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Recalés au service militaire

Ils étaient prêts à endosser la tenue kaki, l’armée en a décidé autrement

Convoqués au recrutement, certains jeunes ne s’imaginent pas pouvoir être réformés. © Adrien Perritaz
Convoqués au recrutement, certains jeunes ne s’imaginent pas pouvoir être réformés. © Adrien Perritaz

Justine Fleury

Publié le 10.04.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Armée » «J’étais motivé. Je voulais même grader, mais on m’a jugé inapte», s’offusque Fabrice*, 25 ans. D’après un récent communiqué de l’armée, 21,2% des jeunes appelés à servir en 2017 ont été, comme Fabrice, jugés médicalement inaptes au service militaire et à la protection civile. Une décision qui lui reste en travers de la gorge. «Dans environ 75% des cas, la décision entre aptitude et inaptitude est claire», déclare Christophe Barbey, juriste à la permanence romande pour les civilistes et militaires. «Entre les deux, il y a une zone grise. Passablement de cas sont sujets à interprétation», explique-t-il.

En 2012, Fabrice est responsable d’un accident de voiture sur l’autoroute après avoir consommé de l’alcool et du cannabis. Aucun blessé n’est à déplorer. «C’était une erreur grave, mais involontaire. Je ne suis ni un drogué, ni un psychopathe», s’exclame-t-il. Lors du recrutement, Fabrice affirme s’être bien défendu. Cela n’a pas été suffisant. L’armée, en possession de son casier judiciaire, l’a jugé trop dangereux.

Fabrice n’est pas le seul à s’indigner contre une décision d’inaptitude. Lucas Wey, 22 ans, n’a pas eu besoin de se présenter au recrutement. Souffrant de douleurs à la hanche depuis son enfance, il reçoit une lettre de l’armée lui annonçant son inaptitude au service militaire et à la protection civile. «Leur formulation m’a donné l’impression d’être destiné à l’AI», s’énerve Lucas. Ses problèmes médicaux ne l’empêchent pas de pratiquer du sport régulièrement. Lucas peine à comprendre cette décision, sachant que certaines affectations ne demandent que peu d’efforts physiques. «Un ami a fait son service en tant que postier et est resté assis la plupart du temps», dit-il en secouant la tête.

Contester ou payer

Devant la taxe militaire que Lucas et Fabrice doivent payer, leur frustration est grande. «J’aurais très bien pu faire l’armée comme tout le monde. Au lieu de cela, je dois verser chaque année 3% de mon revenu», déplore Fabrice. Difficile pour eux de concevoir que leur motivation n’ait pas été prise en compte. Le service militaire est obligatoire, et l’armée est formelle à ce sujet: «Non, la motivation ne joue aucun rôle lors de l’examen médical», répond Stefan Hofer, porte-parole de l’armée.

Christophe Barbey conseille les gens dans leur procédure juridique. D’après lui, la motivation peut être utilisée comme argument pour contester une décision d’inaptitude. A condition que celle-ci soit bien formulée. «L’armée ne désire pas incorporer des extrémistes», souligne le juriste. Ni Lucas, ni Fabrice n’ont fait recours. «J’ai tout de suite pensé que je n’avais aucune chance», se justifie Lucas. Christophe Barbey témoigne du contraire. «Le recrutement, c’est un peu des décisions administratives à la chaîne où il arrive parfois des erreurs, explique-t-il. Si la situation est claire et bien argumentée, il est possible de gagner.»

* Prénom d’emprunt

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