La Liberté

La «pensée» de Xi et la «nouvelle ère»

Publié le 20.02.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

OPINION

On se souvient qu’en octobre dernier, le Parti communiste chinois tenait son Congrès quinquennal et portait sur les fonts baptismaux la «pensée de Xi Jinping sur l’économie chinoise de la nouvelle ère». Les médias occidentaux y voyaient surtout une démarche faisant du président Xi «l’égal de Mao Zedong». Ne croyons pas, pourtant, à un retour au totalitarisme d’avant 1976. Le marxisme pur et dur imposé par Mao Zedong n’est plus de saison, le concept de «lutte des classes» est oublié en Chine depuis belle lurette. La «pensée» de Xi veut renouveler l’idéologie du parti. La «contradiction principale», ce sont les disparités résultant d’un développement économique déséquilibré. La «pensée» entend poursuivre les réformes avec pour objectif de faire de la Chine dans trente ans un pays «socialiste moderne, prospère et puissant». Ce programme ambitieux, le président Xi ne l’estime réalisable que moyennant un système de gouvernance à la mode chinoise, c’est-à-dire un parti unique discipliné, purifié par une lutte contre la corruption sans précédent, éclairé par un marxisme aux caractéristiques chinoises mis au goût du jour. Et cette remise à jour suppose de tenir compte d’une mondialisation grandissante, et donc aussi d’une présence plus agissante de la Chine dans le monde. Pour souligner l’ampleur de ce nouveau tournant idéologique, Xi Jinping a nommé dans l’aréopage suprême, le Comité permanent du Bureau politique (sept membres), un intellectuel inconnu du grand public mais aux compétences reconnues en la matière, Wang Huning.

Cette nouvelle orientation idéologique suppose le ralliement de tous autour du chef, seul détenteur de la vérité, avec pour conséquence la soumission du pays aux outils de contrôle de l’opinion publique que sont les instances de propagande, de censure et de police. Elle met fin, pour le moment, à un débat opposant ces dernières années les intellectuels partisans du «constitutionnalisme», soit, en gros, les principes de l’Etat de droit, et les partisans de ce «néoautoritarisme». Assurément, le parti peut être légitimement fier des progrès réalisés depuis trente ans. Nul doute non plus que la Chine a besoin d’institutions centrales fortes pour assurer sa stabilité et son développement. Mais faut-il pour autant que cela se fasse sans contre-pouvoir, sans débats publics, sans transparence?

Sur le long terme, le Parti communiste chinois est loin d’en avoir terminé avec les concepts «occidentaux» de démocratie représentative, d’Etat de droit, d’indépendance de la justice, de liberté de la presse. La preuve n’est pas faite que le développement économique n’est possible qu’aux dépens des libertés individuelles. La preuve n’est pas faite non plus que les aspirations à la liberté et à la démocratie, qui depuis plus de deux cents ans ont résonné tout au long de l’histoire mondiale, ont perdu de leur force dans la Chine du XXIe siècle.

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