La Liberté

«Au début, on m’a pris pour un kamikaze»

Président de l’Antre SA, Albert Michel s’est énormément impliqué dans la construction de la patinoire. De l’élaboration du projet à sa réalisation, en passant par l’indispensable recherche de fonds, le banquier revient sur cette folle aventure.

"Je ressens la présence du Dragon" © Alain Wicht
"Je ressens la présence du Dragon" © Alain Wicht

François Rossier

Publié le 28.09.2020

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Sans Albert Michel, la nouvelle BCF Arena n’aurait jamais vu le jour. L’affirmation peut paraître péremptoire. Elle l’est. Des années durant, l’idée d’une nouvelle enceinte a hanté les esprits fribourgeois. Des projets ont émergé, des concepts ont été imaginés mais aucun n’a abouti. Il a fallu l’arrivée du Riazois pour faire bouger les choses dans la bonne direction. Appelé à la rescousse en 2015, Albert Michel (71 ans) s’est rapidement imposé comme l’homme de la situation, celui à même de concrétiser un projet vital pour l’avenir du club de Fribourg-Gottéron.

Avant le premier match officiel des Dragons, le président de l’Antre SA, la société immobilière en charge de la réalisation de la patinoire, a accepté de revenir sur une aventure passionnante au cours de laquelle il a «beaucoup appris».

Dix ans après les premières discussions et les premiers projets de nouvelle patinoire, le HC Fribourg-Gottéron s’apprête à disputer son premier match officiel dans la nouvelle enceinte. Quel est votre état d’esprit?
Je ressens de la satisfaction. Celle d’avoir pu réaliser, en équipe, la construction d’un projet d’envergure et de surcroît d’une complexité inhabituelle.

Mesurez-vous tout le chemin parcouru depuis le lancement du projet?
Pour l’instant, pas complètement. Quatre ans, c’est long et c’est court à la fois. Dans ce projet où les délais étaient limités, le temps a passé très vite.

© Keystone

Vous avez beaucoup œuvré à cette réalisation. Quels souvenirs précis gardez-vous des toutes premières discussions?
Au début, on m’a pris pour un «inconscient», un «kamikaze» et d’autres termes peu élogieux que je ne citerai pas. Et j’entendais toujours la même rengaine: impossible à réaliser sur le site de la patinoire et surtout pas par des privés. Dans un projet, la foi en ce que l’on fait est capitale. En l’occurrence, la foi ne consiste pas à caresser des idées chimériques, mais bien à garder les pieds sur terre. Un projet, aussi audacieux soit-il, est toujours réalisable si l’on s’en donne les moyens. Cela signifie notamment que la faisabilité doit être examinée sous toutes ses coutures. Pour oser se lancer, il faut certes mettre de l’audace, de la persévérance, de la persuasion mais peut-être aussi un brin de folie.

En quoi la création d’une task force qui réunissait Messieurs Gaston Baudet, Pierre-Olivier Chave, Claude Gremion et vous-même a-t-elle été décisive dans le lancement du projet?
Pour mener à terme un projet, il faut savoir s’entourer à tous les échelons de partenaires aux compétences reconnues. C’est ainsi que cette démarche a été couronnée de succès.

Qu’est-ce qui vous a décidé à choisir le bureau d’architecture BFIK à Fribourg pour les plans de la rénovation?
Non seulement ce bureau possède de très bonnes références mais encore parce qu’il nous a soumis l’idée judicieuse des escaliers hélicoïdaux, qui a permis la réalisation de cette construction.

La rapidité avec laquelle les différentes autorisations ont été obtenues a permis de lancer le chantier sur de bonnes bases. Le respect des délais figurait parmi vos priorités. Pourquoi y avez-vous attaché une telle importance?
Le respect des délais était l’un des facteurs clés. Nous nous sommes engagés à livrer la patinoire pour le 31 août 2020 et nous y sommes parvenus, ce qui était un réel défi. Le contrôle des délais s’effectuant pratiquement tous les jours, les mesures qui s’imposaient ont été prises aux moments opportuns.

Le gros défi a aussi été de permettre à Gottéron de jouer normalement son championnat malgré le chantier. Cela vous a contraint à vous adapter et à concentrer les travaux sur la période estivale. Comment avez-vous géré tout cela?
Une très bonne organisation, une coordination et une planification rigoureuses ont été nécessaires. BFIK et Implenia, qui a mené la construction du projet en entreprise totale, ont effectué un travail remarquable à ce niveau-là.

En créant la société immobilière l’Antre SA, dont vous êtes le président, pour gérer la rénovation de la BCF Arena, vous vous êtes retrouvé en première ligne. Cette exposition peut être plaisante, mais elle comporte aussi sa part de risques. Comment avez-vous vécu ces quatre dernières années dans ce rôle?
C’est en effet une très lourde responsabilité, mais on n’est jamais seul. Suivre l’évolution d’un projet est une chose, régler les problèmes, être capable de prendre des risques, se remettre en permanence en question, repousser ses propres limites et chercher des solutions innovantes en sont une autre. Oui, dans ce rôle-là, on est une cible mais il s’agit d’être capable de l’assumer avec sérénité. C’est ainsi et je l’ai très bien vécu.

