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La synergologie, un outil multi-fonctions

L'article en ligne - Communication - Pouvoir comprendre son interlocuteur grâce à sa gestuelle et ses expressions faciales, le fantasme de tous.

La posture et les gestes peuvent révéler les sentiments de son interlocuteur. © Clara Kunz
La posture et les gestes peuvent révéler les sentiments de son interlocuteur. © Clara Kunz

Clara KUNZ

Publié le 31.10.2017

Temps de lecture estimé : 5 minutes

La lecture corporelle, ou synergologie, est une technique permettant de comprendre les intentions de son interlocuteur en analysant son langage corporel. Impressionnante sur le papier, elle s'utilise en fait couramment: « Certaines fois active mais pour la plupart du temps passive, elle fait partie intégrante de notre communication » explique Luca Brasey, 24 ans, étudiant à l'école d'ingénieur l'HEIG-VD, passionné pour ce sujet sur lequel il a lu de nombreux ouvrages. « La raison est purement évolutive, bien que nous ayons développé notre langage pour transmettre nos idées, nos pensées et nos sentiments, notre communication est aussi non-verbale » explique-t-il.

Jacques Deillon, 38 ans, scénariste et metteur en scène, recourt à la synergologie qui, selon lui, joue un rôle essentiel au théâtre. Elle évite à l'acteur de sombrer dans les clichés de la gestuelle. « Notre corps, nos gestes, nos mimiques, nos regards, notre attitude ont un puissant potentiel de communication », souligne Jacques Deillon. Pour Emilie, 20 ans, stagiaire en animation, lire le langage corporel de son interlocuteur permet de s'adapter à lui, de le comprendre : « Notre société, hypocrite, essaye de tout cacher. Avec cette technique, on comprend ses réelles intentions ». Pouvoir lire les autres devient alors un fantasme populaire, une illusion d'être supérieur à eux.

Quelques astuces
Il est en effet possible, au quotidien, de recourir à la synergologie pour avoir des indices sur les intentions de son interlocuteur. «Plusieurs études scientifiques montrent que nous adoptons différentes intonations, intensités de voix ou micro-expressions en s'exprimant », expose Luca Brasey. « Ces variations changent davantage selon le rapport entretenu avec l'interlocuteur ». Il explique que certains signes tels que les pupilles qui se dilatent, le fait de pencher le corps ou la tête vers l'autre, peuvent démontrer l'intérêt. En outre, des membres croisés, un pied qui s'agite et un doigt sur les lèvres marquent  l'impatience, la désapprobation. « En politique, certains mettent le bras gauche en avant, signe d'attaque, lorsqu'ils argumentent », analyse Matthieu Fragnière, 26 ans, étudiant en psychologie. « Dans les débats, les bras croisés signifient que l'interlocuteur refuse les arguments de l'autre, que ses propres pensées restent imperméables au message reçu », complète Luca. 

Le sens du regard jouerait aussi un grand rôle dans la lecture non-verbale. Si en répondant, la personne dévie le regard vers la gauche, elle puise la réponse dans ses souvenir. A l'opposé, regarder vers la droite signifie qu'elle va la chercher dans son imagination, ce qui implique peut-être un mensonge.  « J'ai dû dire vingt affirmations à un ami passionné par la lecture corporelle » se souvient Matthieu. « En observant l'orientation de mon regard, il a deviné dix-huit fois si je mentais ou non ! » Mais attention : une réponse qui se repose sur des souvenirs présumés n’est pas forcément véridique. En effet, la mémoire n'enregistre cependant pas les événements fidèlement :  « Il y a des trous que la mémoire comble avec l'imagination ou des lieux communs. Le sens du regard devient alors insignifiant » explique Yves-Alexandre Thalmann, psychologue.

Un viol de l’intimité
L’idée de voir ses intentions secrètes percées à jour par son interlocuteur a cependant quelque chose d’inquiétant. « La synergologie peut être dangereuse », met en garde Matthieu. « Certains la voient comme un viol de l'intimité, dévoilant les secrets de la personne ». Il poursuit sur un ton léger : « Heureusement il n'existe aucune loi et il est impossible d'en remarquer la pratique ». Jacques Deillon souligne l'importance de prendre en compte les différences qui distinguent chaque être humain autant dans ses réactions que dans sa gestuelle. « Cette technique doit être considérée avec prudence », met-il en garde. «  La synergologie ne doit pas nous donner l'illusion de pouvoir déchiffrer tout le monde ». De l’avis des psychologues aussi, la technique a ses limites. « Il n'existe pas de fondement scientifique, uniquement des avis », remarque Yves-Alexandre Thalmann. « Le corps se manifeste à travers des éléments que nous pouvons simplement interpréter. »

Enfin, certaines circonstances pourraient fausser une lecture du comportement physique, comme la maladie ou fatigue de l’interlocuteur. D'autres fois, ce dernier simule sciemment des émotions pour induire en erreur. Mais d'après Jacques Deillon, il est possible de détecter la supercherie en observant les gestes. Si ils s’assimilent à des clichés, comme se frotter les yeux en signe de tristesse, et que la personne n’en dégage pas l'authenticité, elle joue probablement. « En se trompant, des jugements hâtifs et des rumeurs se forment autour de la personne » avertit Matthieu. «Par exemple, une personne aux membres croisés  n'est pas forcément fermée ». Yves-Alexandre Thalmann le rejoint: « Même avec 80 indications corporelles, on peut se tromper sur les intentions de son interlocuteur ». Finalement, la meilleure façon de connaître les pensées de l'autre reste de les lui demander.


Pour aller plus loin :
THALMANN Yves-Alexandre, Mensonges et manipulations, Editions Marabout, 2015

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