La Liberté

Fangio flashé à perpétuité

«Bienvenue au club!» • Si l’ancien roi de la Formule 1 savait comme le monde continue à évoquer son nom, après tout ce temps, cela le dépasserait.

Pascal Bertschy

Publié le 20.04.2016

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Vous voulez un scoop? Fangio est revenu. Revenir, chez lui, est d’ailleurs une manie. Dans les conversations et dans les médias, il revient tout le temps. Ce champion, dirait-on, ne sait faire que ça.

Vu l'autre jour, sur je ne sais plus quel site, un titre du genre: «Un Fangio flashé à 227km/h». Bien que décédé il y a plus de vingt ans, Juan Manuel Fangio (1911-1995) demeure la cible privilégiée des radars. Et la référence suprême en matière de (mé)conduite.

«Il fête son permis en jouant les Fangio», «Un Fangio pincé sur l'autoroute» et ainsi de suite. Amusant, ça: les journalistes qui rédigent cette sorte de titres n'étaient pas nés lorsque l’Argentin régnait sur la Formule 1. Et leurs parents probablement non plus quand El Maestro a gagné ses cinq titres mondiaux (1951, 1954, 1955, 1956, 1957).

Mais qu'est-ce que ce champion a fait au bon Dieu? Et qu'a-t-il de plus que les autres? Fangio hante toujours les esprits, continue à faire des petits. Un automobiliste pressé passe en trombe quelque part et, aussi sec, vous entendrez quelqu'un dire en secouant la tête: «Encore un fou qui se prend pour Fangio!»  

Et Schumacher alors, et Senna?

Quelle domination! Elle en est presque vexante pour Michael Schumacher (deux titres mondiaux de plus que l'Argentin, quand même) et autres grands mythes des circuits. Si les agités du volant jouaient les Schumi, les Senna, les Prost, les Alonso, les Vettel, les Hamilton ou les Rosberg, en ces années 2010, ce serait déjà un peu plus actuel. Mais non, aujourd'hui encore, les têtes brûlées se prennent obstinément pour Fangio.

Les décennies passent, les grands champions aussi, mais Fangio reste. Il a flashé le monde et se retrouve condamné, en retour, à se faire flasher à perpétuité. C’est à jamais le symbole de la vitesse au volant, sacré roi du fait divers pour l'éternité.

Jesse Owens, Pelé, Mohamed Ali, Michael Jordan, Roger Federer, Michael Phelps et Usain Bolt peuvent aller se rhabiller. Tous les dieux du sport doivent battre en retraite vitesse grand V devant l’Argentin. Aucun nom ne s’est incrusté dans le langage courant comme celui-là. Nous avons beau avoir changé de millénaire, la plupart des bébés prononcent Fangio avant même de savoir marcher.

Le pilote qui roulait sans permis

Ironie de l'histoire, le génial Juan Manuel n’avait rien d’un automobiliste pressé. Fangio avait même pris tout son temps pour passer... son permis de conduire. Il l’a obtenu en 1961, à 50 balais, et n'a ensuite jamais donné à la police l’occasion de le lui retirer. Fangio avait passé l’âge de se prendre pour lui-même. 

Il faut cependant croire que son nom sonne terriblement bien. Il doit avoir quelque chose de magique pour traverser pareillement les époques, semble tout trouvé pour signifier le contraire de la lenteur. Seuls les escargots, les pandas, les paresseux, l’inspecteur Derrick et les cinéastes suisses romands sont d'ailleurs restés sourds à son magnétisme. 

Il n'existe pas de Fangiette 

Ce nom, cela dit, fleure l’inégalité crasse. Les Fangio qui affolent les radars sont toujours des hommes. Les femmes, au volant, ont des prudences de fonctionnaire fédéral. Tenez, je l’ai encore vérifié ce matin en devant rouler sur plusieurs kilomètres derrière une automobiliste un brin endormie. Elle, j’ai senti ça, elle n’aura jamais l’audace de jouer ne serait-ce que les Sébastien Buemi. 

Les femmes qui roulent pépère, notez, c’est très bien. Si elles changeaient de vitesse et frisaient le début d'un semblant d’excès, de temps à autre, le monde serait encore capable de les qualifier de Fangiette. Ou de Fanginette. Et pour ce qui est de la parité, rien à faire, cela en imposerait toujours moins que Fangio.

En parlant de route, ceci encore: cette chronique sportive est ma dernière. Ce n’est pas que je me range des voitures, ni que je quitte la maison et le métier, c’est simplement que d’autres domaines et d’autres circuits m’appellent. Bon, ben voilà, c'est dit. Là-dessus, chers lecteurs, merci et bon sourire à vous. 

Pis tiens, vive le sport aussi!

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