La Liberté

«Les rassemblements sont interdits»

La Confédération édicte la fermeture des commerces et des lieux publics. Le canton est satisfait

Maurice Ropraz rappelle que la police cantonale ainsi que les préfets auront pour mission de faire respecter les nouvelles directives. © Charles Ellena
Maurice Ropraz rappelle que la police cantonale ainsi que les préfets auront pour mission de faire respecter les nouvelles directives. © Charles Ellena

François Mauron

Publié le 16.03.2020

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Coronavirus » Le Conseil d’Etat fribourgeois avait préparé ce lundi un nouveau train de mesures urgentes pour freiner la propagation du coronavirus. Mais, dans un souci de cohérence, il a finalement attendu les décisions du Conseil fédéral en fin d’après-midi. Comment vont-elles être mises en œuvre dans le canton de Fribourg? Les réponses du conseiller d’Etat Maurice Ropraz, responsable de la Direction de la sécurité et de la justice.

Les mesures édictées par le Conseil fédéral sont-elles suffisantes à vos yeux?

Maurice Ropraz: Le Conseil fédéral a déclaré la situation extraordinaire dans tout le pays – ce que nous avions fait dans le canton de Fribourg en fin de semaine passée. Je salue sur le principe les mesures prises par la Confédération. Les cantons y appelaient d’ailleurs de leurs vœux de manière intense ces derniers jours. A partir du moment où il existe une ordonnance fédérale valable pour l’entier du territoire helvétique, cela permet d’éviter des divergences d’interprétations.

Les mesures fribourgeoises restent-elles valables jusqu’au 30 avril?

Globalement, les mesures proposées par la Confédération correspondent à celles qu’avait préparées le Conseil d’Etat fribourgeois. Le Conseil fédéral a statué jusqu’au 19 avril, les fermetures décidées ce lundi s’appliquent donc jusqu’à cette date. Mais ce délai pourra évidemment être prolongé. Car d’ici là, le virus risque de ne pas encore être éradiqué. En ce qui concerne les écoles fribourgeoises, l’échéance du 30 avril demeure. Il faudra voir le moment venu la nature de la prolongation que proposera le Conseil fédéral et la coordination que cela impliquera avec les cantons. Il importe d’avoir des mesures comprises par l’ensemble de la population.

Au sujet des commerces, comment cela va-t-il se passer concrètement dans le canton?

D’une manière générale, tous les commerces sont fermés, de même que les bars, restaurants, activités de loisir, musées, etc. Seuls peuvent rester ouverts les magasins de nécessité, notamment dans le domaine alimentaire. En principe, les supermarchés peuvent rester ouverts, parfois moyennant quelques adaptations.

Qu’en est-il des food trucks et des services de traiteurs?

Ils peuvent continuer leurs activités, pour autant bien sûr qu’ils proposent de la nourriture à l’emporter.

Tout le monde n’a pas compris qu’il faut éviter la promiscuité. Comment allez-vous limiter les rassemblements sur l’espace public?

Le Conseil fédéral a déclaré que les manifestations publiques et privées étaient désormais interdites, sauf les enterrements. La population doit à présent suivre ces directives. Il appartiendra à la police cantonale et aux préfets de s’assurer qu’elles soient respectées. A noter que lorsque le Conseil fédéral parle de manifestations, c’est bien toute forme de rassemblements qui est concernée.

Si des particuliers ne respectent pas ces directives, encourent-ils des sanctions?

Absolument, la loi sur les épidémies ou le Code pénal permettent aux autorités de prononcer des amendes de plusieurs milliers de francs. Nous espérons éviter d’en arriver là, mais ce sont des sanctions qui sont prévues par la loi.

Le canton de Fribourg va-t-il demander aux communes de fermer les parcs publics?

Cela mérite d’être étudié. Le parc en tant que tel ne pose pas de problème. C’est sa fréquentation qui peut être en cause.

Le personnel de l’administration cantonale dont les tâches ne sont pas jugées essentielles va-t-il rester à la maison?

La volonté du Conseil d’Etat, c’est de favoriser autant que possible le télétravail. Tout en garantissant les prestations mais pas forcément au guichet. Le contact avec la population demeure, mais il va prendre d’autres formes (correspondance, courriels).

La population n’est pas confinée à domicile?

Non. De telles mesures n’ont pas été prises par la Confédération, contrairement à ce qui se pratique dans certains pays.

« Les cantons ont exercé une pression sur la Confédération »

Maurice Ropraz

La Confédération n’aurait-elle pas dû agir beaucoup plus tôt?

