La Liberté

Une fusée par encore sur orbite

Sportive suisse de l’année dimanche soir, Mujinga Kambundji espère être en pleine forme aux JO 2020

Gilles Mauron

Publié le 18.12.2019

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Carrière » Sacrée sportive suisse de l’année dimanche soir, Mujinga Kambundji ne va pas se reposer sur ses lauriers. «Je n’ai pas encore exploité tout mon potentiel», lâche la Bernoise dans un entretien accordé six jours avant les Sports Awards à Keystone-ATS, assurant vouloir poursuivre sa carrière jusqu’aux JO 2024.

Y a-t-il eu une forme de décompression après les mondiaux de Doha, dans lesquels vous avez conquis la médaille de bronze sur 200 m le 2 octobre?

Mujinga Kambundji: Non, pas vraiment. Même juste après la course, lorsque j’étais dans l’émotion, j’avais déjà envie de reprendre l’entraînement, de commencer à préparer la saison suivante. Je n’ai jamais fait de finale mondiale ou olympique sur 100 m. Et je peux courir plus vite sur 100 m (son record national, 10’’95, date de l’été 2018) comme sur 200 m (où elle s’est approprié cet été le record de Suisse, en 22’’26). A chaque fois que j’ai réussi quelque chose d’inattendu, que ce soit un chrono ou une médaille, je me suis toujours très vite demandé quel devait être mon prochain objectif. J’ai jusqu’ici toujours réussi à progresser, et je pense que je peux accomplir quelque chose de plus grand encore. Je n’ai pas encore exploité tout mon potentiel.

Peut-on encore progresser physiquement quand on a 27 ans?

Aux Etats-Unis, certains commencent à s’entraîner à fond à 17-18 ans, et ils sont déjà usés à 27-28 ans. Moi, je sens que j’ai encore plus de potentiel. Je n’ai pas l’impression d’être allée au bout de moi-même dans tous les domaines. A Mannheim (où elle s’est entraînée pendant quatre ans), j’avais par exemple tout fait en matière de force, mais en négligeant l’endurance. Ensuite, j’ai recommencé à travailler l’endurance, mais en laissant quelque peu le travail de force de côté.

On imagine que vous allez continuer à vous entraîner avec le même staff?

Oui. Avec Steve Fudge (qui dirige un groupe d’entraînement à Londres), Adrian Rothenbühler (qui a reçu le trophée d’entraîneur de l’année aux Sports Awards, ndlr) ainsi qu’avec mon équipe de management.

Vous entraînez-vous seule en ce moment?

Souvent, oui. Mais j’y suis habituée, même si c’est plus sympa d’avoir quelqu’un à ses côtés. Je veux de toute manière passer plus de temps chez moi. J’ai beaucoup voyagé depuis que je suis partie pour Mannheim (en 2013, ndlr). J’ai senti la fatigue s’accumuler, en raison aussi des changements d’entraîneurs et des incertitudes qu’ils ont engendrées. Ce n’est par ailleurs que la préparation d’avant-saison. Je dois juste courir, éteindre le cerveau et faire ce que j’ai à faire. On n’aborde pas encore trop les aspects techniques. Je peux donc faire ça chez moi, seule s’il le faut.

Ces nombreux changements d’entraîneurs vous ont-ils aidée au final?

Beaucoup. C’est bien sûr là que j’ai perdu beaucoup d’énergie. C’était stressant de ne pas savoir si ça allait marcher, de devoir changer à nouveau au bout de deux ou trois mois, de devoir m’expliquer là-dessus auprès des médias. Mais d’un autre côté j’ai beaucoup appris avec chaque coach. Que ce soit avec Valerij Bauer, Henk Kraaijenhof, Rana Reider ou Steve (ses entraîneurs successifs depuis 2013, ndlr). J’ai su retirer le meilleur de chaque méthode. Ces changements m’ont aussi appris à m’écouter davantage, à plus me faire confiance. Tout cela m’a rendue plus mature. Je comprends bien mieux pourquoi les choses fonctionnent ou pas.

Qu’est-ce que la saison 2019 vous a appris sur vous-même?

J’apprends quelque chose de chaque saison (elle réfléchit quelques secondes). J’ai appris à avoir confiance en moi. J’ai entamé la saison estivale plus tard que d’habitude, et sans réussir les chronos espérés. Ce n’était pas facile, car les attentes étaient grandes après mon exceptionnelle saison 2018. Surtout mes propres attentes. J’ai appris à ne pas subir la pression extérieure. J’ai su faire mon truc, garder mon calme sans aller courir dans tous les meetings, et rester concentrée sur les mondiaux.

Les JO de Tokyo constituent le grand rendez-vous de l’année 2020. Vos chances de médaille y seront vraisemblablement plus grandes sur 4 x 100 m. Pourriez-vous envisager de renoncer au 100 ou au 200 m à Tokyo afin de privilégier le relais?

Je prendrai à nouveau part aux trois disciplines aux Jeux (rires). C’est clair que c’est dur. Mais à Doha, j’ai disputé pour la première fois sept courses, et il y avait la même intensité en finale du 4 x 100 m que lors des séries du 100 m le premier jour.

Avez-vous d’ailleurs été étonnée par le chrono (42’’18) réalisé en finale du 4 x 100 m?

Oui, car nous avions toutes connu des moments difficiles durant la saison, et que nous n’avions jamais été en forme au même moment. Je m’attendais à un bon chrono, mais je ne pensais pas réussir un record de Suisse aussi tard dans la saison.

Avec Ajla Del Ponte, Salomé Kora et Sarah Atcho (le quatuor a été désigné équipe de l’année aux Sports Awards, ndlr), vous vivez quelque chose de spécial...

Tout le monde progresse sur un plan individuel, et cela nous motive encore plus. Il y a toujours une bonne énergie, une bonne ambiance. C’est un plaisir de courir ensemble, de montrer ce qu’on peut faire ensemble. Même après la finale à Doha, alors que nous étions si proches du podium (à 0’’08 de la troisième place, ndlr), c’est le plaisir qui prédominait. On sait qu’on est capable de réussir quelque chose même lorsque l’une d’entre nous est moins en forme.

Que peut-on vous souhaiter pour 2020?

En premier lieu, que je n’aie pas de blessure. Ensuite, que je sache prendre les bonnes décisions, car parfois on doit prendre des risques. Et, surtout, que je sois capable de donner le meilleur de moi-même lorsque cela comptera le plus, à Tokyo! ats

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