Coup de cœur » La salade c’est sympa, certes, mais il lui manque un petit quelque chose.

Parfois mal-aimé, souvent méprisé, certains l’abandonnent au bord de l’assiette tel le rebut de l’alimentation. On a tous une connaissance qui inflige aux autres convives cet affreux spectacle de décorticage de viande. Et pourtant, c’est lui qui apporte toute sa saveur à un plat. Le gras, le bon gras qui enrobe une tranche de jambon à la borne. Celui qui reluit, qui croustille ou qui fond en bouche. Le généreux qui sillonne les morceaux de lard à la bénichon. Un bon morceau de saucisson à l’apéro et la soirée peut commencer. Et quand il est fumé: on ne compte ni les calories, ni le plaisir.

S’il y a un pays qui sait par sa cuisine mettre le gras à l’honneur, c’est bien l’Allemagne. Son amour pour les saucisses rôties n’est plus à défendre. Un nombre incalculable de variétés remplit les frigos des supermarchés. Aucune n’arrive néanmoins à la cheville du traditionnel Schäufele. Ce morceau d’épaule de porc fait partie des spécialités incontournables du nord de la Bavière. Avant d’être cuit plusieurs heures au four, sa couenne est quadrillée au couteau et épicée. Il en ressort une croûte ambrée et croustillante. On l’entendrait presque encore frémir dans l’assiette. En bouche, le fond resté moelleux contraste avec le croquant du dessus. Ça crépite et ça colle. Oui, on en a plein les dents, et alors? Ce petit désagrément est dérisoire. Tout comme le reste du morceau de viande. Les Klöße, spécialité à base de pommes de terre, et la choucroute en sont relégués au rang d’acteurs secondaires, voire de figurants insignifiants.

Toute abondante en lipides qu’elle est, cette spécialité allemande doit faire face à une sévère concurrence internationale. Au Canada, on sert des oreilles de crisse, chips de lard frit. En Ukraine, le salo est un morceau de porc composé majoritairement de graisse, qu’on peut manger cru sur du pain noir. Nul besoin cependant de faire des kilomètres pour saliver des babines. Le taillé aux greubons est, ou du moins était, cuisiné avec les résidus de la fonte de graisse de porc dans les cantons de Vaud, Neuchâtel et Fribourg. Bonne digestion!

Justine Fleury