La Liberté

Un soutien pour les loyers

Le Conseil d’Etat fribourgeois engage 18 millions de francs pour soutenir les commerçants et les restaurateurs, ainsi que les jeunes entreprises qui pourront bénéficier de prêts garantis par le canton

Près de 4000 établissements ont dû fermer leurs portes à cause des mesures de sécurité sanitaire contre la propagation du Covid-19. © Alain Wicht
Près de 4000 établissements ont dû fermer leurs portes à cause des mesures de sécurité sanitaire contre la propagation du Covid-19. © Alain Wicht

François Mauron

Publié le 22.04.2020

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Commerces » Elles étaient très attendues. Le conseiller d’Etat Olivier Curty, responsable de la Direction de l’économie et de l’emploi (DEE), a présenté ce mercredi à la presse les nouvelles mesures de soutien que le gouvernement va allouer au tissu économique fribourgeois, déchiré de toutes parts par les assauts du Covid-19. Devisé à 18 millions de francs, ce nouveau paquet cantonal vise à soulager en premier lieu les indépendants et les jeunes entreprises. Il s’ajoute aux quelque treize millions de francs déjà engagés pour voler au secours des infrastructures touristiques (6 millions de francs) et de la culture locale (4,7 millions de francs), ainsi que pour procéder à des aménagements fiscaux (2,4 millions de francs). Au total, le canton entend pour l’heure prodiguer une aide de 50 millions de francs.

«La crise sanitaire du coronavirus s’est doublée d’une crise économique sans précédent dans notre pays et dans le canton de Fribourg», constate Olivier Curty avec amertume. Les chiffres sont il est vrai éloquents. Environ 30% de la population active fribourgeoise bénéficie désormais d’une indemnité pour réduction d’horaire de travail (RHT), soit 50 000 personnes. Par ailleurs, pas moins de 5500 demandes d’allocations pour perte de gain (APG) ont également été déposées. Et leur nombre augmente «sensiblement» depuis que la Confédération a annoncé un élargissement aux indépendants touchés indirectement par la pandémie. «Les mesures fédérales ne peuvent pas répondre à toutes les urgences. C’est pourquoi nous voulons aller plus loin pour éviter les faillites et préserver les emplois», souligne le responsable de la DEE.

1 » Baux commerciaux

Olivier Curty ne cesse de le marteler depuis le début de la crise: le Conseil d’Etat fribourgeois agit subsidiairement au Conseil fédéral. Comme la question des loyers commerciaux n’a pas pu être réglée au niveau de la Confédération, Fribourg prend le taureau par les cornes.

Il faut dire que, précisément, 3874 établissements cantonaux ont dû fermer leurs portes à cause des mesures de sécurité sanitaires. «A ce chiffre, il est nécessaire de rajouter toutes les entreprises dont l’activité a été impactée de manière plus ou moins forte via une baisse du chiffre d’affaires», note-t-il.

Le principe: le canton finance un mois de loyer, pour autant que le locataire en paie un et que le propriétaire renonce de son côté à en encaisser un autre.

De concert avec les représentants cantonaux des professionnels de l’immobilier, des bailleurs et des locataires, l’Etat de Fribourg a mis en place un système permettant à ces derniers de bénéficier de deux mois de loyers gratuits sur trois, hors charges. Coût estimé: 12 millions de francs. Le principe: le canton finance un mois de loyer, pour autant que le locataire en paie un et que le propriétaire renonce de son côté à en encaisser un autre. Valable pour les mois de mai, juin et juillet prochains, ce dispositif est plafonné à 2500 francs par locataire – 3500 francs pour les restaurants. En cas de loyer supérieur, celui-ci doit s’acquitter de la somme pour la première tranche mensuelle et payer le montant manquant lors du deuxième mois, l’Etat versant 2500 francs (ou 3500). Ce dernier réglera également la différence au bailleur le troisième mois, si ce dernier le souhaite.

Pour les indépendants exerçant leur activité principale à domicile, un montant forfaitaire de 500 francs est proposé, selon les mêmes modalités. «Cette mesure est principalement destinée aux petites entités économiques», dixit Olivier Curty. Pour être éligible, il faut afficher un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 francs – un million de francs pour les établissements publics.

2 » Crédits pour les start-up

Les start-up n’ont dans la plupart des cas pas accès aux prêts-relais garantis par la Confédération, car elles ne dégagent pas de revenus suffisants. Le canton de Fribourg octroie donc 5 millions de francs de façon à pouvoir garantir des crédits pour les jeunes entreprises. D’un montant maximum de 250 000 francs, ils ont pour but de leur fournir des liquidités afin qu’elles puissent poursuivre leurs activités. «Le calcul de la somme que les start-up peuvent emprunter se fera sur la base du chiffre d’affaires projeté», expose Jerry Krattiger, directeur de la Promotion économique du canton de Fribourg.

3 » Conseil aux entreprises

Les entreprises fribourgeoises (hors start-up) qui le souhaitent pourront profiter de conseils et de coaching gratuits, distillés par les spécialistes du réseau Platinn, un organisme de soutien à l’économie. Cela s’opérera sous la forme de deux phases de deux heures au maximum par société, jusqu’au 31 octobre. «L’idée est de les préparer à l’après-crise, en menant des réflexions sur leur modèle d’affaires, leur chaîne d’approvisionnement ou la numérisation», indique Jerry Krattiger. Le canton prendra par ailleurs en charge à hauteur de 75% les cotisations des entreprises faisant partie des clusters (réseaux) fribourgeois, afin que ceux-ci conservent leur substance et maintiennent leurs services. Ces deux mesures coûtent 600 000 francs.

