La Liberté

Un choix qui fait des déçus

L’Agence mondiale antidopage a décidé de lever les sanctions contre la Russie

Publié le 21.09.2018

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Dopage » L’Agence mondiale antidopage (AMA) a décidé de lever les sanctions prises contre la Russie et son système de dopage institutionnel ayant eu cours entre 2011 et 2015. Cette décision a été prise en dépit de nombreuses critiques l’accusant de complaisance envers Moscou. L’enjeu de la levée des sanctions est crucial. Au-delà de l’image de la Russie dans le sport, elle peut entraîner dans les prochains mois d’autres décisions, en premier lieu au sein de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), qui l’a bannie depuis novembre 2015.

Moscou a immédiatement salué l’annonce, fruit d’un «énorme travail» réalisé ces dernières années dans la lutte contre le dopage. L’avocat de l’ancien directeur de laboratoire ayant révélé le système de dopage russe, Grigory Rodchenkov, a lui qualifié la décision de «plus grande trahison de l’histoire olympique contre les athlètes honnêtes».

Choc dévastateur

La présidente du comité des sportifs de l’AMA, la skieuse de fond canadienne Beckie Scott, s’est dite «profondément déçue». La décision de lever la suspension de la Rusada «est un coup extrêment dur porté à la crédibilité de l’organisation (AMA)», a-t-elle déploré, interrogée par la chaîne canadienne CBC. L’Agence américaine antidopage (USADA) évoque elle «un choc dévastateur pour les athlètes propres du monde entier». Elle qualifie la décision de «déroutante et inexplicable».

Réuni aux Seychelles, le comité exécutif de l’AMA a décidé lors d’une réunion à huis clos de «rétablir la Rusada comme conforme au Code (mondial antidopage, ndlr), et ce seulement sous strictes conditions», a déclaré le président de l’AMA, Craig Reedie, cité sur le compte Twitter officiel de l’institution. Le comité exécutif a décidé d’une date butoir – non précisée – jusqu’à laquelle la Rusada devra donner accès à l’AMA à ses échantillons et ses données provenant de son laboratoire de Moscou. Si cette date n’était pas respectée, le comité exécutif a pris un «engagement clair» de suspendre à nouveau l’agence russe, selon la même source.

Déluge de critiques

Mais l’AMA avait indiqué la semaine dernière avoir reçu une recommandation interne pour lever la suspension de la Rusada, décidée en novembre 2015 au début du scandale ayant révélé l’existence d’un système institutionnel de dopage entre 2011 et 2015 en Russie. Une annonce qui avait valu à l’AMA, accusée de sacrifier l’intégrité du sport sur l’autel de la realpolitik, un déluge de critiques sur son indulgence supposée. «Tour de passe-passe» selon le patron de l’agence antidopage américaine (USADA) Travis Tygart, «exigences à deux vitesses» aux yeux de son homologue française (AFLD) Dominique Laurent.

Frappée par les sanctions en novembre 2015, la Rusada a déjà repris ses contrôles depuis 2017, sous tutelle internationale. Mais il restait deux conditions fixées par l’AMA pour un retour à la normale: d’une part, que les autorités russes acceptent publiquement les conclusions du rapport McLaren sur l’existence d’un système institutionnel de dopage; d’autre part, que le Gouvernement russe donne accès à l’AMA au laboratoire antidopage de Moscou, au cœur de la triche pendant des années.

La Russie a d’abord farouchement nié tout problème, avant d’avancer pas à pas vers un compromis, dans des courriers à l’AMA où chaque ligne est scrutée pour deviner une confession. Ainsi, dans une lettre datée de la mi-mai, le ministre des Sports Pavel Kolobkov reconnaît que des «manipulations inacceptables du système antidopage» ont existé. Mais quelques jours plus tard, il lâche dans une interview: «Nous sommes en désaccord avec le rapport McLaren.» ats

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