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Une langue pour toustes

L’écriture inclusive, qu’est-ce que c’est? Entretien avec la Fribourgeoise Valérie Vuille, spécialiste de la question

Une langue pour toustes
Une langue pour toustes

Kaziwa Raim

Publié le 30.11.2020

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Ecriture » «La langue n’est pas neutre, il suffit d’observer la règle du masculin générique pour le constater», affirme Valérie Vuille, 30 ans, directrice de DécadréE, un institut de recherches et de formations et laboratoire d’idées sur l’égalité dans les médias. «C’est là qu’intervient l’écriture inclusive», expose l’experte qui présente le langage épicène comme un outil rédactionnel permettant de contrer l’inégalité des représentations de genre dans la langue par l’intermédiaire d’un ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques. «Le but est de représenter l’entièreté de la population», ajoute-t-elle.

La Fribourgeoise rappelle que la langue française n’a pas toujours été aussi androcentrique: «Notre langue a été masculinisée», avance-t-elle. «Ce sont les grammairiens du XVIIe siècle qui ont arbitrairement imposé la règle du masculin générique, faisant de la langue une arme politique qui invisibilise les femmes.» D’où la fameuse citation du grammairien Nicolas de Beauzée: «Le masculin l’emporte sur le féminin car le mâle prévaut sur la femelle.»

«Le langage est l’outil de la pensée», rapporte Valérie, poursuivant: «Or s’il est biaisé, notre réflexion sera forcément elle aussi biaisée.» L’experte explique que selon une étude fribourgeoise récente, lorsqu’on utilise le masculin générique pour désigner un groupe d’individus de genres mixtes, cela influence inconsciemment nos représentations mentales car c’est le masculin qui s’incarne dans notre imaginaire. «Au bout du compte, ce processus influence nos comportements», affirme la directrice.

Ainsi, écrire «les étudiants» pour désigner l’ensemble du corps estudiantin, femmes et personnes non binaires comprises, induirait inconsciemment une image mentale majoritairement masculine. «Concrètement, l’écriture inclusive comprend plusieurs outils», explique Valérie Vuille. Il y a notamment le point médian qui présente les formes féminine et masculine d’un même terme, comme dans «les étudiant·e·s», ou encore les termes épicènes qui ne reflètent pas de genre particulier, comme dans «le corps estudiantin».

Lectorat curieux

«Depuis plusieurs années, notre journal rédige l’ensemble de ses articles en adoptant l’écriture inclusive», déclare Lara Diserens, 21 ans, membre du comité de Spectrum, le magazine des étudiant·e·s de l’Université de Fribourg. «Pour un média, il est important dans un premier temps de se mettre d’accord sur la façon dont on veut présenter l’écriture inclusive pour qu’elle soit utilisée de manière cohérente et homogène, confie-t-elle. Si les rédacteur·rice·s et les correcteur·rice·s prennent un certain temps pour s’adapter, la plupart se disent enthousiastes.»

Quant à leur lectorat, Lara rapporte qu’il manifeste majoritairement de la curiosité et des retours positifs. «Après tout, c’est à force de la voir utilisée que l’écriture inclusive deviendra normale et lisible par tout le monde», conclut-elle. Une idée qui pourrait se vérifier, puisque cette page est rédigée intégralement en écriture inclusive.

Infos sur www.decadree.com et www.student.unifr.ch/spectrum

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