La Liberté

Lausanne indexe les salaires

La Cour des comptes livre 14 recommandations pour améliorer le pilotage des offices des poursuites

Entre 2017 et 2021, plus de 400 000 commandements de payer ont été notifiés en moyenne chaque année. © Keystone/photo prétexte
Entre 2017 et 2021, plus de 400 000 commandements de payer ont été notifiés en moyenne chaque année. © Keystone/photo prétexte

Raphaël Besson

Publié le 01.09.2022

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Municipalité, Dettes » Dès aujourd’hui, les employés de la ville de Lausanne verront leur salaire indexé de 2,87%.

Cas a priori unique dans le canton de Vaud et même en Suisse, la ville de Lausanne indexe le salaire de ses employés dès ce jeudi, avec une hausse de 2,87%. La décision de la municipalité a été prise cet été sur la base d’un mécanisme automatique protégeant le pouvoir d’achat du personnel communal en cas de forte inflation et ce dans le courant de l’année déjà.

L’information était passée presque inaperçue le 12 juillet dernier. «En raison du renchérissement des prix des biens et services de consommation en Suisse et conformément au règlement pour le personnel de l’administration communale (RPAC art. 33), la municipalité a décidé d’indexer les salaires du personnel de la ville de Lausanne dès le 1er septembre 2022 à hauteur de 2,87%», indiquait brièvement la ville dans ses actualités municipales.

Une augmentation qui entre effectivement en vigueur aujourd’hui, a dit à Keystone-ATS une porte-parole de la municipale lausannoise des finances Florence Germond, confirmant une information de 24 heures. Elle concerne les 5500 employés de la ville. A titre d’exemple, un employé à plein temps avec le salaire minimum de 4457 francs touchera 128 francs de plus par mois.

Le syndic et les six autres membres de la municipalité ont, eux, renoncé à s’appliquer cette indexation.

Ce principe est inscrit dans le RPAC. Il est appliqué si l’indice des prix à la consommation (IPC) dépasse d’au moins 2,5% celui des salaires. Une indexation intermédiaire a alors lieu en cours d’année, différente donc de celle annuelle figurant aussi dans le RPAC. C’est la première fois que la ville doit indexer les salaires en cours d’année depuis l’introduction en 1995 de ce mécanisme lors d’une révision du règlement pour le personnel communal.

«L’effet financier représente un montant de l’ordre de six millions de francs sur une masse salariale totale de 200 millions pour les quatre derniers mois de l’année», a expliqué à 24 heures Mme Germond. La masse salariale de la ville de Lausanne est d’environ 600 millions de francs par année. L’indexation normale qui s’appliquera à compter du 1er janvier sera calculée ultérieurement en fonction de l’IPC d’octobre, selon la municipale. ATS


Un secteur sensible, parfois tragique

La tragédie a «secoué tout le monde». Valérie Schwaar, présidente de la Cour des comptes et magistrate responsable de l’audit sur le pilotage des offices des poursuites vaudois (OP) l’a souligné hier: l’issue fatale survenue à La Conversion (VD) est encore dans les mémoires. Début septembre 2021, lors d’une intervention de l’office des poursuites, une ressortissante française de 56 ans s’est brusquement rendue dans sa salle de bains où elle s’est immolée par le feu. Son appartement devait être mis en vente.

Le drame a poussé certains huissiers à donner des exemples de la difficulté de leur travail, même si l’étude de la cour ne s’est pas focalisée uniquement sur cet aspect, a poursuivi Valérie Schwaar.

C’est un homme expérimenté qui a raconté comment il s’y prend. «Par exemple, il s’assure de n’avoir jamais quelqu’un dans le dos, de n’avoir jamais quelqu’un entre lui et la porte. Et s’il sent que la tension est vive, il va essayer de calmer les esprits en parlant par exemple d’un tableau, d’un paysage qu’il croit reconnaître.»

Espace de partage

Face à ces risques et à la complexité croissante des tâches, la Cour des comptes recommande de mettre sur pied un espace de partage. Alessandro De Luca, chef de mandat d’audit, a expliqué qu’une formation de deux jours à ces enjeux était désormais donnée. «Ils commencent vraiment à considérer ces aspects dans la formation de base qui est obligatoire. Et très prochainement, ils mettront un agent de sécurité par région, ce qui fait quatre agents de sécurité pour tout le canton». En revanche, «à l’heure actuelle, il n’y a pas d’assistants sociaux qui vont accompagner l’huissier lors de la saisie. Il n’y a pas l’aspect social», selon Alessandro De Luca.

Car ces visites génèrent de la crainte: «Je ne sais pas si l’on peut admettre d’avoir une crainte permanente dans son activité professionnelle, ils en sont conscients. Est-ce que les deux jours de formation suffisent», s’est interrogée la présidente de la cour. «En tout cas, nous avons demandé qu’il y ait une plateforme d’échanges, qu’un huissier qui a vécu tel cas puisse en parler à des jeunes, qu’il puisse y avoir des discussions et que l’on évite de travailler en silos».

L’ancienne députée socialiste Muriel Cuendet Schmidt avait de son côté interpellé le Conseil d’Etat et demandé comment prévenir un drame comme celui de La Conversion. Dans sa réponse, le gouvernement relevait qu’une telle tragédie demeurait heureusement exceptionnelle. Outre différents programmes de lutte contre le surendettement, le Conseil d’Etat mentionnait l’introduction dès 2018 du cours de formation et la présence d’agents de sécurité dès le deuxième semestre 2022.

Le Tribunal cantonal, qui est responsable des offices des poursuites, se rallie à cette recommandation sur l’espace d’échanges, mais juge qu’une mise en œuvre régionale serait plus adaptée.

Cet élément sur les risques n’est qu’un aspect de l’audit. «Nous n’avons pas découvert de scandale ou de détournement de fonds, ce n’est pas le but d’un audit de performance», a relevé Valérie Schwaar en donnant une appréciation générale positive du travail des offices des poursuites. Les délais d’exécution sont rapides et le personnel est bien formé. Des améliorations dans le pilotage sont néanmoins souhaitées et largement acceptées par le Tribunal cantonal.

Beaucoup d’argent

Si la cour s’est lancée dans cet audit, c’est en raison notamment du «fort impact» de la thématique sur la population. Entre 2017 et 2021, plus de 400 000 commandements de payer ont été notifiés en moyenne chaque année, soit une augmentation de 54% par rapport à 20 ans auparavant. En 2017, 12,4% de la population romande vivait dans un ménage avec une personne ayant fait l’objet d’au moins une procédure de poursuite ou d’acte de défaut de bien. Les enjeux financiers ne sont pas négligeables non plus. En 2020, les offices des poursuites et faillites ont généré des émoluments pour près de 55,6 millions de francs, ce qui représente 65% des revenus de l’Ordre judiciaire vaudois.

En résumé, la Cour des comptes émet 14 recommandations qui visent l’amélioration de la structure organisationnelle, la qualité des outils de pilotage, l’amélioration de la numérisation et de l’automatisation de certaines tâches. Le Tribunal cantonal s’oppose à la vente aux enchères en ligne de biens mobiliers qui restreindrait, selon lui, la libre appréciation des préposés et risquerait de nuire à l’obtention du meilleur résultat.

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