La Liberté

Caster Semenya déboutée par le TAS

L’athlète sud-africaine a vu ses requêtes contre les règles de la fédération internationale rejetées

Publié le 02.05.2019

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Athlétisme » Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a rejeté le recours de la Sud-Africaine Caster Semenya contre les règles de la Fédération internationale d’athlétisme obligeant les athlètes hyperandrogènes à faire baisser leur taux de testostérone. Mais il a demandé à l’IAAF d’amender son règlement.

Le TAS ne donne en effet pas un blanc-seing à la fédération internationale (IAAF). Le panel chargé du dossier exprime, «dans une sentence longue de 165 pages, de sérieuses préoccupations au sujet de la future application pratique de ce règlement», indique le communiqué transmis par le TAS.

«Le TAS n’a pas validé le règlement de l’IAAF, il a simplement rejeté les requêtes de Semenya», a indiqué Mathieu Reeb, secrétaire général de l’instance juridique de recours. «C’est à l’IAAF maintenant de travailler sur son règlement pour l’adapter en fonction des réserves posées par le TAS.» En l’état, le règlement de l’IAAF ne s’appliquera donc pas avant que la fédération ait corrigé ses aspects litigieux, pointés par le TAS.

Trois points litigieux

Trois points posent particulièrement problème aux experts: d’abord, la difficulté d’appliquer un principe de responsabilité objective en fixant un seuil de taux de testostérone à respecter, ensuite la difficulté de prouver un véritable avantage athlétique chez les athlètes hyperandrogènes sur les distances du 1500 m et du mile, enfin les éventuels effets secondaires du traitement hormonal.

S’il n’est pas une victoire pour l’IAAF, le jugement du TAS est une défaite pour Semenya. La double championne olympique du 800 m et les autres athlètes hyperandrogènes devront ainsi se soumettre à un règlement spécifique, même une fois modifié.

Si le TAS a estimé que le règlement sur les DDS (différences de développement sexuel) était bien «discriminatoire», il a en revanche jugé, sur la base des preuves soumises par les parties au cours de la procédure, qu’une «telle discrimination constituait un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné d’atteindre le but recherché par l’IAAF, à savoir de préserver l’intégrité de l’athlétisme féminin dans le cadre de certaines disciplines (du 400 m au mile)».

Caster Semenya, comme les médaillées de bronze et d’argent sur 800 m aux JO de Rio en 2016, Francine Niyonsaba (Burundi) et Margaret Wambui (Kenya), ont été reconnues hyperandrogènes, c’est-à-dire générant naturellement un taux de testostérone très élevé. ATS/AFP


COMMENTAIRE

Le bel autogoal du TAS

Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a manqué hier une belle occasion de défendre l’universalité du sport. Pire, en déboutant Caster Semenya, dont l’hyperandrogénie hante depuis dix ans les nuits des dirigeants de l’athlétisme mondial, l’institution basée à Lausanne a choisi de banaliser une discrimination évidente qu’elle reconnaît pourtant dans son rapport, de capituler face à l’une des tares de la société moderne qui souffre au quotidien de ces traitements inégaux aux formes les plus sournoises.

Pointée du doigt par les Nations Unies qui désapprouvent son nouveau règlement, la Fédération internationale (IAAF) va pouvoir imposer, dès la semaine prochaine et en toute tranquillité, un taux maximal de testostérone sur les courses féminines allant du 400 m au mile (1607 m). Si elles entendent continuer à s’aligner sur ces distances, Caster Semenya et les athlètes hyperandrogènes, pourtant en bonne santé, vont devoir se soumettre à un traitement médical afin d’abaisser artificiellement leur taux naturellement élevé.

«Un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné d’atteindre l’objectif de l’IAAF qui est de préserver l’intégrité des compétitions féminines», a argumenté le Tribunal arbitral, qui n’est visiblement pas une contradiction près. Au lieu d’envoyer un signal fort en défendant la dignité humaine inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme plutôt que l’intégrité d’une compétition aux inégalités sociales, économiques ou génétiques patentes, le TAS s’est fabriqué un bel autogoal.  François Rossier

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