La Liberté

Licencié en raison de son cancer

Le jardinier Eric Monney a été renvoyé après 30 ans passés au service de Villars-sur-Glâne. Témoignage

Eric Monney a travaillé pendant 30 ans au service de la commune de Villars-sur-Glâne. Frappé par un cancer, il a été par la suite licencié. «Mon contrat de travail a été rompu sous prétexte que je ne répondais plus aux exigences de la fonction», affirme-t-il. © Alain Wicht
Eric Monney a travaillé pendant 30 ans au service de la commune de Villars-sur-Glâne. Frappé par un cancer, il a été par la suite licencié. «Mon contrat de travail a été rompu sous prétexte que je ne répondais plus aux exigences de la fonction», affirme-t-il. © Alain Wicht
Publié le 25.12.2019

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Mon souvenir de 2019
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François Mauron
Responsable de la rubrique Régions

«J’ai choisi cet article car il aborde un sujet de société grave, qui laisse souvent cette dernière démunie : la maladie au travail. Le témoignage de Monsieur Eric Monney, licencié de son poste de jardinier au service de la commune de Villars-sur-Glâne en raison de son cancer, est très fort et très touchant. Ce n’est pas celui d’un homme révolté, mais plutôt celui d’un être combatif, résolu à aller de l’avant, qui, à travers le journal, souhaite attirer l’attention sur cette problématique difficile.»


» Cet article a été publié initialement le 13 novembre 2019

Maladie » Eric Monney est un homme brisé mais très digne. Ce jardinier de 50 ans a travaillé durant 30 ans au service de la commune de Villars-sur-Glâne. Avant d’être renvoyé en mai dernier, au motif qu’il ne répondait plus aux exigences de sa fonction. La raison? Eric Monney a été victime d’une grave maladie: un cancer de l’intestin qui a nécessité trois opérations chirurgicales et une chimiothérapie.

«Mon traitement se passait bien. J’étais en situation de rémission complète. J’avais pu reprendre mon emploi à 100%, avec quelques aménagements et l’aide de l’Office de l’assurance-invalidité (AI) du canton de Fribourg. Mais je ne pouvais plus exécuter certains travaux. C’est ce qui a provoqué mon licenciement», relate-t-il.

Traitements médicaux

Le début des malheurs du jardinier villarois remonte au premier trimestre de 2017. En février, après la découverte de son cancer, il doit mettre entre parenthèses son activité professionnelle. S’ensuit une année d’interventions et de traitements médicaux. Eric Monney recommence à travailler un an plus tard, en mars 2018, d’abord à 20%, puis le taux d’activité remonte jusqu’à un plein-temps en janvier dernier.

Le jardinier, évidemment, n’est plus tout à fait le même employé qu’auparavant. Il ne peut par exemple pas porter de charges trop lourdes, ni manipuler une machine requérant une grande concentration, ni conduire un véhicule plus d’une demi-heure d’affilée. Il n’est ainsi plus en mesure d’exécuter des missions nocturnes, par exemple participer aux travaux de déneigement en hiver.

« L’équipe était d’accord d’adapter un poste taillé sur mesure pour moi »

Eric Monney

En revanche, il est parfaitement apte à élaborer et planifier des projets, rédiger des demandes de devis, préparer des commandes de plantes. Il est capable, aussi, de gérer la planification des tâches d’une petite équipe, et de «travailler avec toutes les personnes de bonne volonté». Son service compte une vingtaine de salariés. «L’équipe était d’accord d’adapter un poste de travail taillé sur mesure pour moi, offrant la possibilité de gérer ma charge de travail en fonction de l’énergie du moment, ou d’effectuer certains travaux administratifs peu pénibles physiquement», souligne-t-il.

Soutien financier de l’AI

Par «souci de transparence», Eric Monney tient régulièrement le service des ressources humaines de la commune au courant de l’évolution de son état de santé. Celui-ci informe l’Office de l’assurance-invadilité du canton de Fribourg de la situation. Grâce au soutien financier de ce dernier (prise en charge du salaire durant trois mois), le jardinier peut travailler à plein-temps durant le premier trimestre de 2019. «Nous étions entrés en matière sur des mesures d’accompagnement, car il était prévu d’adapter la place de travail de M. Monney dans un nouvel environnement. Le projet était clair, mais, finalement, la commune a refusé, malgré l’opportunité qui existait de le réaliser», déplore François Uldry, conseiller aux entreprises de l’Office AI du canton de Fribourg.

En effet, la commune de Villars-sur-Glâne, in fine, n’entre pas en matière. Après plusieurs rencontres, le 7 mai dernier, Eric Monney apprend qu’il est licencié. «Je pense que la commune a eu peur de perdre les indemnités journalières versées par l’AI si elle adaptait mon poste. On m’a dit que mon taux de rendement était évalué à 40%, et qu’il était préférable de résilier mon contrat de travail pour faciliter ma reconversion professionnelle. Il n’était apparemment pas possible de conserver mon poste. Même moyennant une baisse de salaire. Mon contrat de travail a donc été rompu sous prétexte que je ne répondais plus aux exigences de la fonction», relate Eric Monney.

Loi peu protectrice

La Ligue fribourgeoise contre le cancer a suivi le dossier. Elle ne souhaite pas émettre de commentaire sur ce cas particulier en raison du secret professionnel. De manière générale, elle déplore toutefois que la loi protège mal les malades, en particulier ceux qui sont atteints d’un cancer.

Selon Eric Monney, la raison de son renvoi est simplement financière. «En adaptant le poste, la commune aurait perdu le soutien de l’AI. Or elle ne pouvait pas se permettre de créer une nouvelle place de travail, selon ce qu’on m’a dit.»

Le jardinier est particulièrement amer, car il affiche trente ans de bons et loyaux services. «La syndique Erika Schnyder m’a confié que je n’avais pas fait de faute et que j’étais un employé exemplaire», lâche-t-il.

«Jeté à la poubelle»

Le cancer est malheureusement une maladie courante, et Eric Monney a souhaité témoigner car il estime que son cas a valeur de symbole. «Durant toute cette période, la commune m’a mis en confiance, puis, soudain, elle m’a jeté à la poubelle. Au moment où j’ai été licencié, j’étais apte à travailler, moyennant des adaptations de la part de mon employeur.» Ce n’est hélas plus le cas actuellement, car, cet automne, il a fait une rechute et il doit à nouveau se soigner. Mener une activité professionnelle n’est plus d’actualité pour lui.

Financièrement, le Villarois – marié et père d’un adolescent – a perdu ce printemps son droit à des indemnités pour perte de gain. Comme il ne peut pas rechercher activement du travail, il ne peut pas s’inscrire au chômage. Eric Monney a donc dû demander l’aide sociale, le temps qu’il puisse bénéficier d’une rente AI.


«Une réinsertion n’était pas possible»

Erika Schnyder, la syndique de Villars-sur-Glâne, ne souhaite pas émettre de commentaire sur la fin des rapports de travail entre la commune et son employé Eric Monney, «ne serait-ce que par égard par rapport à lui».

En revanche, dans ce dossier, elle estime que l’Office de l’assurance-invalidité (AI) du canton de Fribourg a tardé à agir. «L’Office AI du canton de Fribourg a estimé en substance que la commune n’avait qu’à trouver une solution de réinsertion au sein de ses services. Or ce n’est pas le cas. On ne peut pas replacer un jardinier dans l’administration. Et même au sein de son propre service, avec les autres jardiniers, il n’y avait aucune solution. Monsieur Monney est très malade. Son état est tel qu’il n’est pas possible de lui confier des travaux», note la syndique de Villars-sur-Glâne. FM

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