La Liberté

Un lieu de mémoire à sauvegarder

La revue Pro Fribourg revient sur l’histoire mouvementée de la chapelle de Posieux

La chapelle de Posieux a été érigée sur une colline du village sarinois, la préservant des constructions futures. SBC/Alain Kilar
La chapelle de Posieux a été érigée sur une colline du village sarinois, la préservant des constructions futures. SBC/Alain Kilar

Anne Rey-Mermet

Publié le 07.10.2020

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Patrimoine » A qui appartient la chapelle du Sacré-Cœur de Posieux? La question pourrait sembler simple, mais il n’en est rien. L’historien de l’art et chef de service adjoint du Service des biens culturels (SBC), Aloys Lauper, a réalisé un important travail de recherche pour trouver la réponse. Il s’est plongé dans la vaste histoire de ce petit édifice érigé sur une colline, dont les prémices remontent à 1852, année où 15 000 Fribourgeois se rassemblent à cet endroit pour manifester leur opposition aux radicaux.

Dans le nouveau numéro de la revue Pro Fribourg, l’historien de l’art déroule les épisodes qui jalonnent le riche passé de cette chapelle, reflet des évènements locaux et internationaux. «L’acquisition du terrain date de 1884, la chapelle a été bénie en 1924: 40 ans pour construire un bâtiment à Fribourg à l’époque, c’est dans les normes», relève Aloys Lauper.

Une statue dans un écrin

Après la défaite de la France dans la guerre qui l’oppose à la Prusse en 1870, les Français attribuent leur déconfiture à la déchristianisation du pays. La construction de la basilique du Sacré-Cœur, à Montmartre, est lancée pour faire amende honorable. «Le chanoine Schorderet, qui a vu le chantier lors d’un séjour à Paris, rêve de consacrer le canton au Sacré-Cœur. Le fondateur de La Liberté convainc le Piusverein, association catholique, de tenir ses assises sur la colline et d’y construire une chapelle», relate le chef de service adjoint du SBC. Cinq mille fidèles se réunissent sur ce qui est parfois qualifié de Grütli fribourgeois.

Les discussions pour définir le style du bâtiment durent 12 ans. Certains veulent une chapelle rustique, intégrée au site, mais les intellectuels ne veulent pas d’un édifice «qui ressemble à une ferme», comme le relate Aloys Lauper. Le dominicain Joachim Berthier suggère que l’on dresse plutôt une statue du Sacré-Cœur sur ce promontoire. D’abord peu suivie, sa proposition l’emporte: on placera une statue au sein d’un écrin monumental.

La première pierre est posée en 1911, en présence de 12 000 personnes. Le chantier avance mais, en 1913, les moyens manquent pour continuer. La statue, haute de trois mètres et pesant quatre tonnes, est livrée en 1916. La chapelle n’a ni porte ni fenêtre, les caisses sont à nouveau vides. Durant cette phase de construction, le Conseil d’Etat délie plusieurs fois les cordons de la bourse, en accordant par exemple un subside de 5000 francs ou encore un prêt de 15 000 francs. En 1917, le canton célèbre l’anniversaire des 500 ans de la naissance de Nicolas de Flüe. Les autorités cantonales décident de lui rendre hommage en lui consacrant un autel dans la chapelle sarinoise, une façon aussi de financer les suites de la construction. Mais les radicaux n’ont pas oublié le rassemblement de 1852 et s’y opposent.

Travaux nécessaires

Le décor de la chapelle n’est pas terminé quand celle-ci est bénie, en 1924. Les temps ont changé, la Première Guerre mondiale a bouleversé le monde. «On ne parle alors plus de chapelle mais d’un ex-voto pour remercier Dieu d’avoir épargné la Suisse», indique l’historien de l’art. Sur les peintures murales, on reconnaît les visages du monde agricole ainsi que des élites politiques, religieuses et des représentants des arts et métiers de l’époque. D’abord installée au centre de la construction, la statue a été déplacée pour disposer les bancs.

La chapelle presque centenaire a été entretenue, mais de nouveaux travaux sont nécessaires, notamment pour éviter les infiltrations d’eau. «La Fondation de la chapelle du Sacré-Cœur est à bout de souffle, elle a besoin de fonds pour rénover l’édifice.» D’où la nécessité de déterminer qui est le propriétaire. Le verdict des juristes devrait tomber bientôt.

Le sommaire du nouveau numéro de Pro Fribourg comprend également un sujet sur les subsides de la Confédération pour la protection des bâtiments historiques, un portfolio avec le travail sur les bornes de vidange des fosses à purin du Fribourgeois Jean-Paul Guinnard et un éclairage sur les îlots de chaleur en ville.

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