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Nous, la déception

L’article en ligne – Critique série TV » Le 1er novembre dernier, Netflix dévoile la première (et on l’espère, dernière) saison de « Wir sind die Welle ». Notre critique. 

En haut, de g. à dr. : Hagen, Rahim et Léa. En bas, de g. à dr. : Zazie et Tristan. © Netflix
En haut, de g. à dr. : Hagen, Rahim et Léa. En bas, de g. à dr. : Zazie et Tristan. © Netflix

Elsa Rohrbasser

Publié le 13.11.2019

Temps de lecture estimé : 5 minutes

La nouvelle série Netflix, fraîchement venue d’Allemagne le 1er novembre dernier, était plus que prometteuse. Le titre « Wir sind die Welle » (« Nous, la vague »), fait écho au film « Die Welle » sorti en 2008, lui même adapté du roman « The Wave » de Todd Strasser paru en 1981, lui-même adapté du téléfilm du même nom sorti lui aussi en 1981, lui-même inspiré de l’expérience « The third wave » du professeur Ron Jones sur ses élèves, narrée dans l’article « Take as Directed » par ce même professeur. Vous suivez ? Bon. L’expérience de Ron Jones avait pour but de faire comprendre à ses élèves comment l’Allemagne a, lors de la Deuxième Guerre mondiale, pu sombrer dans le nazisme et le totalitarisme. Pour ce faire, il organise un jeu de rôle grandeur nature et fonde un mouvement appelé « la troisième vague », dont l’idéologie est basée sur la discipline et l’esprit d’équipe. Ainsi, il souhaitait montrer à ses élèves comment une masse peut se laisser entrainer dans l’horreur.

En faire une série semblait alors une idée pleine de promesses, tant les réflexions sur l’effet de groupe, le conformisme et une forme d’instinct grégaire sont passionnantes. Malheureusement, l’adaptation du géant Netflix surfe sur une franchise qui marche, mais n’a de point commun avec celle-ci que le titre. «Wir sind die Welle » n’est pas une mauvaise série en soi : elle se laisse regarder. Elle est divertissante, gentillette mais sans plus, et bien loin d’atteindre les attentes escomptées. 

Le début de la fin

 

L’histoire se déroule en Allemagne, où un nouvel élève nommé Tristan entraîne quatre de ses camarades – qui ne s’étaient jamais adressés la parole car de milieux sociaux diamétralement opposés – dans son idéologie contre le consumérisme, les armes et en faveur de l’écologie, bref des sujets totalement dans l’actualité. Ils forment le mouvement « La Vague » et mènent ensemble des actions coup de poing qu’ils filment et postent ensuite sur les réseaux sociaux. La série montre alors la radicalisation d’un groupe d’adolescents qui avaient tendance à se laisser vivre sans trop se poser de question, menés par un leader charismatique. Jusqu’ici, dans le fond, tout va a peu près bien.

 

Ce qui devient problématique, c’est la forme. La manière dont la série exploite des clichés pour mettre en avant son idée est vraiment regrettable et cela décrédibilise totalement le propos. En effet, les cinq personnages principaux sont des stéréotypes d’adolescents en souffrance, dans une société de méchants capitalistes blancs : Tristan Broch, en réinsertion professionnelle dans le lycée, dort tous les soirs en prison ; Rahim d’origine maghrébine subit le racisme au quotidien ; Hagen est en crise familiale car ses parents agriculteurs sont ruinés en raison d’une usine qui pollue leurs terres ; Zazie, la marginale un peu dark, est moquée par les filles populaires du lycée ; et finalement, la cerise sur le gâteau, la riche bourgeoise Léa qui n’a jamais rien fait d’extravagant, est confortée par le luxe dans lequel elle vit. Les stéréotypes ont atteint leur paroxysme.

 

En bref, la déception

 

« Wir sind die Welle » veut traiter de tout, en même temps : la pollution, la (sur)consommation, le harcèlement scolaire, le racisme, les réseaux sociaux. Mais à force de vouloir trop faire, on finit souvent par mal faire. Résultats : les sujets sont tous traités en surface. Les raisons des actes de rébellion ne sont que peu développées, la dimension politique qui aurait pu ajouter à la série un peu de crédibilité est quasi inexistante et le désir de modernisation du sujet en incluant la présence des réseaux sociaux est totalement superflue, car l’impact de ceux-ci sur les masses populaires n’est jamais approfondi. On reste à la surface de l’eau, sans jamais plonger sous la vague pour en voir les dessous.

 

De plus, la série se base rapidement sur une mièvre histoire d’amour entre Tristan le rebelle et la belle Léa, ce qui dévalue encore davantage la vraisemblance de l’histoire. Elle ne fait pas vraiment réfléchir le spectateur, car la multiplication des clichés ne permet ni de s’identifier aux personnages ni de se laisser prendre au jeu. A contrario, dans le livre, on se rend compte que malgré les idéaux que l’ont peut avoir, on  peut vite se laisser entrainer par l’effet de groupe. C’est ce qui fait la force de « The Wave ». Ici, les actions paraissent absurdes, comme sortie de nulle part, et ont ne se sent pas concernés par les chemins extrêmes que le groupe d’adolescent choisit d’emprunter. S’il fallait conclure en un mot, ce serait « déception ».

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