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Règles: la douleur taboue

Les femmes souffrant de fortes douleurs menstruelles peinent à les faire reconnaître dans le monde du travail

Règles: la douleur taboue
Règles: la douleur taboue

Nastasia Jeanneret

Publié le 23.05.2022

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Société » Chaque mois, Mila* souffre d’intenses douleurs menstruelles, s’étalant sur plusieurs jours: «La première semaine, mon ventre gonfle petit à petit et les douleurs augmentent crescendo. J’ai des crampes, des chutes de tension, des migraines et des difficultés à respirer. Ça me fait souvent mal à en pleurer», raconte-t-elle. Mais que ce soit à l’école ou au travail, ses douleurs ont rarement été prises au sérieux: «Les gens comprennent que les règles peuvent faire mal, mais pas à ce point-là. On pense souvent que je fais semblant ou que j’exagère», explique la jeune femme.

Aujourd’hui en stage pour sa formation à l’Ecole de commerce au Collège de Gambach, Mila supporte ses douleurs, jusqu’à craquer: «Maintenant, j’ai tellement peur qu’on me fasse des remarques que je ne dis plus rien. C’est seulement quand ça devient insoutenable et que je commence à pleurer que je demande à rentrer.»

«Pas un sujet»

Geneviève Beaud Spang, responsable du Bureau de l’égalité et de la famille (BEF) du canton de Fribourg, confirme que les règles restent un tabou dans la sphère professionnelle: «Aujourd’hui, hormis quelques rares initiatives dans des entreprises progressistes, la problématique des douleurs menstruelles n’est pas un sujet dans le monde du travail suisse.» Selon la responsable du BEF, les mentalités doivent impérativement évoluer: «Personne ne parle des règles douloureuses, ni de la ménopause, alors que beaucoup de femmes sont concernées, et ce tout au long de leur vie. Il est important que la réflexion progresse dans les entreprises, afin de prendre en compte cette réalité», affirme-t-elle.

Pour Mila, des mesures simples comme le télétravail seraient des solutions qui lui permettraient d’accomplir ses tâches: «La plupart du temps, si je suis en tenue confortable et dans une position qui me plaît, je peux totalement travailler», déclare-t-elle. Geneviève Beaud Spang appuie, mais nuance: «Le télétravail et les horaires flexibles sont effectivement des pistes pour améliorer la situation. Mais il ne faut pas oublier que les emplois les moins rémunérés impliquent souvent une présence.» Par ailleurs, l’idée d’un congé menstruel doit être prise avec précaution: «Nous devons faire attention à ne pas s’embarquer dans quelque chose qui provoquerait de la discrimination à l’embauche», souligne la responsable du BEF.

Selon elle, la problématique des douleurs menstruelles doit donc être pensée de manière collective: «Les femmes ne doivent pas rester seules, car ce ne sont pas uniquement des petites démarches individuelles qui permettront d’obtenir des changements structurels. Il faut qu’elles puissent trouver des appuis et une réflexion commune, par exemple au travers des syndicats ou de mouvements», conclut-elle.

* Prénom d’emprunt

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