Yasmina est une gamine pleine de vie qui a pour passion de mijoter des petits plats équilibrés composés essentiellement de légumes à son retour de l’école. Comme dans un monde opposé, son père, lui, travaille dans un fast-food servant des frites et peine à joindre les deux bouts. Heureusement, Yasmina est créative et débrouillarde. Pour pallier à leur précarité et lorsqu’un ingrédient lui manque, elle enfile sa cagoule et se faufile clandestinement dans le potager d’une drôle de voisine, juché sur le toit de l’immeuble, pour y chaparder quelques légumes. Elle peut également compter sur le soutien de ses amis, Cyrille et Marco : deux jardiniers que tout oppose – l’un âgé et ne jurant que par les pesticides, l’autre un peu hippie et adepte du « tout naturel » –, mais qui lui font généreusement don de leurs légumes. Armée d’un guide des plantes comestibles, elle en cueille aussi consciencieusement sur le chemin de l’école.

Tout bascule le jour où Tom de Perre, un entrepreneur malhonnête, rachète les terres de la ville pour y planter des patates fort douteuses. Une fois mises sur le marché, ces patates rendent leurs consommateurs accros et leur font perdre la boule. Les magasins ne vendent plus rien d’autre que ces produits : c’est la catastrophe pour Yasmina qui cuisine varié et équilibré. Alors que les habitants de la ville se comportent toujours plus bizarrement, la jeune fille se lance dans une enquête sur les traces de ce nouveau mal et est bien décidée à y mettre fin.

Pertinent et amusant, cet album de 140 pages offre une lecture pétillante de malice, critiquant, l’industrie agro-alimentaire ainsi que les entreprises pratiquant des expropriations de terres et des tests de laboratoire obscurs.. Les vignettes se succèdent avec humour et légèreté sur une thématique de fond néanmoins pesante. On ne peut s’empêcher de sourire devant le duo de Cyrille et Marco qui se chamaille au sujet de leurs principes ou encore des résidents de l’immeuble dont l’estomac gargouille derrière le passage du père de Yasmina qui répand une odeur de frites après sa journée de travail. Mannaert parvient à nous interroger de façon fantaisiste sur notre attitude face à l’alimentation, à ses méthodes de production pas toujours recommandables et à ses risques d’addiction. Les personnages sont attachants et on éprouve vite de la sympathie pour cette héroïne qui porte déjà beaucoup de responsabilités malgré son jeune âge. Le scénario très farfelu est porté par un dessin léger et entraînant aux couleurs sobres, à l’image de la couverture. Avec cet album, Mannaert parvient à apporter une réflexion sur une thématique actuelle tout en finesse : assurément sérieux, mais toujours prêt à la plaisanterie.