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Le Fribourgeois Guihlem Demierre est devenu «champion de philosophie»

Guihlem Demierre est le premier francophone à gagner les Olympiades de philosophie depuis dix ans

Dans la maison familiale, à Neyruz, Guihlem Demierre aime discuter de géopolitique avec son père Michel. © Charly Rappo
Dans la maison familiale, à Neyruz, Guihlem Demierre aime discuter de géopolitique avec son père Michel. © Charly Rappo

Lise-Marie Piller

Publié le 13.04.2023

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Neyruz » Quand il avait 4 ans, Guihlem Demierre a dit à ses parents: «A quoi bon vivre si de toute façon on va mourir?» L’habitant de Neyruz âgé de 20 ans ne s’en doutait pas, mais il avait déjà la philosophie dans le sang. La preuve, il a récemment gagné l’une des deux médailles d’or des Olympiades de philosophie, qui ont eu lieu à Berne.

Ce tour de force, il est le premier francophone à l’avoir réussi depuis 2013, selon un communiqué des organisateurs du concours. Grâce à sa victoire, il aurait dû représenter la Suisse aux Olympiades internationales de philosophie à Olympie (Grèce), mais il ne pourra hélas pas s’y rendre, car il a dépassé l’âge limite de 19 ans. L’étudiant au Collège de Gambach à Fribourg fait cependant contre mauvaise fortune bon cœur.

Trois bagues

23 avril 2002

Naissance à Fribourg.

2014 à 2017

Cycle d’orientation Sarine Ouest.

2017 à 2023

Collège de Gambach.

2020 à 2021

Ecole de langue à Munich, en Allemagne.

La maison familiale fleure bon le voyage, décorée de masques ramenés des quatre coins du monde par les parents de Guihlem Demierre. Assis dans un canapé, le jeune homme raconte la compétition: les quatre heures de rédaction lors d’une finale de quatre jours, avec des cours et une visite d’exposition pour s’inspirer de thèmes tels que le rapport au temps et à la nature. Ses phrases sont réfléchies, millimétrées. Leur signification fait parfois carburer le cerveau des interlocuteurs, comme lorsqu’il dit aimer «questionner des questions qui ne servent à rien».

Cependant, le jeune homme assure en riant qu’il ne passe pas des heures à méditer, tel le penseur de Rodin. «Je réfléchis parfois en cours, même si mes parents ne seront pas très heureux de l’apprendre, et dès que j’ai un peu de temps. J’ai toujours un carnet avec moi pour noter mes idées.» A ses doigts, trois bagues représentant des personnes importantes. La première lui a été offerte par son meilleur ami, Louis Maillard, la deuxième par ses parents et la troisième appartenait à sa mère chilienne, qui la lui a donnée. «Cela me rappelle ma famille en Amérique du Sud», sourit celui qui est fils unique.

Son amour de la philosophie s’est révélé à lui par un heureux hasard: «Il y a un an et demi, j’ai regardé une vidéo YouTube qui concernait entre autres le philosophe Nietzsche. Je n’ai pas compris grand-chose, alors j’ai commandé des livres sur le sujet.» C’est bien une des particularités du jeune homme: moins quelque chose est clair, plus il est aiguillonné. Rien qu’aux olympiades, il a choisi la citation qu’il comprenait le moins, parmi celles à choix, autrement dit, une phrase de la philosophe française Simone Weil: «La pensée est bien la suprême dignité de l’homme; mais elle s’exerce à vide, et par suite ne s’exerce qu’en apparence, lorsqu’elle ne saisit pas son objet, lequel ne peut être que l’univers.»

 «J’ai toujours un carnet avec moi pour noter mes idées»
Guihlem Demierre

Pour Guihlem Demierre, la philosophie est une manière de voir le monde: «J’adore comprendre comment les autres pensent, c’est très instructif. Même si je suis assez solitaire, je pose souvent des questions pour avoir divers avis, afin de réfléchir sur ma conception des choses et faire face à mes contradictions. Par contre, je parle très peu de moi.» Certains de ses amis apprécient les discussions profondes, relate-t-il, et à la maison, il aborde volontiers des sujets politiques ou internationaux avec son papa, Michel Demierre, chef du Service de l’informatique et des télécommunications de l’Etat de Fribourg. Ce dernier commente: «Il n’a pas peur d’être en désaccord et gagne de plus en plus, dans nos débats, ce qui veut dire qu’il devient fort. Je trouve assez super qu’un jeune s’intéresse à ce genre de choses, car nous manquons de personnes capables de repenser le monde.»

De son côté, Louis Maillard évoque l’évolution de son ami, qu’il connaît depuis la maternelle: «Il était très timide, mais dès l’adolescence, il est devenu un leader de groupe, qui aime organiser des choses et qui est toujours partant pour faire la fête. Il est aussi très loyal.»

Débouchés à étudier

Si Guihlem Demierre ne se voit pas forcément devenir philosophe plus tard, il pense choisir cette branche lors de ses études à l’université, à laquelle il vient de s’inscrire, puis verra les débouchés possibles. Actuellement, la philosophie constitue son option complémentaire à Gambach.

«Je pose souvent des questions pour avoir divers avis, afin de réfléchir sur ma conception des choses et faire face à mes contradictions»
 Guihlem Demierre

Et s’il y a l’esprit, il y a aussi le corps, que Guihlem Demierre affûte au fitness, après avoir pratiqué le karaté durant quelques années. «Je m’entraîne aussi à la boxe à la maison.» Et il joue volontiers de la guitare. Son philosophe préféré? Nietzsche, même s’il n’a pas le même avis que lui, par exemple sur l’existence de Dieu. «Je ne vais pas trop à l’église mais je fais carême, je prie et j’ai choisi de me faire baptiser.» Sa citation favorite vient de Martin Heidegger: «L’être n’est jamais saisissable que du point de vue du temps.» Bonne réflexion…

Intéresser les jeunes à la philosophie

Destinées aux jeunes collégiens, les Olympiades suisses de philosophie existent depuis 2006 et sont organisées par l’association SwissPhilO, selon la responsable média Lara Gafner, qui précise que la moyenne d’âge des participants est 18 ans. «Le but est de promouvoir la philosophie chez les jeunes.»

Il y a trois étapes. En automne, les sujets sont publiés sur le site internet des olympiades. Ceux qui le souhaitent peuvent écrire un essai à la maison ou en classe. Les trente à quarante meilleurs textes sont sélectionnés par un jury. Il y a ensuite une demi-finale, puis une finale de quatre jours avec des ateliers, des workshops, des discussions et un essai à écrire durant quatre heures.

A noter que d’autres olympiades ont aussi lieu chaque année dans des domaines tels que la biologie, la chimie, la géographique, l’informatique ou encore la linguistique. LMP

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