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Le DJ raconte une histoire

La scène électronique vit de DJ qui passent la musique d’autrui. Leur mérite artistique est discuté

Le DJ raconte une histoire
Le DJ raconte une histoire

Louis Rossier

Publié le 12.10.2020

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Electro » «Oh c’est nul, ils ont pas joué ce morceau-là.» Cette phrase, Etienne Bel confie l’entendre souvent en rentrant de soirée de musique électronique. Une différence essentielle échappe en général à ses auteurs: ils viennent d’assister à un dj-set, et non à un live, de leur artiste favori. «Lors d’un live, les artistes présentent leur propre musique, tandis que ce n’est pas l’essence du dj-set, où la priorité sera donnée à l’alchimie entre les morceaux, qu’il s’agisse des siens ou de ceux de personnalités qu’on admire», distingue le Neuchâtelois de 27 ans, qui cumule les casquettes au sein de la scène électronique romande: directeur artistique du label Blizzard Audio Club, producteur et DJ sous les pseudonymes de Pavel et Estelle Zamme.

Pour le novice, il y a en effet quelque chose de mystérieux dans la faculté des DJ à attirer des foules de plusieurs milliers de personnes en passant de la musique qui n’est pas la leur. Pas plus tard qu’en septembre dernier, le Caprices Festival drainait 8000 personnes à Crans-Montana (VS) en pleine pandémie mondiale avec une programmation largement composée de DJ-sets. «Le DJ mène une réflexion: quel disque va bien avec quel autre? Il tient compte de la salle, de l’audience, il s’adapte au public tout en essayant de le surprendre», défend Etienne Bel.

Mauvaise image

Il déplore l’influence négative de la scène EDM (pour «electronic dance music», portée par des noms comme Avicii, Zedd, etc., ndlr) sur l’image des DJ-sets. «En passant une playlist préenregistrée, on abuse de la confiance du public», dénonce Etienne Bel. A l’ancienne, il préfère se présenter à ses prestations avec un paquet de fourres de CDs gravés, sélectionnant en amont une centaine de morceaux dans lesquels il piochera pour passer de la musique pendant une heure et demie.

«Un bon DJ, c’est quelqu’un qui parviendra à transmettre un message avec la musique qu’il passe», explique Etienne Bel. Lorsqu’on lui demande s’il considère le DJ comme un artiste, il est implacable: «Absolument», affirme-t-il, avant de nuancer: «Mais n’importe quel type qui s’agite derrière de platines n’est pas un DJ.» Fiona Rody, plus connue sous le pseudonyme de Noria Lilt, appelle aussi à ne pas ranger tous les DJ sous la même étiquette: «On ne remplit pas tous la même fonction, je serais par exemple incapable de jouer à un mariage.»

Interrogée, la Fribourgeoise de 26 ans se considère comme une artiste lorsqu’elle est derrière les platines, dans la mesure où elle peut faire preuve de créativité. «J’essaie d’associer les genres et les esthétiques de manière cohérente, pour créer une histoire, un voyage.» Le concept essentiel de son travail, affirme-t-elle, c’est la narration. «Après un de mes sets, ma mère m’a dit: c’est joli, les histoires que tu racontes. C’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire», confie la DJ.

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