reprendrez bien un peu de funk-punk ?

Breitbild – Für 1 hets immer no glangt (2009)

Je crains qu’on ne me mette au bûcher si je n’ai d’oreilles que pour les Bernois et les Zurichois. Voici un rap de Coire !

Faber – Vivaldi (2019)

Oui, je sais. Faber chante en bon allemand ; il est d’ailleurs plus connu en Allemagne qu’en Suisse. Il fait cependant assez partie du paysage musical d’outre-Sarine pour avoir sa place dans cette liste. Faber est adulé ou détesté et, comme pour tout auteur-compositeur à la langue bien pendue qui se respecte, les médias l’attendent souvent au détour. En 2019, l’opinion publique le pousse même à changer les paroles de sa chanson Das Boot ist voll – « La barque est pleine », une critique de la xénophobie latente qui ronge l’Europe dont le cynisme et le second degré n’a pas été du goût de tout le monde. En 2017, la RTS invitait une journaliste de la SRF, Joelle Beeler, pour parler de la Faber Fever.

Luna Mwezi – Ich gibe nöd uf (2020)

Vous avez peut-être déjà vu le film Platzspitzbaby, gros succès cinématographique suisse de l’année. Adaptation à l’écran de l’autobiographie de Michelle Halbheer, enfant de toxicomane, il offre un regard réaliste et déroutant sur le quotidien des enfants de toxicomanes alors actifs sur la scène ouverte de la drogue de Zurich, dissoute il y a maintenant 25 ans. Dans cette chanson titre du film, la jeune actrice chante l’espoir : « Je n’abandonnerai pas. »

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