La Liberté

Main dans la main avec les robots

Dans le canton, des industriels misent sur des machines autonomes complémentaires à l’homme

Jesa, à Villars-sur-Glâne, a acquis un robot collaboratif installé sur le poste de travail des opérateurs. A Posieux, Zbinden SA a investi dans un robot de soudage qui effectue le travail répétitif, tandis que l’homme prépare l’assemblage de châssis. © Charles Ellena/Charly Rappo
Jesa, à Villars-sur-Glâne, a acquis un robot collaboratif installé sur le poste de travail des opérateurs. A Posieux, Zbinden SA a investi dans un robot de soudage qui effectue le travail répétitif, tandis que l’homme prépare l’assemblage de châssis. © Charles Ellena/Charly Rappo
Main dans la main avec les robots
Main dans la main avec les robots
Publié le 24.12.2019

Temps de lecture estimé : 8 minutes

Mon souvenir de 2019
Chaque journaliste de «La Liberté» a sélectionné pour vous un article qui l’a touché(e) cette année.


Thibaud Guisan
Rubrique Régions

«L’industrie se transforme, les entreprises doivent se réinventer et se battre pour continuer à exister. Dans le canton de Fribourg aussi, comme l’illustre cet article, fruit de mes nombreuses visites d’entreprises tout au long de l’année. Et à côté des machines, des gens, encore et toujours… Heureusement.»


» Cet article a été publié initialement le 26 novembre 2019

Economie » «Nous l’avons adopté.» Maria Tavares est employée chez Jesa, à Villars-sur-Glâne. Depuis une année, cette opératrice a un collègue de travail un peu particulier: Tom, un robot, l’assiste dans l’assemblage de pièces surmoulées destinées au domaine automobile. A Posieux, Zbinden SA mise également sur un nouvel outil de production autonome. L’entreprise, spécialisée dans la production de véhicules et dans la tôlerie industrielle, a investi dans un robot soudeur il y a un peu plus d’un an.

Ces deux exemples illustrent une tendance dans l’industrie. De plus en plus d’acteurs misent sur des outils de production autonomes, complémentaires au travail de l’homme. Objectif: gagner en productivité et en rapidité, particulièrement pour des tâches répétitives à faible valeur ajoutée (lire ci-dessous).

« Notre installation sera rapidement rentabilisée »

David Parison

Sans barrière

A Villars-sur-Glâne, Jesa a acquis un robot collaboratif, aussi appelé cobot. Ces machines, toujours davantage présentes dans l’industrie, travaillent directement au contact de l’homme. Dans le secteur de l’entreprise dédié à l’injection plastique, un bras articulé est installé sur le poste de travail des opérateurs, sans barrière protectrice. «L’homme et la machine travaillent main dans la main», résume David Parison, ingénieur au sein de l’entreprise qui emploie 145 collaborateurs dans la zone industrielle de Moncor.

L’acquisition de ce nouvel outil de production représente un investissement d’environ 60 000 francs. «Le coût d’un robot collaboratif est bien inférieur à celui d’un robot industriel classique. Notre installation sera rapidement rentabilisée, même si elle ne fonctionne que la moitié du temps aujourd’hui», relève David Parison, qui explique que la programmation d’une telle machine est plutôt aisée. «Le gros avantage d’un robot collaboratif, c’est sa flexibilité. Il peut rapidement exécuter une autre tâche ou être déplacé. Par contre, sa vitesse est limitée.»

Pour des remorques

Le contexte est différent chez Zbinden. Si elle y songeait depuis un certain temps, l’entreprise de Posieux a décidé d’investir dans un robot de soudage après avoir décroché une importante commande: la production de remorques pour l’armée suisse. «Nous en avons déjà livré plus de 500. Ce contrat nous fournira du travail durant quatre ans, jusqu’en 2021», expose Benoît Zbinden, directeur technique de la société sarinoise de 50 employés.

Installé au fond d’une halle, l’outil de production mis en place chez Zbinden est imposant. Il représente un investissement de près de 450 000 francs. «La programmation est complexe. Il faut produire plusieurs centaines de pièces identiques pour que le robot soit intéressant. A terme, le but est que cela soit le cas à partir d’une cinquantaine d’unités.»

