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Aide sociale: Pourquoi le canton de Fribourg paie moins que les autres?

A Fribourg, les dépenses nettes d’aide sociale par bénéficiaire figurent parmi les plus basses du pays. Comment expliquer cette étonnante statistique? Le canton est-il plus pingre que les autres? La réponse est plus complexe que ça. Décryptage.

Avec 6778 bénéficiaires recensés en 2022, le recours à l’aide sociale est en baisse dans le canton de Fribourg. © Chloé Lambert
Avec 6778 bénéficiaires recensés en 2022, le recours à l’aide sociale est en baisse dans le canton de Fribourg. © Chloé Lambert

Nicolas Maradan

Publié le 05.09.2024

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Un peu plus de 4900 francs. Voici à combien s’élevaient en 2022 les dépenses nettes annuelles par bénéficiaire pour l’aide sociale économique, au sens strict, dans le canton de Fribourg. Problème: selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique, c’est bien inférieur à la moyenne nationale, qui est de 9800 francs (un montant qui paraît faible pour une année, mais qui constitue une moyenne entre des bénéficiaires aux besoins très différents).

Cela laisse donc penser qu’un Fribourgeois à l’aide sociale toucherait moins que s’il résidait dans les cantons voisins de Vaud (10 500 francs par bénéficiaire), Berne (10 300 francs) ou Neuchâtel (8400 francs). A l’échelle nationale, il n’y a que le minuscule canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures qui affiche des dépenses nettes inférieures, soit environ 4800 francs par personne.

Alors que la population fribourgeoise est appelée à voter le 22 septembre prochain sur l’introduction de prestations complémentaires pour les familles, comment expliquer cette étonnante statistique? Le canton de Fribourg est-il plus pingre que les autres? La réponse est plus complexe que ça. Chef du Service de l’action sociale de l’Etat de Fribourg, Jean-Claude Simonet met en avant un premier élément.

«Dans plusieurs cantons, les frais de placement en institution sont intégrés dans les frais d’aide sociale. Mais dans le canton de Fribourg, la loi prévoit un financement complètement indépendant. Seule la part à payer par les parents est prise en compte dans la statistique, mais cela ne représente que 35 francs par jour, c’est donc anecdotique.»

Des loyers qui varient

En outre, à Fribourg, contrairement à ce qui se fait dans d’autres cantons, le coût d’organisation des mesures d’insertion sociale n’est pas pris en compte dans les dépenses d’aide sociale. Cela joue aussi un rôle. Autre explication: les montants à débourser pour se loger.

«Dans les frais d’aide sociale qui sont pris en considération, il y a notamment le loyer. Or, les loyers varient beaucoup d’un canton à l’autre. A Fribourg, ils représentent environ 40 à 45% des charges d’aide sociale. Mais sur l'Arc lémanique ou à Zurich, c’est plus de la moitié», souligne Jean-Claude Simonet, qui fait remarquer que les primes d’assurance-maladie sont aussi différentes d’une région à l’autre.

«Nous constatons que le surendettement est en augmentation»
Jean-Claude Simonet

Et la liste des facteurs ayant une influence sur la statistique ne s’arrête pas là. Jean-Claude Simonet poursuit: «Il faut aussi considérer que le canton de Fribourg a toujours un certain temps de retard par rapport à l’application des recommandations de la Conférence suisse des institutions d’action sociale. Ainsi, la plupart des cantons appliquent déjà un forfait de 1031 francs par mois pour l’entretien d’une personne seule, alors que Fribourg est encore à 1015 francs pour le moment.»

Enfin, il faut relever que dans le canton de Fribourg, plus de 40% des bénéficiaires de l’aide sociale sont ce qu’on appelle des working poor, à savoir des personnes qui ont un emploi, mais qui malgré cela ne gagnent pas suffisamment pour vivre. Dans ce cas, l’aide sociale ne représente qu’un complément permettant de joindre les deux bouts.

Un working poor coûte donc moins au canton qu’une personne dépendant entièrement de l’aide sociale. Et le taux de working poor peut aussi varier d’un canton à l’autre, ce qui explique des différences dans les dépenses nettes d’aide sociale par bénéficiaire.

A noter qu’avec 6778 bénéficiaires recensés en 2022, soit 500 de moins qu’en 2019, le recours à l’aide sociale est à la baisse dans le canton de Fribourg. En dix ans, le taux d’aide sociale est ainsi passé de 2,5 à 2,1%. Jean-Claude Simonet indique: «C’est une tendance que nous retrouvons partout en Suisse. Premièrement, il y a eu un effet paradoxal avec la pandémie de Covid-19. D’un côté, c’était une situation de crise qui a mis certaines personnes en difficulté. De l’autre, pendant cette période, les assurances sociales sont parvenues à rattraper leur retard dans le versement de certaines aides, notamment les subsides d’assurance-maladie. Or, la part des dépenses d’aide sociale dédiée à des avances sur assurance sociale est très importante.»

Conjoncture favorable

Une autre raison de la baisse du nombre de bénéficiaires, c’est la bonne situation actuelle sur le marché de l’emploi. «Même pour une personne faiblement qualifiée, il y a des débouchés. Car il faut savoir que 60% des bénéficiaires d’aide sociale n’ont pas de qualification au-delà de l’école obligatoire», note Jean-Claude Simonet.

Le chef du Service de l’action sociale pointe néanmoins le nombre important de personnes qui seraient en droit de toucher l’aide sociale, mais qui y renoncent, préférant se rabattre sur d’autres solutions. «Nous constatons notamment que le surendettement est en augmentation», observe-t-il.

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