La Liberté

Un retour limité et déjà controversé

Le CIO a recommandé la réintégration des sportifs russes et bélarusses aux compétitions internationales

Publié le 29.03.2023

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Sports » Un retour limité, réversible et déjà controversé: le Comité international olympique a recommandé hier la réintégration des sportifs russes et bélarusses aux compétitions internationales, et décidera «au moment approprié» de leur participation aux JO 2024 de Paris. Les sportifs concernés ne pourront «concourir qu’en tant qu’athlètes individuels neutres», pour peu qu’ils ne «soutiennent pas activement la guerre en Ukraine» et ne soient pas «sous contrat» avec l’armée ou les agences de sécurité des deux pays, a annoncé à la presse Thomas Bach, le patron du CIO.

Surtout, l’organisation olympique ne recommande leur retour «qu’à la condition qu’elle puisse être révoquée à la discrétion de la fédération internationale concernée», et s’est bien gardée de trancher le sujet le plus explosif, soit leur participation aux prochains Jeux olympiques.

«Gifle aux Ukrainiens»

Alors que l’Ukraine, la Pologne et les pays baltes menacent déjà de boycotter les JO 2024 en cas de présence russe et bélarusse, le CIO se prononcera sur cette question «au moment approprié, à son entière discrétion, et sans être lié par les résultats de compétitions qualificatives», a annoncé le dirigeant allemand, se laissant ainsi une complète latitude.

Mais d’ores et déjà, la ministre allemande des Sports a estimé que le retour des bannis était «une gifle aux sportifs ukrainiens». «Le sport international doit condamner en toute clarté la guerre d’agression brutale menée par la Russie. Cela ne peut se faire qu’en excluant complètement les athlètes russes et bélarusses», juge dans un communiqué Nancy Faeser. Pressé de clarifier sa position sur ce sujet diplomatiquement explosif, le CIO avait annoncé en décembre dernier «explorer des moyens» de ramener les Russes et Bélarusses dans le giron du sport mondial, après avoir recommandé leur exclusion fin février 2022 en raison de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, avec le soutien du Bélarus voisin.

Après quatre mois de consultations avec l’ensemble du monde olympique, l’instance de Lausanne a choisi de laisser aux fédérations internationales et organisateurs de compétitions la responsabilité première d’inviter ou pas les sportifs des deux pays, se contentant de «recommandations» pour «harmoniser leur approche».

L’exécutif du CIO suggère ainsi de maintenir l’exclusion de toutes les équipes russes et bélarusses et de limiter le retour en compétition aux sportifs «détenteurs d’un passeport russe ou bélarusse» s’ils concourent à titre «individuel» et sous bannière neutre, respectent les réglementations antidopage et ne soutiennent «pas activement» la guerre en Ukraine, un critère qui s’annonce délicat à apprécier. ats


COMMENTAIRE

Fermer les yeux, c’est cautionner

Le CIO a décidé… de ne pas trop se mouiller. Mais il a entrouvert la porte. Et c’est déjà trop! Les sportifs russes vont pouvoir renouer avec les compétitions internationales. «En tant qu’athlètes individuels neutres», a précisé l’organe faîtier du sport mondial, pour se donner bonne conscience. Il ne faut pas beaucoup de conscience pour ne pas voir que peu importe le drapeau ou l’hymne, un vainqueur avec un passeport russe sera considéré comme Russe par tout le monde. A commencer par Vladimir Poutine qui a fait du sport un redoutable «soft power» et qui ne manquera pas de glorifier la grandeur de la Russie à chaque occasion.

Ecartée du sport mondial depuis qu’elle a attaqué l’Ukraine en février 2022, la Russie n’a cessé, depuis, de dénoncer cette sanction. Soutenue par les pays africains et par l’Asie notamment, elle a fini par faire flancher les dirigeants olympiques. En se drapant de son idéal olympique, le CIO a peu à peu adouci son discours. Pour justifier cette volte-face déroutante – puisque sur le front, la situation n’a guère évolué depuis un an –, il a mis en avant «le refus de toute ingérence politique dans le sport» et «la non-discrimination de tout athlète». Deux arguments risibles puisque le sport est éminemment politique et que la Russie, fâchée de la décision prise hier, soutient justement qu’il s’agit de discrimination…

En tolérant à nouveau les athlètes russes dans la famille olympique, le CIO choisit de faire comme si de rien n’était. Comme si la Russie n’avait jamais attaqué l’Ukraine. Comme si la Russie ne continuait pas de détruire et de tuer. Or fermer les yeux, c’est cautionner.

Tant mieux pour les athlètes russes, otages de la politique de leur gouvernement et privés de compétition depuis plus d’un an, tant mieux aussi pour l’équité sportive de certaines compétitions biaisées par l’absence des Russes, mais la guerre doit être combattue partout et par tous. Quel sera le statut du sport russe dans 16 mois à l’ouverture des Jeux olympiques? Nul ne le sait mais aujourd’hui, la porte est entrouverte… François Rossier

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