La Liberté

Une Toile conservatrice

Absentes du paysage médiatique traditionnel, certaines idées rétrogrades et radicales misent sur le web pour trouver une audience

Le politiquement correct et les ­intellectuels de gauche, deux sources d’agacement pour certains internautes. © Aurélie Bavaud
Le politiquement correct et les ­intellectuels de gauche, deux sources d’agacement pour certains internautes. © Aurélie Bavaud

Aurélie Bavaud et Louis Rossier

Publié le 30.01.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Internet »   «Les gens viennent sur notre site pour entendre parler des réalités cachées ou biaisées idéologiquement par les autres médias.» C’est ainsi qu’Uli Windisch explique le succès de LesObservateurs.ch, site de réinformation «patriotique et souverainiste» qu’il a fondé en 2011. La fulgurance de son ascension ne fait aucun doute: d’une centaine de lecteurs par semaine lors de sa fondation, il serait passé à près de vingt mille lecteurs quotidiens aujourd’hui. Quant à la page Facebook du site, elle affiche plus de 80 000 adeptes – celle de La Liberté, à titre indicatif, en compte 30 000.

Or, LesObservateurs.ch ne serait pas un cas isolé: «On assiste à une prolifération de sites et de blogs qui cherchent à délivrer une information alternative», indique Thomas Jammet, docteur en sociologie à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Selon Uli Windisch, la faute reviendrait aux médias mainstream: «Le lectorat est fatigué d’une information orientée à gauche et de la dictature du politiquement correct.»

Cet agacement est visible sur la Toile. Ainsi, le député UDC neuchâtelois Niels Rosselet-Christ, très actif sur les réseaux sociaux, observe autour de lui «une grogne contre une gauche déconnectée de la réalité, même chez des gens peu impliqués politiquement.» Damir Skenderovic, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de ­Fribourg, situe l’émergence de ce mécontentement aux années 1990. Il avertit: «Le danger, c’est que certains raisonnent ainsi: si le président des Etats-Unis peut le dire, moi aussi.» En effet, il y a des règles qui définissent ce qui peut être dit en public ou pas, rappelle Thomas Jammet: «Les médias du service public ne vont pas diffuser de thèses xénophobes, et ce pour d’excellentes raisons.»

Contributions bénévoles

En conséquence, on assisterait à un contournement des médias par les opinions radicales. «Moins un mouvement politique est présent dans le paysage médiatique, plus il va s’efforcer de développer des moyens de communication alternatifs et d’inclure ses sympathisants dans la production et la diffusion de ses idées», explique Thomas Jammet. De l’aveu d’Uli Windisch, LesObservateurs.ch n’existerait par exemple plus sans «les déterminantes contributions des bénévoles».

Cette dimension participative a des répercussions sur les réseaux sociaux, où les sympathisants sont encouragés à partager les contenus issus de sites comme LesObservateurs.ch. «Il y a une forme de normalisation des thèses populistes», observe Thomas Jammet. «Et ça s’accompagne d’une communication plus décomplexée de la droite radicale.» Une étiquette qu’Uli Windisch rejette lorsqu’on parle de son site: «On ne tient pas des discours de droite, on présente juste les réalités telles qu’elles sont, que d’autres cachent ou nient», martèle le responsable du site, convaincu que les citoyens suisses sont mûrs et ont l’habitude d’une lecture critique de l’information. Reste à savoir s’ils l’appliquent en toutes circonstances. 

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