La Liberté

Nous allons inventer de nouvelles rencontres

Myriam Humbert, lectrice © DR
Myriam Humbert, lectrice © DR
Publié le 24.04.2020

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Lettre à nos aînés

Ma chère grand-maman, combien tu me manques déjà!

C’était le mois passé. Tu glissais furtivement dans ma main ce billet de 100 francs. Comme à ton habitude. Comme quand j’étais adolescente avec peu d’argent de poche. «Un petit plus pour tes prochaines vacances de Pâques en Italie», me disais-tu.

C’était il y a quelques jours seulement. Je te donnais le bras et, à ton bon petit pas, nous faisions le tour du quartier saluant ici une voisine souriante, là un grand-père ronchon, et nous amusant des enfants jouant dans le parc.

C’était hier encore. Dans ton salon, autour d’une tasse de thé, je te confiais mes grands et petits secrets. Car il n’y a que toi pour si bien les comprendre. Puis, sur le pas de la porte, tu me serrais fort dans tes bras. Comme seules savent le faire les grands-mères. Et nous nous quittions avec la promesse de nous revoir bientôt.

Aujourd’hui, voici le monde coupé du monde. Et te voici, toi, chère grand-mère, rivée à ton chez-toi. Isolée de force. Séparée des tiens. Mais tu vas te rebeller. Tu vas gagner, et nous gagnerons avec toi. En mode survie, nous allons inventer de nouveaux gestes, de nouvelles rencontres. Alors, grand-mère, écoute-moi bien…

Chausse tes bonnes lunettes, sors ta plus belle plume et ouvre ton journal de bord. Depuis si longtemps que tu nous promets d’écrire tes mémoires! Nous aussi, nous allons fourbir nos armes. Ton petit-fils, Adrien, accorde son violoncelle et moi, j’affine mes pinceaux. Pendant que tu te souviens et remplis les feuilles de ton cahier, je peins les paysages de ton enfance, et Adrien compose ses mélodies en accord avec tes souvenirs. Chaque jour, une nouvelle page de ta vie que tu nous conteras le soir venu, au son du violoncelle et, avec en toile de fond, l’une de mes aquarelles.

Tu me diras, c’est bien joli tout cela, mais comment est-ce possible, puisqu’il ne nous est pas permis de nous rencontrer? Ne t’inquiète pas, grand-mère, ça va marcher. Skype en antivirus.

Tu vois, nous l’avons créé, ce nouveau rituel. Mais, pour une fois, accepte de brancher tes appareils et, dans la journée, n’oublie pas de saisir le pommeau de ta canne pour déambuler dans ta chambre, dans le couloir, sur le balcon. Et surtout, reste à la maison.

Chère grand-mère, je te serre fort dans mes bras et t’embrasse de tout mon cœur. Virtuellement. Et, je te le promets, on se rattrapera bientôt. Pour de vrai. Ta «petite» Roxane, devenue grande.

Myriam Humbert Lectrice, Granges-Paccot


» Cette opération de solidarité est lancée de concert avec d’autres quotidiens régionaux de Suisse romande: Le Quotidien Jurassien dans le Jura, Arcinfo à Neuchâtel, Le Journal du Jura (Berne francophone) et Le Nouvelliste, en Valais. La Côte, basée à Nyon, et le magazine Générations se sont également joints au mouvement.

Mais la solidarité ne se confine évidemment pas aux seules rédactions. C’est pourquoi nous vous lançons un appel, à vous, chers lecteurs: écrivez vous aussi votre lettre à nos aînés et faites-nous la parvenir par courriel à l’adresse suivante: redaction@laliberte.ch. Nous publierons les plus belles dans nos prochaines éditions.

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