La Liberté

Le poste avancé de la cyberguerre

Serge Gumy, Rédacteuren chef

Publié le 26.05.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Face à cette Russie qui inquiète l’Occident, la Lettonie se trouve en première ligne. Les yeux dans les yeux avec Vladimir Poutine. Ce face-à-face, pourtant, inspire davantage de méfiance que d’angoisse existentielle dans le pays balte de 1,9 million d’habitants, comme le président de la Confédération Alain Berset a pu le mesurer lors de son récent voyage d’Etat sur place.

A entendre les spécialistes de la sécurité qu’il avait invités à la résidence de l’ambassadeur de Suisse à Riga, la Lettonie jouit en effet d’une relative stabilité régionale. Elle le doit de l’avis général à sa double appartenance, depuis 2004, à l’Union européenne et à l’OTAN, l’alliance militaire atlantique constituée autour des Etats-Unis. Traumatisée par le partage de la région entre Hitler et Staline en 1939, puis l’occupation soviétique (1940-1991), la Lettonie voulait absolument s’ancrer à l’Ouest. Désormais, l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord lui tient lieu d’assurance-vie. Riga sait que si elle est attaquée, les autres Etats membres de l’OTAN lui prêteront assistance militaire. Ce qui lui permet de traiter plus ou moins d’égal à égal avec Moscou.

Cet équilibre stratégique dans la Baltique n’empêche pas la Russie de tenter par tous les moyens de déstabiliser son petit voisin. La Lettonie est ainsi soumise à un flux continu de fausses nouvelles destinées en priorité à la minorité russophone (un quart de la population du pays, que le gouvernement de Riga cherche à assimiler en réduisant la place du russe à l’école). Très connectée, s’informant en bonne partie via les réseaux sociaux, cette minorité est la cible d’une pluie de tweets en russe, déclinaison 2.0 des vieilles méthodes soviétiques de désinformation.

Sous couvert d’anonymat, un proche de la présidence lettone cite pour exemple le récent débarquement d’un contingent de soldats canadiens de l’OTAN. La propagande russe s’est empressée de les dépeindre en soudards voleurs et violeurs dont leur nation chercherait à se débarrasser… Ce feu nourri de fake news pousse la Lettonie à se doter d’une cyberdéfense solide, en s’appuyant sur ses voisins ainsi que sur des géants d’internet.

Pour autant, les experts lettons rappellent que ce ne sont pas les pays Baltes qui ont essuyé les premières attaques du genre en provenance de Moscou. L’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, sans parler des Etats-Unis durant la dernière campagne présidentielle: la Russie a les capacités de bombarder l’Occident de missiles numériques à longue portée. La Suisse, qui vient tout juste de décider de doter son armée d’une unité spécialisée, ne semble pas avoir pris la mesure du danger. Si elle vient à subir un jour ce que subit la Lettonie, il ne faudra pas qu’elle fasse l’étonnée.

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