pictogramme abonné La Liberté Contenu réservé aux abonnés

L’amour des vieilles pierres s’érode

Patrimoine Gruyère Veveyse tenait samedi une table ronde sur la rénovation. Les menaces pullulent

Les spécialistes Vincent Steingruber, Anaïs Seigneur et Beat Zbinden (de g. à dr.), ainsi qu’Yves Murith, ont débattu des défis de la rénovation des bâtisses, samedi à Charmey. © Charly Rappo
Les spécialistes Vincent Steingruber, Anaïs Seigneur et Beat Zbinden (de g. à dr.), ainsi qu’Yves Murith, ont débattu des défis de la rénovation des bâtisses, samedi à Charmey. © Charly Rappo

Stéphane Sanchez

Publié le 06.09.2021

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Charmey » Coup de projecteur sur la rénovation de bâtisses historiques, samedi à Charmey. L’association Patrimoine Gruyère Veveyse (PGV) dédiait une table ronde à cet art toujours plus torturé. L’occasion, pour une assistance réduite, de déplorer quelques menaces qui pèsent sur les vieilles bâtisses, entre «densification violente», injonctions climatiques et restrictions légales.

Isolation, panneaux solaires: la lutte contre le réchauffement attaque doublement l’âme des bâtiments anciens, typés ou protégés. Le solaire rebute: «Il faut d’autres solutions moins visibles, comme la pompe à chaleur», estime l’un des intervenants, Beat Zbinden, spécialiste en isolation. Mais la loi est claire: «L’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire l’emporte en principe sur les aspects esthétiques», rappelle un autre intervenant, Vincent Streingruber.

«L’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire l’emporte en principe sur les aspects esthétiques»

Vincent Streingruber

Le collaborateur scientifique auprès du Service des biens culturels (SBC) rassure: on peut «limiter les dégâts». Car les panneaux sont toujours plus discrets, plus noirs, et se déclinent même en tuiles. Ils peuvent parfois se poser sur des annexes. Et le SBC veille: «On ne veut pas de panneaux sur des bâtiments très particuliers, ni dans les bourgs médiévaux.»

Perte de sensibilité

En façade aussi, difficile de concilier le patrimoine avec des épaisseurs d’isolation dopées par les normes ou des subventions, relèvent deux intervenants, les architectes Anaïs Seigneur et Yves Murith, membres de PGV. «Je suis presque toujours en porte-à-faux avec les coefficients imposés par l’Etat pour sauver notre planète», appuie Beat Zbinden. Fautif? Vincent Steingruber ne sourcille pas, en tout cas: «Beaucoup d’entreprises proposent de rajouter des couches. Si vous faites des thermos avec des bâtiments anciens, il y aura des dégâts sur la structure. Parfois, mieux vaut renoncer à isoler les murs, mais changer les fenêtres et isoler le toit. D’où l’importance de faire appel à des spécialistes.»

Reste que la «sensibilité» pour le patrimoine, ou même la «conscience» de sa valeur, s’atrophient. Témoin le sort réservé aux bâtiments «modestes», non protégés, ces simples maisons villageoises ou ces villas des années 1960, rasées pour densifier. «Lorsqu’il n’y a pas de protection, le SBC est hors jeu.» Bulle se bat ainsi pour sauver certains vieux quartiers à l’aide d’indices de verdure.

Mieux communiquer

«Il faudrait montrer qu’on peut faire autrement que détruire, et inciter à voir ce qui se fait», glisse Vincent Steingruber. Des guides existent, comme Reconversion du patrimoine architectural, en ligne sur www.heia-fr.ch. Et le SBC prépare des directives. Le Clou rouge que PGV a planté samedi près de la Maison du Gros-Plan, à Charmey, cherche aussi à raviver cette sensibilité, en signalant la qualité de cette restauration. Mais la loi elle-même se fait contrariante. Notamment dans les centres villageois, où la densification est limitée à des lieux bien desservis par les transports publics. Ce cadre a failli annihiler la transformation d’un rural en habitation à Estavannens – un projet sauvé grâce au soutien du SBC, de PGV et du préfet. «D’où notre appel à la qualité architecturale», rebondit Vincent Steingruber.

La législation menace aussi les bâtiments caractéristiques construits hors zone à bâtir avant 1972: «Lorsqu’ils perdent leur utilisation agricole, ils deviennent non conformes, note le collaborateur scientifique. Les changements d’affectations sont toujours plus restreints. Et peu de gens ont les moyens de conserver des murs vides…»

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11