4 » Plan de relance

A ce stade, le canton a donc injecté 31 millions de francs pour aider son économie. Olivier Curty le promet: le Conseil d’Etat examine encore actuellement d’autres mesures, dont pourraient peut-être bénéficier la presse cantonale et les patrons de PME, dont les conditions ne sont pas les mêmes selon qu’ils perçoivent les RHT ou les APG. En revanche, aucun plan de relance cantonal n’est à l’étude. «C’est prématuré. De nombreuses entreprises fribourgeoises sont tributaires de l’étranger, que ça soit pour les fournitures ou les clients. L’Etat pourra peut-être avancer la réalisation de certains projets déjà lancés. Mais il faudra chiffrer les dégâts occasionnés par la crise avant de pouvoir agir», conclut Olivier Curty.


COMMENTAIRE

Un plan de relance cantonal s’impose

Atomisée par les directives de sécurité sanitaire mises en œuvre par les autorités pour lutter contre la pandémie de Covid-19, l’économie fribourgeoise – et suisse aussi, bien sûr – traverse une crise sans précédent. Des secteurs entiers comme la restauration ou le commerce de détail non alimentaire sont quasiment à l’arrêt, le chômage partiel et les allocations pour perte de gain atteignent des pics incommensurables.

Le Conseil d’Etat, fidèle à une ligne pragmatique devenue légendaire, ne veut pourtant rien précipiter. En bon soldat, appliqué, il suit à la lettre les consignes du Conseil fédéral et joue la carte de la subsidiarité. Quand la Confédération peine à résoudre un problème, il se substitue à elle et sort de son chapeau une solution maison. A ce titre, les mesures présentées ce mercredi en faveur des indépendants qui louent leurs surfaces commerciales et celles destinées à aider les start-up sont à saluer.

Le canton a engagé à ce jour 31 millions de francs pour soutenir l’économie cantonale. Il a promis pour l’heure une enveloppe de 50 millions de francs. Vu l’ampleur des dégâts, ce ne sera pas suffisant. Le gouvernement cantonal doit à présent oser s’affranchir de sa politique, certes efficace, des petits pas, et ouvrir plus largement son porte-monnaie. Assis sur une fortune de 1,3 milliard de francs, il a les moyens d’être ambitieux. Du reste, ne prévoit-il pas d’allouer 380 millions de francs rien que pour atténuer les effets de la réforme de la caisse de pension du personnel de l’Etat?

Or, en l’espèce, il n’est pas question de retraites mais bien d’emplois. Le secteur privé, fragilisé par la crise, risque d’en biffer par centaines, voire milliers. C’est pourquoi la mise en œuvre d’un plan de relance cantonal s’impose. C’est le seul instrument susceptible d’enrayer un mouvement qui, autrement, pourrait s’apparenter à une chute de dominos. Le conseiller d’Etat Olivier Curty semble en être conscient, mais il veut pouvoir mesurer les dégâts avant d’agir. Ça risque d’être trop tard. François Mauron


Ils veulent davantage

Les milieux patronaux saluent les annonces du Conseil d’Etat pour soutenir l’économie fribourgeoise. Mais ils souhaitent davantage.

Les mesures du gouvernement cantonal destinées à réduire les charges fixes des indépendants et à aider les jeunes entreprises sont saluées par les milieux patronaux. Mais ils souhaitent davantage. «Le Conseil d’Etat a trouvé une voie qui permet à une partie des milliers de commerçants, de restaurateurs et de PME concernés par les mesures d’interdiction mises en place par la Confédération de bénéficier d’un soutien financier urgent», note la Chambre de commerce et d’industrie du canton de Fribourg (CCIF) dans un communiqué. Cette dernière propose toutefois qu’une aide soit également étudiée en faveur des propriétaires de leurs propres locaux commerciaux, de manière à appliquer une égalité de traitement.
L’Union patronale du canton de Fribourg (UPCF), quant à elle, déplore dans un communiqué le plafonnement lié au chiffre d’affaires des entreprises concernées (500 000 francs pour les commerces, 1 million de francs pour les établissements publics). En agissant ainsi, «le Conseil d’Etat semble créer une inégalité de traitement entre les petites, moyennes et plus grandes entreprises du canton», écrit-elle.

3320

En francs, le montant maximal perçu par les bénéficiaires de RHT par mois

Pour la Fédération cantonale fribourgeoise du commerce indépendant de détail, la mesure gouvernementale est «un geste envers les commerçants et les indépendants fribourgeois confrontés à un important manque de trésorerie». Cette dernière, tout comme l’UPCF, rappelle au Conseil d’Etat qu’il est urgent de corriger l’inégalité existant entre dirigeants d’entreprises. Ceux qui touchent les RHT bénéficient en effet d’un soutien maximal mensuel de 3320 francs, tandis que ceux qui perçoivent des APG profitent d’un montant plafonné à 5880 francs. Les trois organisations sont par ailleurs d’avis que d’autres efforts seront nécessaires pour soutenir l’économie cantonale. FM

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