La Liberté

Un drame américain inter-dimensionnel

L'article en ligne - BD - C’est sous la forme d’un drame familial télescopé à un récit cosmique aux accents mythologiques que se présente God Country, nouveau comics indépendant que l’on doit à Donny Cates, Geoff Shaw et Jason Wordie.

God Country est paru le 7 septembre dernier chez Urban Comics © Urban Comics
God Country est paru le 7 septembre dernier chez Urban Comics © Urban Comics

Yvan PIERRI

Publié le 01.10.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Singulier objet que ce God Country, qui tente un mélange des genres somme toute assez inhabituel. En effet, en ouvrant God Country, on a l’impression de commencer un drame américain avec ses figures reconnaissables (situation familiale compliquée, Amérique rurale, maladie, etc…) puis en continuant la lecture, on se retrouve petit à petit face à une saga opératique traversant l’espace, le temps et les dimensions. Ces deux facettes, loin d’être antinomique, se complètent parfaitement grâce à l’excellente écriture de Donny Cates qui nous livre là une touchante allégorie sur la mort, l’héritage et le poids de la famille.

God Country parle donc de Roy Quinlan et sa famille traversant une bien mauvaise passe,contraints de quitter leur vie bien rangée à Austin pour le Texas profond où le père de Roy, Emmett, souffrant d’Alzheimer, devient de plus en plus instable et violent. La situation semble désespérée jusqu’à ce qu’arrive une cataclysmique tornade amenant une épée cosmique capable de rendre Emmett surpuissant et surtout de le guérir de sa maladie. Mais quand les entités divines ayant forgé l’arme veulent récupérer leur dû, on imagine que les événements ne seront pas de tout repos pour le clan Quinlan…

Ce qui bluffe au premier abord dans God Country, c’est la maestria avec laquelle Donny Cates rend poignantes et fortes des situations aussi incongrues qu’un vieillard à la forte bedaine pourfendant un Dieu cosmique avec une épée de quatre mètres de longs. Le scénariste développe ici un art de l’allégorie et de la rime qui force le respect. Les aspects de prime abord contradictoires de son récit ne cessant de s’alimenter mutuellement et organiquement au service des thématiques chères à l’auteur. Car dans God Country, la douleur intense du déchirement familial  répond à la puissance des pouvoirs cosmiques des entités mythologiques du récit. Aboutissement de cette logique, le brillant choix du narrateur à l’argot prononcé qui évoque à la fois le conte mythologique transmis par l’oralité et la vieille anecdote familiale que l’on se passe de génération en génération. 

On pourra dès lors regretter que le récit sacrifie parfois un peu trop sa facette intimiste pour un déluge d’action réjouissant mais nous privant d’un peu de développement qui aurait été bienvenu. D’un autre côté, il aurait été fort dommage de perdre certains  magnifiques tableaux de Jason Wordie et Geoff Shaw. Car si les dessins de ce dernier, tout en contrastes stylisés met parfaitement en évidence l’expressivité de ces personnages, c’est surtout pendant les scènes d’action que son talent éclate. Il nous gratifie de sublimes compositions épiques évoquant les gravures mythologiques de Gustave Doré. Le tout sublimé par les couleurs impressionnistes de Jason Wordie donnant une teinte tantôt intimiste et nostalgique, tantôt psychédélique et surréaliste à l’histoire.

God Country est un comic à l’image de ses personnages, imparfait, manquant parfois de subtilité mais surtout franc, rentre dedans, généreux, touchant et épique.   

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