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Internet, le sexe mis en scène

Les jeunes sont nombreux à fréquenter des sites pour adultes. Un sujet tabou

Internet, le sexe mis en scène © Isabelle Clément
Internet, le sexe mis en scène © Isabelle Clément

Thibaut Vultier

Publié le 14.02.2017

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Pornographie » La révolution digitale et la démocratisation d’internet ont donné aux jeunes un accès instantané et quasi illimité à l’information, au savoir… et à la pornographie, qui n’occupe pas moins de 30% des sites référencés sur le web. Le sujet reste tabou, même si des études montrent que les trois quarts des jeunes de 16 ans ont déjà visionné du contenu pornographique. Le site pour adultes pornhub.com, riche en statistiques, signale que 45% de ses visiteurs suisses sont des «Millenials» (18-34 ans). Victor*, 27 ans, confie par exemple avoir commencé à visiter les sites porno vers 15 ans. Mais que représente le porno pour lui? «C’est la vaseline de l’imagination lubrique, j’y recours uniquement dans l’idée de me donner du plaisir ensuite.»

Mais ce type de consommation est-il problématique? Pour Marie-Dominique Lambert, formatrice au Centre fribourgeois de santé sexuelle, «il y a des jeunes de 16 ans qui font la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Mais je dis aux jeunes que ce n’est pas comme ça qu’on apprend la sexualité.» Si les professionnels de la santé sexuelle dédramatisent, il s’agit bien pour eux de démystifier les images véhiculées par le porno. Car l’influence de la pornographie sur l’image que les jeunes ont d’eux-mêmes et d’une relation sexuelle est réelle. «J’ai l’impression que les hommes subissent une pression énorme, témoigne Sophie*, 22 ans. Ils doivent à tout prix être performants, sinon ils se sentent blessés dans leur masculinité.» Et côté féminin, «le porno nous dénigre et amplifie l’image de la femme-objet».

Prévention nécessaire

La sexologue Nicole Dubois Schmid confirme: «Dans le porno, les jeunes hommes sont confrontés à des acteurs en érection pendant des heures, un jeune simplement normal va alors se comparer et peut se sentir inférieur. Et il y a des jeunes femmes qui prennent les attitudes et les postures du porno comme modèle et imitent ce qu’elles ont vu, mais n’y trouvent pas leur compte.» Car, comme le relève la sexologue, «le porno, même amateur, c’est la mise en scène de l’exploit, c’est comme si la sexualité devait être dans la performance, or ce n’est pas un modèle.»

Ainsi, professionnels et usagers des sites pornographiques s’accordent sur la nécessité de faire de la prévention auprès du jeune public. Pour Pierre*, 27 ans, «la consommation de pornographie doit être éduquée. Il faut rappeler que le porno n’est pas la réalité, ne s’en approche même pas.» Le défi est de taille, et doit être relevé par un dialogue que Marie-Dominique Lambert appelle de ses vœux: «Il faut parler plus, faire plus d’éducation sexuelle en général, parler du plaisir, axer davantage sur la connaissance du corps. Et ce dialogue avec les jeunes ne doit pas être porté que par des spécialistes, mais aussi par toute la société.»

*Prénoms d’emprunt

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