Actifs dans des secteurs d’activités différents, Zbinden et Jesa ont le même objectif. «Le but est de garder notre personnel qualifié pour le travail spécialisé et confier les tâches répétitives, moins intéressantes au robot», résume Benoît Zbinden. Dans une des halles de l’entreprise de Posieux, un ouvrier assemble les châssis des remorques, apposant quelques points de soudure. L’homme confie ensuite au robot la réalisation des soudures complètes (jusqu’à 250 par remorque). «Le gain de temps se situe surtout au niveau de la manutention des pièces à souder», explique Benoît Zbinden.

« Le robot doit permettre une migration des collaborateurs vers des tâches plus évoluées »

David Parison

Les deux sociétés l’assurent: il n’est pas question de remplacer un jour l’homme par des robots. «Pour être compétitive, l’entreprise essaie d’avoir les ressources minimales en personnel. Dès qu’il y a un pic de commandes, c’est le stress. Le robot doit permettre une migration des collaborateurs vers des tâches plus évoluées et à plus haute valeur ajoutée, comme le contrôle visuel et la supervision des machines. Il y aura toujours assez de travail pour l’homme», assure David Parison, qui réfléchit à la mise en place d’autres robots collaboratifs chez Jesa.

De la psychologie à faire

De son côté, Benoît Zbinden fait remarquer que le contrat qui a conduit à l’acquisition d’un robot de soudage a également permis d’engager cinq collaborateurs supplémentaires. «Ce nouvel outil nous permet de nous profiler dans la moyenne série et de gagner d’autres mandats. A terme, nous pourrons effectuer de la sous-traitance dans le domaine du soudage. Nous sommes en contact avec des entreprises intéressées dans la région.»

Les deux entreprises fribourgeoises sont unanimes. La venue d’un robot dans une usine n’est pas anodine pour le personnel, qui voit une machine réaliser une partie de son travail. «Il y a un peu de psychologie à faire. Cela a pris du temps, mais le robot a été assez vite accepté», rapporte David Parison. Benoît Zbinden abonde: «Il a fallu expliquer la démarche. Il y avait beaucoup de réticences au début, notamment auprès des collaborateurs d’un certain âge. A la fin, les gens ont compris que le robot évitait le travail de série rébarbatif et qu’il contribuait aussi à maintenir des places de travail.»


«Réduire les coûts est une obligation»

La Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg a accompagné plusieurs projets de robotisation.

En contact régulier avec les industriels fribourgeois, Nicolas Rouvé, professeur à la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA-FR), confirme l’intérêt grandissant du secteur manufacturier pour des outils de production autonomes. «Il arrive de plus en plus qu’une entreprise acquière un ou deux robots pour quelques opérations bien déterminées. Nous avons accompagné plusieurs projets ces dernières années», rapporte le spécialiste, attaché à l’Institut des systèmes d’ingénierie durables (SeSi) de la HEIA-FR. Les robots collaboratifs (ou cobots), au contact direct de l’homme, ont particulièrement la cote. Leur mise en œuvre est d’ailleurs progressivement simplifiée grâce à des logiciels modernes. Nicolas Rouvé cite l’exemple d’une société qui est en train de mettre en place un tel robot pour la pose d’un joint sur un moteur.

«Le but est d’assurer la qualité et la répétabilité de l’opération. L’homme se concentre sur les tâches générant davantage de valeur ajoutée et nécessitant un œil, un savoir-faire ou une main beaucoup plus sensible que celle d’un robot.»

Le professeur de la HEIA-FR estime que les outils de production autonomes et les binômes homme-robot vont se répandre à l’avenir. «Pour produire en Suisse, les entreprises doivent réduire leurs coûts de fabrication. C’est une obligation et pas une option. Sinon il est impossible d’être compétitif face à l’Europe de l’Est ou la Chine», estime Nicolas Rouvé, qui fait remarquer que les industriels ont déjà réalisé passablement d’économies en revoyant leur organisation et en traquant les gaspillages de ressources ou de temps (lean manufacturing).

Les robots industriels – produits par toujours davantage d’acteurs – ont fait leur apparition il y a 30-40 ans. «Aujourd’hui, avec l’industrie 4.0, les robots communiquent en temps réel avec d’autres machines de production ou la chaîne logistique», relève Nicolas Rouvé. TG

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