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L’auto-stop, social et écolo

La pratique de l’auto-stop, peu légiférée et aussi vieille que l’automobile, véhicule une image marginale. Trois auto-stoppeurs la démystifient

Il est toujours plus agréable de faire de l’auto-stop à deux, a fortiori si l’on pense attendre ­longtemps. © Lise Schaller
Il est toujours plus agréable de faire de l’auto-stop à deux, a fortiori si l’on pense attendre ­longtemps. © Lise Schaller

Lise Schaller

Publié le 17.10.2017

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Mobilité »   «C’est ma mère qui m’a initié à l’auto-stop quand j’étais petit», se souvient Eliot Harris, 22 ans. «Aujourd’hui, la plupart des conducteurs qui s’arrêtent avouent avoir fait du stop par le passé.» En effet, Jean-Damien Meyer, autre tendeur de pouce au bord des routes chevronné, constate: «L’auto-stop est mal en point. C’est en partie dû au développement des lignes de bus et de trains. Pourtant, c’est un très bon moyen de transport complémentaire aux transports en commun.»

Il est commun de parler du déclin de l’auto-stop après son âge d’or au cours des années septante. Toutefois, Daniel Slodowicz, président de l’Association suisse de l’auto-stop, nuance ce jugement: «Il n’existe pas de recherches empiriques sur le sujet, seulement des constats personnels. Si l’on voit moins de pouces levés en bord de route aujourd’hui, ça peut être à cause de l’augmentation du réseau autoroutier qu’emprunte la majorité des conducteurs et où la pratique du stop est illégale.»

Faute d’administration, impossible d’avancer des statistiques sur le sujet. La majorité des études effectuées sur l’auto-stop sont d’ordre sociologique. En 2015, la banque de données du site internet Hitchwiki recensait plus de 21 500 lieux utilisés par les auto-stoppeurs à travers le monde. Elle vise à déterminer les meilleurs d’entre eux. Cependant, le manque d’informations et le côté aléatoire de ce moyen de transport rendent la recherche complexe.

Echange humain

Parallèlement au règne de l’autoroute, l’avènement des systèmes de covoiturage sonnerait le glas du stop. Ce n’est pas l’avis de Jean-Damien: «Le covoiturage est très peu développé en Suisse», indique-t-il. «De plus, il ne permet aucune spontanéité. Comme le trajet est prédéfini, il est pratiquement impossible de se rendre dans de petites localités. L’échange, lui non plus, n’est pas identique si le trajet est rémunéré.»

Dans une société qui perd le goût pour la gratuité, l’auto-stop est un échange humain enrichissant: «Avec le temps, c’est devenu un plaisir pour moi. J’ai même eu l’occasion d’héberger un conducteur quelques semaines après notre rencontre», raconte Jean-Damien.

Hitchwiki rapporte les résultats d’une étude néerlandaise qui révèle qu’en 2014, 84% des auto-stoppeurs affirmaient être satisfaits de cette solution de mobilité, bien plus que les usagers des transports en commun. Eliot fait partie de cette majorité: «L’argument financier a un poids. Mais l’auto-stop est aussi le dernier moyen de transport avec lequel on peut vaguement choisir sa route.» Il poursuit: «Le stop m’a permis de faire des rencontres inoubliables, comme en Bolivie, où nous nous sommes arrêtés pour faire un rituel local autour d’un feu.»

«Il est difficile de promouvoir officiellement l’auto-stop, surtout à cause des dangers qu’il inspire», indique Jean-Damien. Local ou pas, l’auto-stop est pour beaucoup assimilé au danger. «L’auto-stoppeur est dans une position de vulnérabilité», reconnaît Eliot. Mais Daniel déplore ce scepticisme: «La moto provoque chaque année plus de morts que l’auto-stop. Pourtant, la majorité de la population ne s’en offusque pas.» Au travers de l’Association suisse de l’auto-stop, Daniel souhaite casser ce genre de stéréotypes et démocratiser la pratique.

Un banc à Uri

Les dangers possiblement liés à l’auto-stop n’empêchent pas la commune de Göschenen, dans le canton d’Uri, de promouvoir son «Mitfahrbänkli», un banc de covoiturage spontané. «Pourquoi devrait-il être réduit à la mobilité du sans-le-sou?» interroge Jean-Damien. «La conscience écologique, par exemple, est également une raison de faire du stop.»

L’association organise chaque année un concours d’auto-stop dont la destination finale se trouve à deux ou trois cents kilomètres de Fribourg, ville où l’association est née. Jean-Damien est optimiste: «Pour moi, l’auto-stop, c’est la solution de mobilité de l’avenir».

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Pour être embarqué, de la chance, et un peu d'astuce

Pas besoin d’avoir roulé sa bosse pour s’essayer au stop. La Page Jeunes livre quelques conseils:

La destination: Evitez les destinations trop éloignées. On déconseille de planifier plus de quatre cents kilomètres de route par jour. Les grandes villes sont de vrais entonnoirs; beaucoup de gens s’y rendent et il est donc facile de les atteindre en stop.

Le bon spot: D’abord, il est – presque partout – illégal de faire du stop sur une autoroute. Si vous voulez être rapide, l’idéal est de vous placer sur une route précédant une autoroute à un endroit où vous êtes visible de loin et où les conducteurs pourront facilement s’arrêter. C’est le cas des arrêts de bus ou des stations-service. Les aires d’autoroutes sont d’excellents arrêts pour changer de voiture. En outre, le trafic urbain rend difficile, voire impossible, la sortie d’une grande ville en faisant du stop. Mieux vaut s’éloigner du centre via les transports en commun.

Un petit sourire: Une voiture qui s’arrête pour vous, c’est l’histoire de quelques secondes de réflexion. La première impression compte. Misez sur des vêtements décents, un sourire et de l’humour.

Etre équipé: Tout peut arriver en auto-stop. Le meilleur, mais aussi le pire: plus de batterie sur le téléphone, un chauffeur qui s’est trompé de route dans un pays dont vous ne parlez pas la langue… La prudence exige l’achat d’une carte de géographie. Il peut être utile d’avoir une pancarte avec le nom de sa destination; les chauffeurs se sentiront ainsi plus concernés. Une bouteille d’eau et un casse-croûte ne seront pas non plus de trop: on ne sait jamais où ni quand on fera étape. Le stop de nuit fonctionne si votre lieu est bien éclairé, mais pour des raisons de sécurité, on évite. Garder une attitude positive préviendra bien des tracas. C’est parti pour l’aventure! LS

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