La juge qui avait sorti Claude D. de prison quitte la magistrature
Drame de Payerne • Critiquée après la mort de Marie, la magistrate a connu de longs arrêts maladie. Elle a divisé l’opinion et les politiques.
Christian Humbert/JC
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La pression a-t-elle été trop forte? Mise en cause pour avoir sorti Claude D. de prison en mars 2013, la juge a quitté l’Ordre judiciaire vaudois le 31 octobre. Delphine Rouvé, juriste au secrétariat de l’Ordre judiciaire, précise que l’ex-juge est «au bénéfice d’une convention de départ, dont les parties ont convenu que le contenu était confidentiel» et qu’«aucun commentaire ne sera fait à ce sujet».
La magistrate vient de traverser deux années houleuses. Alors qu’elle est juge d’application des peines, elle «libère» Claude D. le 14 janvier 2013 et confirme sa décision le 26 mars. Celui-ci enlève Marie S. le 13 mai à Payerne, avant de la tuer et d’abandonner son corps dans un bois près de Châtonnaye.
Le retentissement de ce meurtre, commis par un psychopathe considéré comme très dangereux, avait attiré l’attention sur cette juge. C’est toute seule et sans possibilité de recours - comme le veut la procédure - qu’elle avait pris sa décision. Elle estimait notamment que l’Office d’exécution des peines n’avait pas suffisamment démontré qu’il fallait priver Claude D. des arrêts domiciliaires.
Décision critiquée
Devant la presse au lendemain du meurtre, le président du Tribunal cantonal, Jean-François Meylan, avait qualifié la décision d’«inadéquate». Rappelons que Claude D., condamné en 2000 à 20 ans de réclusion pour le viol et le meurtre de son ex-amie à La Lécherette, pouvait bénéficier d’un élargissement progressif.
En août 2013, après un premier arrêt maladie, la magistrate change de poste. Elle devient juge au Tribunal des mineurs. En septembre, le rapport Bänziger lui est favorable: elle ne doit pas être sanctionnée, car elle n’a commis aucune faute. L’Ordre judiciaire fait sienne cette conclusion.
Crise institutionnelle
Alors que le cas de cette juge divise l’opinion et la classe politique, il va, en plus, provoquer une crise institutionnelle. Cette crise commence en novembre 2013, quand la Commission parlementaire de haute surveillance du Tribunal cantonal entre en scène. Seule la juge endosse l’essentiel de la responsabilité de la sortie de Claude D., plutôt que l’administration, selon la commission. Celle-ci demande une enquête disciplinaire contre la juge. Mais l’Ordre judiciaire campe sur sa position et dénonce une violation de la séparation des pouvoirs.
Dès le début de 2014, la juge connaît une deuxième période de maladie. En janvier, le bâtonnier de l’Ordre des avocats la soutient publiquement.
Enfin, en mai dernier, mandaté par le bureau du Grand Conseil, un prof de droit constitutionnel donne raison au pouvoir judiciaire: le principe de la séparation des pouvoirs a bel et bien été violé par la commission parlementaire. Cette dernière n’avait pas le droit de demander une enquête disciplinaire contre la magistrate. Laquelle ne s’est jamais exprimée publiquement sur l’affaire.