La Liberté

Sept conseillers d’Etat, cinq partis?

Louis Ruffieux

Publié le 27.10.2021

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

En 1921, lors de la première élection du Conseil d’Etat fribourgeois par le peuple (au lieu du Grand Conseil), le pronostic était facile. Une liste unique, comprenant six conservateurs et un radical «conservateur-compatible», était proposée à l’électorat. Seule surprise des urnes: le premier rang du radical Victor Buchs, talonné par ses colistiers conservateurs comme des marcassins en file indienne derrière la laie. Un siècle plus tard, l’exécutif (élections en novembre) pourrait comporter des élus de cinq partis, un record!

Sous le régime de l’élection populaire, les conservateurs, devenus démocrates-chrétiens en 1970 puis centristes cette année, ont toujours été le premier parti du Conseil d’Etat. Ils n’y ont plus la majorité absolue depuis 1981, le PDC y ayant renoncé de lui-même. Sans doute aurait-il alors signé sans discuter un bail lui assurant trois élus pendant quarante ans… Durant les décennies antérieures, les marqueurs de sa décrue étaient apparus à des intervalles plus courts: perte d’un siège en 1946 après vingt-cinq ans (de six à cinq), en 1966 (quatre) et en 1981 (trois).

Autres abonnés fidèles à ce siècle de gouvernance, les radicaux, présents au Conseil d’Etat pendant nonante ans, avec un (le plus souvent) ou deux élus. Longtemps dépendants du bon vouloir du parti dominant, ils s’en sont parfois prudemment affranchis, sans toutefois aller jusqu’à institutionnaliser l’alliance tacite avec les socialistes qui leur valut, en 1966, de ravir un siège conservateur lors d’une élection complémentaire.

D’ailleurs, quand le PS accéda pour la première fois au gouvernement, en 1971, avec deux élus, les radicaux en firent seuls les frais. Cinq ans plus tard, ce fut exactement l’inverse. Match nul, colère dans les tribunes des minoritaires, balle au Centre – qui s’appelait encore le PDC et qui décida donc, en 1981, de se contenter de trois sièges, un nombre correspondant mieux à son poids réel. Socialistes et radicaux occupèrent les quatre restants. La formule 3-2-2, la première qui associait aux responsabilités gouvernementales les trois principaux partis, disparut pourtant en 1986 déjà pour ne réapparaître qu’en… 2018, à la faveur d’une élection complémentaire où un PLR a succédé à une verte.

Entre-temps, les élections d’un indépendant pendant quinze ans, d’un social-démocrate dissident du PS et d’une première conseillère d’Etat verte ont coloré l’arc-en-ciel gouvernemental. Ce dernier quart de siècle, le peuple a refusé d’y ajouter le vert de la palette UDC. Avant la mue nationale-conservatrice de l’Union démocratique du centre – dont le «centre» revendiqué doit être le plus excentré du monde politique –, le PAI-UDC avait été représenté au Conseil d’Etat dès 1952 et jusqu’en 1996 pendant quarante ans (juste cinq ans de moins que les socialistes).

L’UDC entend bien, en novembre, recoller au peloton et former, avec le PDC, le PS, le PLR et les Vert·e·s, un patchwork gouvernemental inédit, attestant de l’extrême fragmentation de l’électorat. Mais les places éligibles seront chères, dans la longue file indienne qu’emmèneront sans doute les quatre magistrats sortants au soir du premier tour.

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