«Je me réjouis de voir ce «chaudron» magique en ébullition»
Albert Michel

Quel temps vous a pris cette réalisation?
En moyenne, je dirais 40% de mon temps selon les périodes.

Cela vous a permis de suivre de près l’évolution des travaux. Et d’apprendre beaucoup, avez-vous souvent répété. Concrètement, qu’avez-vous appris de cette nouvelle expérience dans l’immobilier?
J’ai beaucoup appris sur les outils, la technologie ainsi que sur les techniques de construction. L’assemblage par exemple de la charpente «mikado» sur le site et sa mise en tension ont été des moments mémorables.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours de ces quatre dernières années?
Le sourire et l’enthousiasme des joueurs, des fans, des spectateurs et des visiteurs. Toutes les personnes impliquées se sont identifiées à ce projet rassembleur et ont déployé une formidable énergie. L’intérêt de nombreuses entreprises et associations de toute la Suisse pour cet objet particulier est à relever. Les visites ont été nombreuses.

© Keystone

Quelle a été la partie la plus pénible de votre travail?
S’assurer que les normes de sécurité sont en permanence appliquées. Jouer et maintenir la patinoire ouverte de 6h30 à 23h pendant la construction était un gros risque, mais un risque calculé.

Et a contrario, les meilleurs moments?
Lors des visites, les entretiens avec les collaborateurs des entreprises m’ont permis d’échanger, de découvrir leur engagement et leur motivation: je n’ai jamais ressenti de routine chez eux, sans doute car ils construisaient un bâtiment inhabituel.

De par votre position de président de l’Antre SA et celle de président du conseil d’administration de la BCF, l’un des principaux actionnaires de Fribourg-Gottéron, vous avez occupé une position centrale. Comment définiriez-vous la nature de vos relations avec le club?
Je tiens une nouvelle fois à préciser que dans cette construction, je me suis engagé à titre privé. Mes relations avec le HCFG sont très bonnes. Je ne m’occupe pas de la gestion du club mais uniquement de la construction.

Dans quelle mesure avez-vous pu tenir compte de tous les désirs du club? S’est-il montré exigeant?
Il nous tenait à cœur de respecter le cahier des charges qui était en effet très exigeant mais primordial.

A quel montant se chiffrera la location? Que représente-t-elle concrètement?
Le montant est fixé à 1,8 million de francs par an. L’Antre s’est engagé à fixer une location la plus basse possible; sur un tel objet, on devrait calculer un taux de rendement de 6%. Cette location permettra de régler les charges de L’Antre, notamment la contribution immobilière, l’ECAB, les autres assurances, les amortissements, les frais d’entretien, la dotation aux fonds de rénovation, etc.

«Cette patinoire est un atout supplémentaire pour l’image du canton et de la ville de Fribourg»
Albert Michel

Gottéron peut se targuer aujourd’hui d’avoir la patinoire la plus moderne de Suisse. En quoi ce nouvel outil va-t-il aider le club?
Avant tout, cette patinoire est un atout supplémentaire pour l’image du canton et de la ville de Fribourg. Pour le HCFG, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Le potentiel des recettes est sensiblement plus élevé. Les attentes sont grandes. Le club a entre ses mains un vrai outil de travail.

Si la rénovation était indispensable, elle ne suffira toutefois pas à gommer les différences avec les cadors du championnat de Suisse. Selon vous, Gottéron peut-il sérieusement songer à rivaliser avec les meilleurs?
Tout dépendra de l’ambition et de l’organisation du club. Mais on le sait, dans le sport professionnel, tout n’est pas qu’une question de budget, il reste une part de magie et toute une alchimie à trouver pour connaître le succès. Je suis convaincu que le club a les dispositions pour réussir.

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Au début du chantier, vous aviez dit que vous vouliez montrer que Fribourg était aussi capable de réaliser un tel projet. En doutiez-vous?
A Fribourg, on est toujours «timide» lorsqu’il s’agit de réaliser un projet particulier et d’envergure. Cependant, je suis certain que l’on n’est pas plus con (sic) que les autres, bien au contraire, et que nous possédons les moyens pour réussir.

Pour ce chantier, vous souhaitiez privilégier le marché local. Aujourd’hui, on peut dire que cette patinoire est «presque» à 100% fribourgeoise. Comment les entreprises régionales ont-elles accueilli ce chantier?
92% des travaux ont été adjugés à des entreprises fribourgeoises, ce qui nous a d’ailleurs coûté environ 3 millions de francs de plus. Dans l’ensemble, les entreprises ont bien accueilli ce chantier et sont fières d’y avoir travaillé.

Vous avez visité le chantier à de multiples reprises en long, en large et en travers. Qu’est-ce que cela vous procure de voir sa concrétisation?
Un soulagement. Une immense satisfaction. Je me réjouis de voir ce «chaudron» magique en ébullition.

© Alain Wicht

Que voyez-vous et que ressentez-vous en l’observant depuis l’extérieur?
La présence du Dragon.

Et depuis l’intérieur?
De l’émotion, de la joie.

Comment imaginez-vous cette patinoire dans 10 ou 20 ans?
Elle ne devrait pas avoir beaucoup changé. L’Antre veillera à ce que l’entretien soit optimal.

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