Le discours du conseiller fédéral Alain Berset était de dire qu’il fallait procéder par étapes, pour que la population puisse comprendre et suivre les mesures. Ces derniers jours, les cantons ont exercé une pression sur la Confédération s’agissant des limites aux rassemblements. Puis, ils ont commencé à prendre eux-mêmes des mesures, ce qui a incité la Confédération à réagir. Je suis satisfait que le Conseil fédéral arrive enfin avec un catalogue de mesures concrètes, même si cela a pris du temps.

Selon vous, les institutions helvétiques sont-elles les mieux adaptées pour répondre à une situation de crise?

Les institutions suisses sont solides, et la situation financière des collectivités est suffisamment saine pour absorber ce choc. Après, il faudra de l’accompagnement. Il est clair que cette crise va avoir un impact sur la population, les acteurs des milieux sportifs et culturels mais surtout la vie économique. Un certain nombre d’entreprises risquent d’être à court de liquidités. Il sera sans doute nécessaire de reporter des délais dans le domaine fiscal ou de l’encaissement de certaines factures. Ce sera aussi le rôle des collectivités de savoir faire preuve de souplesse.


Tenanciers sous le choc

Les restaurateurs sont «sous le choc mais soulagés». C’est la réaction de Muriel Hauser, présidente de GastroFribourg à l’annonce ce lundi de la fermeture des établissements publics. Selon elle, les restaurants fribourgeois n’avaient pas attendu cette décision des autorités pour réagir, la moitié ayant déjà fermé leurs portes ce lundi. «Au moins, maintenant, on sait où on va.» Et d’ajouter: «On a rendez-vous jeudi matin avec le Conseil d’Etat pour définir comment organiser l’aide financière.» Que vont devenir les stocks de nourriture des cuisines? «Nous avons été prudents, mais ce qui reste va être congelé ou redistribué à nos employés», précise Muriel Hauser. A noter que certains établissements proposent de revendre leur marchandise à toute personne intéressée, plusieurs démarches de restaurateurs fleurissent sur les réseaux sociaux. SB


Les commerçants compréhensifs mais inquiets

Les patrons des échoppes forcées de fermer comprennent la mesure, même si les conséquences financières seront lourdes.

«Nous comprenons la décision du Conseil fédéral. La situation n’était pas vivable. Nous œuvrons dans un métier de contacts. Comme tout le monde, nous avons à cœur de protéger notre personnel et nos clients.» Directeur des Boutiques Angéloz, à Fribourg, Philippe Angéloz fait partie des patrons fribourgeois qui ont dû fermer les portes de leurs magasins ce lundi soir et au moins jusqu’au 19 avril.

« Sur le plan économique, la situation est catastrophique »

Philippe Angéloz

Compréhensif face à l’urgence de la crise sanitaire, Philippe Angéloz dit craindre pour une branche, le commerce de détail, déjà sous pression. «Sur le plan économique, la situation est catastrophique. Les frais fixes, comme les loyers, demeurent et nous n’aurons pas de rentrée d’argent. La situation met en danger de mort de nombreuses entreprises. J’attends un signal très fort des pouvoirs publics pour que l’économie ne soit pas dévastée quand cet épisode sera derrière nous», exhorte celui qui est également président de l’Association des commerçants de la rue de Romont.

En ville de Fribourg, des échoppes avaient pris les devants. Avant même que le couperet ne tombe à Berne, des panneaux annonçant une fermeture «jusqu’à nouvel avis» figuraient déjà à l’entrée de certains magasins encore ouverts. Illustration chez L’artisan fleuriste, en Basse-Ville. «Je ne peux pas rester dans mon magasin à regarder les fleurs faner», résume Benoît Risse. Si les affaires étaient de toute façon ralenties ces derniers jours, cet indépendant fait remarquer qu’en raison de la fermeture des marchés aux fleurs, il lui était devenu quasi impossible de s’achalander. Le fleuriste devra, lui aussi, vivre sans rentrées financières durant plusieurs semaines. «J’espère que la situation ne durera pas trop longtemps», souffle-t-il.

Avant de fermer boutique, le commerçant a soldé ses plantes d’extérieur. A Fribourg Centre, le chocolatier Läderach en fait de même avec tous ses produits de Pâques, vendus ce lundi à moitié prix.

Pour Jean-Michel Borne, président de l’Association fribourgeoise du commerce, de l’artisanat et des services, qui fédère les enseignes de la ville de Fribourg et des environs, c’est le pragmatisme qui l’emporte. «La situation ne va pas être facile pour les affaires, mais la santé de la population n’a pas de prix. Il faut que cette décision responsabilise les gens. Cela doit être un mal pour un bien», martèle-t-il. Thibaud Guisan

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