La Liberté

La crise identitaire des peuples

Jacques de Coulon

Publié le 30.08.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Pour Herder, philosophe allemand ami de Goethe, chaque peuple est doué d’un génie propre, d’une identité unique et irremplaçable. On pourrait dire que les nations ont une «âme» transcendant l’écume des jours dont les médias se repaissent. Or actuellement cette spécificité est mise à mal, balayée par le grand brassage de la mondialisation et de l’immigration qui provoque en retour la montée des populismes. Mais qu’est-ce que l’identité d’un peuple et d’où vient-elle?

Le mot «identité» désigne ce qui reste identique, ce qui ne varie guère sous les changements. Héraclite prend l’image du fleuve symbolisant le temps de la vie en train de s’écouler: «Nous nous baignons et nous ne baignons pas dans le même fleuve», écrit-il. Les eaux se renouvellent sans cesse, comme les événements vécus et, dans ce sens, je ne me plonge jamais dans le même cours d’eau. Mais ne s’agit-il pas pourtant toujours de la même rivière avec son même tracé, comme celui de la Sarine? Comment s’en rendre compte? En s’élevant au-dessus des eaux pour contempler cette configuration fluviale inchangée depuis des millénaires. Ainsi en va-t-il de mon identité. Pour discerner le fil qui relie tous les instants de mon existence depuis l’enfance, je m’extrais du moment présent pour me hisser au-dessus du fleuve du temps. Comment? Par mon esprit, plus précisément par ma mémoire. Amnésique, je serais ballotté comme un fétu de paille dans les vents d’un présent fugace.

Par analogie, l’identité d’un peuple se tisse grâce à sa mémoire collective. Elle porte un nom: l’histoire. C’est grâce à elle, au patrimoine, aux traditions et aux valeurs qu’elle nous lègue qu’un peuple peut rester lui-même.

Certes, les eaux du temps changent sans cesse et les mœurs évoluent. Mais sous ces variables, une constante demeure, sur le plan mondial comme au niveau national. N’y a-t-il pas une nature humaine intangible que des apprentis sorciers cherchent aujourd’hui à briser et un ancrage historique pour chaque civilisation? Les «peuples d’en bas», la Suisse ou la France profondes, restent fortement attachés à cette identité tant menacée. Les intellocrates urbains déracinés ont beau qualifier cette quête identitaire de réactionnaire et même déclarer stupidement qu’elle sent le «moisi», il n’en demeure pas moins qu’elle prend une ampleur justifiée. Si nous la snobons, elle fera le lit de l’extrême droite.

L’identité collective se construit grâce à un récit historique partagé, peuplé de modèles qui forcent l’admiration et qui incarnent des valeurs communes. En marche, comme dit Macron? Oui mais avec la conscience du chemin parcouru nous orientant vers une destination. Chaque peuple n’a-t-il pas un destin? Faute de le définir, nous allons droit dans le mur. Les gens ne s’extasient pas devant un taux de croissance, n’en déplaise aux conducteurs de la machine économique mondiale dissolvant les identités nationales en numérisant tout sous le règne du chiffre.

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