La Liberté

Oman, la «Suisse» du Golfe

Paul Grossrieder

Publié le 01.12.2018

Temps de lecture estimé : 2 minutes

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La péninsule Arabique est peuplée d’Etats connus pour être les piliers du sunnisme, courant de l’islam dominé par l’Arabie saoudite, aussi berceau du wahhabisme, branche extrémiste de l’islam. D’où l’hostilité marquée envers le grand voisin iranien, leader du chiisme. Cette rivalité est l’une des causes principales du terrible conflit au Yémen, pays situé dans la même péninsule. Les médias internationaux réduisent en général le Golfe à l’image négative d’un islamisme radical responsable du terrorisme international. Or, la péninsule abrite aussi le sultanat d’Oman, qui tient fermement à marquer sa différence, notamment avec l’Arabie saoudite. Le sultan Qabous a par exemple refusé de rejoindre l’alliance arabe dans la guerre yéménite.

Jusqu’en 1970, date de l’avènement du sultan actuel, le pays était notablement arriéré. Depuis, il s’est modernisé spectaculairement grâce au pétrole, qui constitue le 80% de ses revenus. Certes, Qabous dirige en autocrate les 3,6 mio d’Omanais. Il détient la totalité du pouvoir, mais contrairement aux autres Etats du Golfe – selon Jean-Christophe Rufin qui vient d’y séjourner – le sultan pratique une politique de redistribution égalitaire des dividendes du pétrole qui garantit une relative paix sociale. C’est pourquoi plusieurs analystes qualifient Qabous de «despote éclairé». Il sait en effet faire preuve de pragmatisme. Contrairement à ses voisins, le pays n’est ni chiite, ni sunnite, mais ibadite. Cette troisième voie de l’islam remonte à la mort du Prophète (632) et n’a jamais rejoint l’un des deux camps après le schisme chiite/sunnite. L’ibadisme est rigoriste pour ses fidèles, mais tolérant vers l’extérieur.

Il existe à Oman un «Ministère des affaires religieuses», une expression qui ne distingue pas l’islam des autres cultes. Son ministre a lui-même déclaré: «La religion est un espace sans frontières. Ici, chacun doit pouvoir prier dans de bonnes conditions.» Il souligne que «l’identité du pays» s’est construite autour de la cohabitation avec les autres communautés. Cette position «neutre» permet au sultan de jouer discrètement un rôle d’intermédiaire dans la région. L’une des réunions préparatoires à l’accord sur le nucléaire avec l’Iran s’est ainsi tenue dans la capitale, Mascate. Malgré ces aspects positifs, Amnesty International, dans son rapport 2017-2018, reproche au régime omanais de «restreindre les droits à la liberté d’expression et d’association, s’appuyant sur des procédures juridiques entachées d’irrégularités pour suspendre des journaux et arrêter, poursuivre et condamner des journalistes.» L’organisation relève aussi les mauvais traitements subis par les travailleurs migrants.

Il n’en reste pas moins qu’Oman constitue une exception dans le golfe Persique. Il a constamment résisté aux pressions politiques et économiques du CCG (Conseil de coopération du Golfe) pour qu’il rentre dans le rang. Cette résistance dépend cependant de la santé économique du Sultanat, or cette santé s’est récemment fragilisée. De plus, la disparition de Qabous, âgé et malade, pourrait aussi contribuer à menacer l’équilibre politique d’Oman, cette «Suisse» du Golfe.

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