La Liberté

Roura n’est plus «un petit merdeux»

A 27 ans, le Genevois reste le benjamin du Vendée Globe, mais il n’a plus grand-chose à prouver

Alan Roura: «Je serai confiné en mer, et moi j’adore être seul sur mon bateau.» Keystone-archives
Alan Roura: «Je serai confiné en mer, et moi j’adore être seul sur mon bateau.» Keystone-archives

Valentin Schnorhk

Publié le 06.11.2020

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Voile » Un déconfinement avant l’heure. Veinard, Alan Roura (27 ans) pourra sortir de chez lui dès dimanche, date à laquelle il partira des Sables-d’Olonne pour son deuxième Vendée Globe, le tour du monde à la voile. Il n’a pas attendu Emmanuel Macron. Etabli à l’année à Lorient, en Bretagne, Alan Roura est déjà confiné depuis une grosse semaine. Quand le président français a prononcé le reconfinement mercredi dernier, le Genevois s’était déjà mis au parfum. Il se l’était imposé: «Je ne voulais prendre aucun risque: si je suis positif avant le départ, je n’ai pas le droit de partir.» Rester à quai alors qu’un tour de monde d’environ trois mois l’attend serait malvenu.

Alors Roura prend son mal en patience. Un point météo chaque matin, histoire de jauger ce que lui réserveront les premiers jours de course. Et encore un peu de temps en famille. Une préparation particulière: «Je ne suis pas vraiment dans ma bulle, décrit-il à Keystone-ATS. Je suis à la maison, à moitié sous la couette, hyper tranquille. Je ne me pose pas trop de questions, afin de ne pas me stresser pour rien. Pour la première fois, tout le monde partira à tête reposée.» Le marin est arrivé mercredi aux Sables-d’Olonne, d’où sera lancée dimanche cette course autour du globe. L’effervescence habituelle, avec la parade dans le chenal de la cité vendéenne devant des dizaines de milliers de personnes, y laissera place à un calme déroutant, à huis clos. Roura l’accepte: la découverte, c’était il y a quatre ans. Cette année, il veut performer.

Un bateau fiable

La Fabrique – son Imoca de 60 pieds (18 m) de long – a été entièrement rénovée pour cela. «Je pars avec l’un des bateaux les plus fiables de la flotte, assure le seul Suisse en lice. Je n’ai jamais rien cassé dessus, alors que j’ai fait pas mal d’erreurs. Je suis serein: hormis une collision ou une grosse faute, il ne devrait pas y avoir de réels problèmes.» C’est une source de confiance: l’embarcation est prête, amarrée aux Sables-d’Olonnes depuis plusieurs jours et doit pouvoir répondre aux exigences d’une course aussi incertaine et imprévisible que le Vendée Globe. «C’est un bateau abouti, promet Roura. On n’est même plus dans le détail, tout n’est quepeaufinage. En termes de performances, il peut affronter toutes les mers.»

L’objectif des 80 jours

On est loin d’il y a quatre ans. C’était sa première, avec un bateau bien plus ancien et une préparation autrement plus laborieuse jusqu’au jour du départ. Il avait terminé au 12e rang, en 105 jours de course. Une authentique performance, pour celui qui n’avait que 23 ans. Alan Roura en a désormais 27, mais il demeure le benjamin de l’épreuve. Sauf que cette fois, on le connaît. «J’ai prouvé que je n’étais pas un petit «merdeux», lance-t-il sans vouloir parler d’âge. Je peux faire de beaux résultats, je suis dans le match. On ne sait pas vraiment où me placer. Je suis un peu un outsider, mais sans véritable pression. Cela me convient. Il y a quatre ans, on ne me regardait même pas.» Aujourd’hui, on sait à qui on a affaire.

Alan Roura ne remportera sûrement pas ce Vendée Globe. Il n’a pas le bateau pour. Cette course doit lui donner du crédit pour lancer un autre projet ensuite, pour une fois vraiment jouer la gagne. C’est aussi pour cela que, réaliste, il vise les 80 jours pour revenir au point de départ. Sans objectif de place: «Il y a tellement d’incertitudes, la chance joue un rôle. Pour faire ces 80 jours, il me faut de l’air, du gros temps, pas trop de casse.» Et des points clés à bien gérer, comme le «Pot-au-noir», la zone de convergence intertropicale et ses vents contraires, ainsi que des choix de stratégie sur lesquels ne pas se tromper.

Tout en tenant le coup mentalement, en s’accrochant à son ambition. «Dans la tête, le passage de la Tasmanie joue un rôle important, cite Roura. C’est la moitié du parcours, alors si on la passe en 35 ou en 55 jours, ce n’est pas pareil. Je serai confiné en mer, et moi j’adore être seul sur mon bateau. Mais j’espère pouvoir sortir librement à l’arrivée.» Souhait partagé. ats


départ différent, défi identique

Le Vendée Globe partira des Sables-d’Olonne pour sa neuvième édition dimanche à 13 h 02, comme à son habitude. Sauf que cette fois, tout se fera à huis clos et avec des pronostics difficiles à faire. Ce seront trente-trois embarcations, dont six pilotées par des femmes, qui se lanceront à l’assaut du globe en solitaire, sans escale et sans assistance. En théorie du moins, puisque tous les participants doivent se soumettre à un test négatif au Covid-19 pour se lancer à travers les océans. Les mers du sud sont suffisamment demandeuses pour ne pas y ajouter une infection. Par la force des choses, ce Vendée Globe est un peu différent des autres: pas de spectateurs au départ, là où on en compte environ 350 000 en temps normal, et donc pas de parade dans le chenal des Sables-d’Olonne. Pour le reste, en revanche, tout est similaire. La planète n’a pas changé: de Vendée, il s’agira de foncer vers le cap de Bonne-Espérance, en évitant ou en résistant aux multiples difficultés qui se présenteront (l’anticyclone des Açores, le «Pot-au-noir», l’anticyclone de Sainte-Hélène). Puis de traverser le Pacifique Sud jusqu’au cap Horn et de remonter vers le point de départ. ats

Articles les plus lus
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11