La Liberté

Une géologie électorale brouillée

Louis ­Ruffieux

Publié le 17.02.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Qu’est-ce que ça va donner? A deux semaines de l’élection partielle au Conseil d’Etat fribourgeois, la question provoque souvent un grattement embarrassé de l’occiput. Maintien ou perte du troisième siège de gauche? Rien ne coule de source…

L’alliance de gauche, qui a valu à la Verte Marie Garnier deux élections à l’exécutif en 2011 et 2016, n’a pas résisté aux appétits précocement annoncés des écologistes et des socialistes. Le manque de dialogue au sein de la coalition a d’emblée suscité une guéguerre entre les candidates des deux camps, sur fond de légitimité et des capacités supposées de l’une et de l’autre. La droite rit.

Mais d’un rire étouffé, parce que chez elle non plus, le ciel n’est pas vierge de cumulonimbus. L’entente de 2016, qui a porté au Conseil d’Etat trois démocrates-chrétiens et un libéral-radical au premier tour déjà, a laissé l’UDC cocue au second. Plus sensible au port d’une couronne de lauriers que d’un trophée de cerf à seize cors, le nouveau patron de l’UDC déclarait, après cet échec mortifiant, qu’un lutteur doit surtout compter sur lui-même. Les faits ne lui ont pas donné tort. Le PLR, chaud partisan de l’entente de 2016, n’a pas hésité à lancer son propre poulain sur l’hippodrome, et c’est loin d’être un canasson. Quant au PDC, qui aurait pu regarder les chevauchées avec le détachement d’une lady cultivant son spleen aux courses d’Ascot, il a tenté de renouer une alliance avec le seul PLR. Pas fous, les libéraux-radicaux n’ont pas voulu prendre le risque de s’aliéner l’appui de l’UDC au second tour. Bien qu’éconduit, le PDC recommande néanmoins à ses troupes de voter pour le candidat PLR.

Le 4 mars, le libéral-radical a ainsi toutes les chances de virer en tête. Qui l’affrontera en duel final? La gauche divisée pourrait s’auto-exclure. La candidate verte a l’appui déclaré du Centre gauche-PCS et des vert’libéraux. A l’aune des élections de 2016, elle bénéficie d’un socle théorique de 12% des électeurs, soit la moitié de l’électorat socialiste. Mais une partie du PS, surtout en Ville de Fribourg où l’allié vert est précieux, n’adhère pas à la stratégie du parti qui revendique trois sièges pour ses couleurs. Si, dès lors, un électeur PS sur quatre votait pour l’écologiste, les deux candidates de gauche se trouveraient dans les mêmes eaux… mais peut-être en dessous du niveau d’étiage de l’UDC, dont le candidat serait qualifié. Le second tour opposerait alors deux hommes de droite, au bénéfice probable du PLR.

Si, en revanche, se font face un homme de droite et une femme de gauche, ce sont les divisions de la droite qui pourraient peser sur le résultat: on voit mal une UDC toujours sur la touche se mobiliser pour un PLR, tandis que les enjeux du genre et de l’équilibre politique de l’exécutif pourraient réconcilier les alliés de gauche, voire détourner une partie du PDC de la consigne du parti.

Oui, en ce début 2018, le paysage politique cantonal présente des fractures inhabituelles qui rendent difficile la lecture des mouvements des plaques tectoniques, et qui brouillent donc la prévisibilité de la géologie électorale.

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