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«Elle prend ta joie de vivre»

Page Jeunes >> La dépression touche aussi les jeunes, mais sa détection est compliquée. Témoignage.

«Elle prend ta joie de vivre»
«Elle prend ta joie de vivre»

Sylvie Dervey

Publié le 19.07.2016

Temps de lecture estimé : 3 minutes

«Une fatigue de tout.» C’est ainsi que Nina*, 22 ans, définit la dépression. Et d’ajouter: «C’est une maladie qui te prend ta joie de vivre, te donne l’impression que ton état est définitif et ne s’améliorera jamais.» Selon la dernière enquête suisse sur la santé (2012), environ 10% des 15 à 24 ans souffrent d’une dépression modérée à grave.

«Je n’arrivais plus à me concentrer. Je n’avais plus rien envie de faire. Sortir de mon lit me demandait des efforts considérables», confie Nina. «L’incapacité à se lever le matin est l’un des principaux symptômes de la dépression», explique Jean Ducotterd, psychologue au sein du Conseil psychologique aux étudiants, une structure qui vient en aide aux étudiants de l’Université de Fribourg et du secondaire II.

Les autres symptômes comprennent la perte de plaisir, notamment pour des activités qui en apportaient avant, une humeur déprimée avec des larmes fréquentes, un sentiment de culpabilité, des idées suicidaires, le retrait social et une libido dans les chaussettes.

Symptômes masqués

Il est relativement fréquent que la dépression chez les adolescents ne soit pas traitée. «Ce n’est pas que les symptômes ne sont pas repérés. Mais ils sont plutôt mis sur le compte de l’adolescence et non de la dépression», précise Jean Ducotterd. Il existe un chevauchement entre certains symptômes de la dépression et des attitudes considérées comme typiques de l’adolescence. «Un adolescent qui n’est pas motivé en classe, c’est la norme», argumente le psychologue.

De plus, à cet âge-là, les symptômes sont moins envahissants que chez des personnes plus âgées. «J’avais cette image du dépressif au fond de son lit. Comme j’arrivais quand même encore à faire des choses, je me disais que ce n’était pas grave», se souvient Nina.

«Pas de votre faute»

Sans oublier les croyances qui faussent le jugement. «Certaines personnes croient que c’est juste une question de volonté. Elles n’arrivaient pas à comprendre que je ne puisse plus arriver à travailler, même en me forçant», poursuit Nina. Cette croyance que la dépression n’est qu’un manque de volonté est encore répandue mais fausse: «La dépression est une maladie et avant tout une maladie biologique. Il s’agit d’un manque de sérotonine», souligne Jean Ducotterd. C’est pourquoi le psychologue insiste sur la nécessité de normaliser les symptômes et propose pour cela un parallèle avec l’anémie: «Si vous souffrez d’un manque de fer, vous prenez des pastilles et ne pensez pas que c’est de votre faute. Pour la dépression, c’est la même chose.»

La guérison passe-t-elle donc forcément par les médicaments? Pas nécessairement. Depuis un peu plus d’un mois, Nina en prend. «Ça atténue les symptômes, chasse les idées suicidaires et m’aide à mieux gérer le stress», avoue-t-elle. Et d’avertir: «Mais sans thérapie à côté, les médicaments ne servent à rien.» Ce que confirme le psychologue: «Des études ont montré que la combinaison médicaments et thérapie est plus efficace que les médicaments seuls.»

Nina n’en est qu’au début de sa guérison mais elle peut déjà donner le conseil suivant: «Il ne faut pas hésiter à chercher de l’aide parce que ça ne passera pas tout seul. Il est aussi important de trouver le type d’aide qui nous convient.»

*Prénom d’emprunt

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