La Liberté

Qui protège les minorités du Xinjiang?

Paul Grossrieder

Publié le 17.01.2019

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Human Rights Watch et Le Monde ont publié des récits glaçants sur le traitement des populations ouïgoures (11 millions) et kazakhes (1,5 million) du Xinjiang, région au nord-ouest de la Chine. Ces rapports peignent un tableau alarmant du programme de détention des minorités turcophones et musulmanes de cette région. Le Comité des Nations Unies pour les minorités a rassemblé ces données et estime à plus d’un million les personnes internées dans au moins 220 lieux d’internement. Ces chiffres se basent sur des témoignages directs d’anciens détenus obtenus en dehors de Chine.

Les motifs officiels invoqués par les autorités chinoises sont la déradicalisation religieuse et la formation professionnelle. Selon les dires des témoins interrogés, il s’agirait plutôt d’une opération de sinisation à grande échelle du Xinjiang. Les détenus subiraient des traitements très violents et des programmes de rééducation antireligieuse et seraient contraints de faire allégeance au nationalisme et au Parti communiste chinois.

Le New York Times n’hésite pas à parler de «Goulag chinois pour les musulmans». Etonnamment, la plupart des pays musulmans sont muets. Et ce n’est qu’en décembre 2018 que l’Organisation de coopération islamique (OCI) a fait part de sa préoccupation au sujet des «rapports inquiétants sur le traitement des musulmans» par la Chine. D’où vient cette attitude lénifiante de la part des leaders musulmans, qui généralement se font les champions des musulmans opprimés? Sans doute ces Etats craignent-ils de fâcher Pékin et de se voir privés de l’importante assistance économique chinoise.

Bien sûr, il faudrait idéalement pouvoir vérifier sur place les informations sur cette détention politique. C’est pourquoi Michelle Bachelet, la haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, a demandé à Pékin «un accès direct à la région pour pouvoir vérifier les informations préoccupantes» rapportées par des ONG et des médias indépendants.

On sait la difficulté extrême de traiter de la protection des personnes détenues pour raisons politiques, car le Gouvernement chinois les considère comme des criminels. Il est cependant incompréhensible que le CICR, dont la protection des détenus pour raisons ethniques et religieuses fait partie des missions essentielles, ne semble pas avoir réagi. Bizarrement, le représentant du président Maurer à Pékin explique que son mandat est de rechercher une coopération chinoise dans l’assistance humanitaire en Afrique. Par ailleurs, l’accord passé en 2015 avec l’Agence officielle de presse chinoise prive le CICR de la liberté de rechercher la vérité factuelle, au-delà de la propagande, sur la situation au Xinjiang.

Ne rêvons pas, un accès rapide aux détenus ouïgours et kazakhs est illusoire. Néanmoins, exprimer sa préoccupation quant au sort de ce million de personnes relève d’une obligation morale pour le CICR chargé de leur protection et gardien du droit international humanitaire. Pourquoi donc ce silence?

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11