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Droit à l’avortement: la crainte d'un «retour en arrière»

A Fribourg, quelque 200 personnes se sont réunies pour rappeler l’importance du droit à l’avortement

Les mains rougies et les cintres des participants rappellent les dangers liés à un avortement pratiqué dans l’illégalité. © Charly Rappo
Les mains rougies et les cintres des participants rappellent les dangers liés à un avortement pratiqué dans l’illégalité. © Charly Rappo

Camille Besse

Publié le 29.06.2022

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Fribourg » C’est en brandissant leurs cintres, comme autant de poings levés, que les participants au rassemblement organisé hier en ville de Fribourg, place Georges-Python, ont signifié leur soutien au droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Ils étaient quelque 200 manifestants, selon les organisatrices, à s’être rassemblés à l’initiative du collectif Grève féministe Fribourg.

La décision historique prise vendredi par la Cour suprême des Etats-Unis de mettre fin au droit à l’avortement sur le plan fédéral est venue rappeler qu’en Suisse comme ailleurs, l’IVG fait débat.

«C’est avec rage et colère que j’ai appris la décision de la Cour suprême. Je ne pensais pas devoir continuer à me battre pour ce droit. C’est important de se souvenir que chaque grossesse n’est pas forcément désirée», souligne Camille Habets, membre du collectif fribourgeois de la Grève féministe. «A notre époque, c’est inadmissible de faire un retour en arrière dans des pays où le recours à l’IVG semblait acquis», déclare Mélissa Sturny venue avec plusieurs de ses amis «en soutien». La décision prise aux Etats-Unis suscite incompréhension et crainte chez de nombreux participants.

Une histoire récente

Invitée à prendre la parole par les organisatrices, l’historienne Morgane Pochon, qui a consacré son travail de master à l’histoire de l’avortement à Fribourg, de 1930 à 1970, relaie à l’assemblée attentive son souhait que «les femmes du passé puissent prêter main-forte aux femmes du présent dans leur combat pour garantir un avortement légal et sécurisé».

«A notre époque, c’est inadmissible de faire un retour en arrière dans des pays où le recours à l’IVG semblait acquis.»
Mélissa Sturny

La lecture à plusieurs voix de témoignages qu’elle a récoltés dans les archives judiciaires du Tribunal de la Sarine ne manque pas d’engendrer une certaine émotion. Parmi ceux-ci, celui de Cécile, arrêtée en 1942 et qui, à 15 ans, voulait «faire passer» sa grossesse, ou encore celui d’Aude qui, à 21 ans, désirait «faire revenir ses règles». Toutes deux écoperont d’une peine d’emprisonnement. En Suisse, le droit à l’avortement durant les douze premières semaines de grossesse est légal depuis 2002.

«Ma mère n’était pas mariée lorsqu’elle était enceinte de moi, et je sais qu’elle n’a pas pu avoir accès à une IVG alors qu’elle l’aurait souhaité», confie Ursula Quartenoud, qui est venue accompagnée de membres du collectif Broderie féministe de l’association espacefemmes à Fribourg. A ses côtés, Sylvia Roa Kugler affirme: «La décision prise aux Etats-Unis fait peser un risque sur le monde entier.» Chilienne, elle rappelle que dans son pays l’avortement est soumis à des restrictions.

Des initiatives redoutées

«J’ai peur que cela puisse se passer ici également», déclare Julie, étudiante en médecine à l’Université de Fribourg, qui dit notamment redouter les initiatives lancées en 2021 par les forces anti-IVG et soutenues par des élus UDC. Une crainte partagée par un bon nombre de participants. «Ce qu’il s’est passé la semaine dernière m’a fait prendre conscience que l’on n’était pas si bien protégé», explique Sophie Cochet.

«J’ai peur que cela puisse se passer ici également.»
Julie

Pour rappel, lancées fin 2021, les deux initiatives veulent réduire le nombre d’interruptions de grossesse. L’une d’elles, intitulée «La nuit porte conseil», veut notamment introduire un jour de réflexion pour la femme avant de prendre sa décision. Le deuxième texte, «Sauver les bébés viables» veut abroger les interruptions tardives de grossesse, dès la 22e semaine de grossesse ou même plus tôt. Pour les deux textes, la récolte des signatures est prévue jusqu’en juin 2023

«Ces initiatives sont infantilisantes. Chacun est libre de choisir comment disposer de son corps. Nous serons particulièrement vigilants ces prochains temps afin de protéger notre droit à l’avortement», assure en conclusion le collectif Grève féministe Fribourg.

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