La Liberté

Valente, la voile au nom de la vie

Greffé d’un rein en 2008, le Genevois de 57 ans vit l’aventure à fond sur l’épreuve de la Route du Rhum

Valentin Schnorhk, Saint-Malo

Publié le 07.11.2018

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Voile » Bien loin d’Alan Roura, un autre Suisse dispute la Route du Rhum. Greffé d’un rein en 2008, Jacques Valente vit l’aventure à fond. Jacques Valente a 57 ans. C’est du moins ce que prétendent ses papiers. Alors il corrige: «Je fête mes dix ans.» Le navigateur genevois n’a rien de Peter Pan, il se laisse volontiers grandir et se voit plein de rêves pour sa vie d’adulte. Mais voilà, il affirme être né en 2008, lorsqu’on lui a greffé un rein.

L’histoire de ce Genevois est saisissante. Le retrouver sur la Route du Rhum sur Destination Evian, son monocoque de la catégorie des Class 40 (12,19 mètres de long), n’a rien d’une formalité. Question financière d’abord, avec un budget bouclé quelques jours seulement avant la course. Mais surtout, le marin est intimement lié à l’Atlantique.

Articulations gonflées

Bien sûr, on ne tombe pas sur un voilier en étant emporté par le vent, aussi fort soit-il. Jacques Valente a écumé le Léman dès son enfance, jusqu’à se lancer au large à la quarantaine. Une première Mini Transat en 2003, et puis la deuxième en 2007. C’est là que tout bascule. «Peu après le départ, je sentais que quelque chose n’allait pas, raconte Valente. J’avais les articulations qui gonflaient. Lors de l’escale à Madère, j’ai fait une prise de sang qui a révélé que mon système rénal ne fonctionnait plus.»

Rapatrié d’urgence en Suisse, l’homme est cloué au lit. On le place sur la liste des patients en attente d’un rein. Et puis, le Saint-Esprit. Dans le cas de Jacques Valente, il a un nom: il s’appelle Laurence. Une pote d’enfance, avec qui il a vogué sur les eaux lémaniques. «Un jour, elle m’a appelé en me disant qu’elle ne supportait pas l’idée de me voir comme ça. C’est un geste extraordinaire, s’émeut-il. On a fait les examens et il s’est avéré qu’on était compatibles. Et j’ai été greffé le 22 avril 2008.»

La relation fraternelle entre les deux a pris une autre dimension. «C’est mon binôme», dit Jacques. Laurence confirme: «Entre nous deux, c’est une histoire d’amitié qui va au-delà de tout. On ne la vit qu’une fois dans sa vie», sourit l’infirmière, liée à jamais à l’histoire de Jacques. Ce dernier ne lui a d’ailleurs pas laissé le choix de venir à Saint-Malo pour assister au baptême de son bateau et au départ de la Route du Rhum. «C’est une chance de partager tout cela avec quelqu’un qui continue à faire vivre cette histoire», dit-elle.

Il y a quatre ans, Jacques Valente n’avait pas le budget nécessaire pour participer à l’épreuve. Mais il s’était mis en tête de faire quand même la traversée. A l’arrivée en Guadeloupe, au milieu de ses proches, Laurence est bien sûr là pour l’accueillir sur le ponton d’honneur. Son histoire avait touché jusqu’aux Antilles. Il s’était alors promis de revenir en 2018. «J’ai découvert plus tard que Pointe-à-Pitre était particulièrement active en ce qui concerne la transplantation», souligne le navigateur. Car le matelot aime profiter de ses aventures pour faire passer des messages. Déjà lors de sa première Mini Transat, il avait plaidé la cause d’Action Innocence: «Lorsque j’étais arrivé à Bahia, il y avait sur mon bateau un grand sticker qui disait: «Un enfant n’est pas un objet sexuel» C’était fort.»

Promouvoir sa cause

Valente insiste: il navigue pour des causes. Cela tient peut-être à son début de carrière professionnelle en tant que délégué du CICR. Mais aujourd’hui, les accidents de la vie l’ont amené à parler d’autre chose. «Je ne veux pas faire du prosélytisme, débite-t-il. Mais la Suisse a beau être l’un des pays les plus riches au monde, elle reste à la traîne en ce qui concerne le don d’organes. Si les gens pouvaient se positionner avant de mourir par exemple, on gagnerait du temps et on sauverait des vies. Le choix doit rester libre, mais il faut en parler avant.»

Terminer la Route du Rhum est une façon pour lui de promouvoir sa cause. C’est bien l’essentiel d’ailleurs. Hier, à la mi-journée, il pointait à la 37e place (sur 53). Qu’importe. «Arriver de l’autre côté est l’objectif premier. Alors j’irai peut-être à 80 ou 90% de façon à être sûr d’arriver au bout.» Une manière de profiter de ces «moments privilégiés». Il s’en voit d’autres ensuite, comme le Vendée Globe. Il a le temps. A 10 ans, on a tout l’avenir devant soi. ats


 

Armel Le Cléac’h a chaviré

Banque Populaire, le bateau sur lequel vogue Armel Le Cléac’h, a chaviré sur la Route du Rhum au large des Açores hier. Le skipper est sain et sauf. Vainqueur du dernier Vendée Globe et candidat à la victoire sur le «Rhum», le Français était soumis à des conditions très difficiles, avec un vent de 30-35 nœuds (plus de 60 km/h) et des vagues de 5 mètres, a communiqué l’organisation. Il semble que son maxi-trimaran ait chaviré suite à la rupture de son flotteur bâbord. Le Cléac’h a alors déclenché sa balise de détresse. Il est en sécurité à l’intérieur de son bateau. ats

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