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Tu les appelles «mes filles», «mes chéries»...

Tu les appelles «mes filles», «mes chéries»...
Tu les appelles «mes filles», «mes chéries»...
Publié le 03.04.2020

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Lettre à nos aînés

Chère maman, tu les appelles «mes filles», «mes chéries».

Tu plaisantes avec elles, leur racontes tes dimanches avec nous.

Elles t’écoutent, connaissent le prénom de chacun de nous. Elles font partie de ta vie. Ce sont tes soignantes, mais tu les appelles «mes filles», «mes chéries».

«Maman, ce ne sont pas tes filles!» Combien de fois ai-je prononcé cette petite phrase? Non pas que je sois jalouse de la relation que tu as tissée avec elles – tu as assez d’amour à donner pour le partager et je sais bien que je ferai toujours partie des préférées. J’essayais juste de leur rendre la place que tu tentais de leur voler, leur place de professionnelles.

A ma remarque, tu hochais la tête, esquissais un sourire que je n’avais aucune peine à traduire tant nous nous connaissons. Tu ne disais rien. Tu fais partie de la génération de femmes qui a appris à se taire. Tu ne disais rien mais je savais qu’au plus profond de toi, tu te disais: «Je sais bien que ce ne sont pas mes filles mais elles m’apportent tant qu’elles méritent bien ma reconnaissance» et en cela, tu as pleinement raison.

«Ce matin, tu as suivi ton cours de patois, preuve que la vie ne s’arrête pas»

Depuis 4 ans maman, tes «filles» de substitution veillent sur ta santé. Avec le temps, elles ont appris à te connaître, à t’apprécier et en professionnelles, elles te soignent, t’écoutent, trouvent des solutions pour que chaque journée en EMS soit une journée de gagnée sur la vie.

Depuis 4 ans maman, ta famille mesure chaque jour sa chance de pouvoir partager de précieux instants avec toi, en toute sérénité, puisque à la moindre alerte, elles seront là pour toi.

Aujourd’hui, le coronavirus nous sépare, du moins physiquement. Nous ne pouvons plus venir t’embrasser mais nous pouvons encore plaisanter avec toi au téléphone. Tu as gardé ton sens de l’humour et nous inonde de ton optimisme. Nous ne pouvons plus partager un repas mais nous pouvons déjà nous réjouir de la fête de famille que nous organiserons lorsque le virus aura déclaré forfait.

Ce matin, maman, tu as suivi ton cours de patois, comme chaque semaine, preuve que la vie ne s’arrête pas à cause d’un malheureux virus.

Aujourd’hui maman, je te laisse entre les mains de «tes filles» en toute confiance. Je sais qu’elles (et tout le personnel) mettent tout en œuvre pour que cette période de confinement ne se teinte pas de morosité pour toi et tes amis résidents.

Merci à tes «filles», à tes «chéries» et à toute l’équipe qui œuvre dans l’ombre et tente par tous les moyens de faire entrer un peu de soleil dans vos vies.

Je me réjouis de retrouver ton sourire.

Je me réjouis.

Nicole Monney
Lectrice, Marly


» Cette opération de solidarité est lancée de concert avec d’autres quotidiens régionaux de Suisse romande: Le Quotidien Jurassien dans le Jura, Arcinfo à Neuchâtel, Le Journal du Jura (Berne francophone) et Le Nouvelliste, en Valais. La Côte, basée à Nyon, et le magazine Générations se sont également joints au mouvement.

Mais la solidarité ne se confine évidemment pas aux seules rédactions. C’est pourquoi nous vous lançons un appel, à vous, chers lecteurs: écrivez vous aussi votre lettre à nos aînés et faites-nous la parvenir par courriel à l’adresse suivante: redaction@laliberte.ch. Nous publierons les plus belles dans nos prochaines éditions.

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