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La facture d'orgues en péril

C’est aux paroisses de supporter les coûts d’un orgue neuf, comme ici celui de l’église de Villars-sur-Glâne.  © Héloïse Hess
C’est aux paroisses de supporter les coûts d’un orgue neuf, comme ici celui de l’église de Villars-sur-Glâne.  © Héloïse Hess

Lise Schaller

Publié le 18.09.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Artisanat » Il faudra toujours quelqu’un pour entretenir les orgues de nos églises. Pourtant, l’avenir de la facture d’orgue n’est pas assuré. «Aujourd’hui, en Suisse romande, quelques petites sociétés s’occupent de révisions et d’accordage, mais il ne serait plus envisageable de créer sa propre entreprise», estime Jean-Daniel Ayer, propriétaire d’une manufacture d’orgues basée à Vauderens.

Après avoir terminé son apprentissage dans le domaine, Gabriel Sieber a décidé de changer de voie. Il met en cause la concurrence étrangère. «On ne peut plus vivre de la construction d’orgues quand d’autres pays cassent les prix grâce à une main-d’œuvre meilleur marché», déclare le jeune homme de 23 ans. Jean-Daniel Ayer pointe également du doigt la réticence des paroisses à investir dans l’instrument: «Elles comptent leurs sous. L’orgue est devenu un luxe: on réparera d’abord le toit de l’église.»

Se tourner vers l’étranger

Avec une durée de vie de plus de 200 ans, l’orgue mécanique ne demande de révision que tous les 15 à 20 ans. Pour revitaliser le métier, il faudrait voir émerger une nouvelle tendance dans le domaine. «Dans les années 1980, nous n’étions plus satisfaits des orgues modernes dits pneumatiques et nous avons repris comme modèle l’orgue mécanique, se souvient Jean-Daniel Ayer. De nombreuses paroisses ont alors fait changer leurs installations.» A cette époque, le facteur d’orgues a construit une cinquantaine d’instruments en l’espace de vingt ans – la réalisation d’un orgue dure en effet plusieurs mois et coûte plusieurs millions de francs. Les commandes devaient se plier à plusieurs années d’attente.

Pour s’en sortir, les entreprises encore actives aujourd’hui se tournent vers l’étranger. Au Japon, par exemple, plus de mille quatre cents orgues sont originaires d’Europe. Impossible désormais de se lancer dans cette profession et de se cantonner à sa région natale. C’est une des raisons qui a poussé Gabriel à s’en détourner. «Quand nous révisions un orgue loin de l’entreprise, nous travaillions jusqu’à douze heures par jour et dormions à l’hôtel», explique-t-il.

Le jeune, qui poursuit aujourd’hui des études de cor, souffrait de ne pouvoir affiner la pratique de son instrument. La mobilité requise était inconciliable avec ses aspirations de musicien. Il ne regrette toutefois pas cette partie de sa vie. «L’apprentissage de facteur d’orgues m’a apporté une expérience musicale et technique précieuse. Je pense que c’est l’un des plus beaux métiers pour un artisan», indique Gabriel.

En voie de disparition, cette activité est en effet variée: elle nécessite des compétences de dessin, de menuiserie, de mécanique, de tuyauterie ou encore d’accordage. Lucide, Jean-Daniel Ayer adresse un avertissement aux jeunes qui voudraient se lancer. «Il faut bien y réfléchir, et se préparer à être mobile, annonce-t-il. C’est un métier de passion.»

 

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