La Liberté

Xamax a réussi l’impossible

Balayés 0-4 par Aarau jeudi, les Neuchâtelois se sont maintenus en Super League après les pénaltys

Publié le 26.12.2019

Temps de lecture estimé : 8 minutes

Mon souvenir de 2019
Chaque journaliste de «La Liberté» a sélectionné pour vous un article qui l’a touché(e) cette année.


Patrick Biolley
Rubrique Sports

«Franchement, nous avions hésité à faire le déplacement du Brügglifeld en ce dimanche caniculaire du mois de juin. Neuchâtel Xamax venait de se faire fesser par Aarau 4-0 chez lui, à la Maladière, et n’avait pas beaucoup d’espoir de pouvoir se maintenir en Super League dans ce barrage de promotion-relégation. Mais voilà, mon chef m’a dit «vas-y quand même», alors j’ai pris le train direction Aarau. Qu’est-ce que j’ai bien fait! Un penalty de Serey Dié, Oss et Ademi sur corner et l’incontournable Tréand ont permis aux Neuchâtelois d’infliger le même camouflet qu’ils avaient reçu chez eux trois jours plus tôt et se sont finalement sauvés en Super League aux penalties. Ce n’est pas le meilleur match de football que j’ai vu de ma carrière, ni forcément le plus fort en émotions, mais il y avait quelque chose de spécial dans l’air argovien ce jour-là. De la revanche dans la bouche de Stéphane Henchoz, qui n’avait pas été reconduit à la tête de l’équipe malgré ses bons résultats, de la ferveur dans les yeux des joueurs Neuchâtelois et de l’émotion dans les trémolos du président Christian Binggeli. Ce 3 juin a été le moment le plus fort de mon année 2019, et aussi celui du football Suisse à n’en pas douter


» Cet article a été publié initialement le 3 juin 2019

Football » Pietro Di Nardo qui tombe raide sur la pelouse du Brügglifeld, Stefan Maierhofer terrassé par les crampes dès la 35e minute ou encore Charles Pickel passé pas loin de vomir avant la séance de tirs au but. La chaleur, la tension et surtout le combat ont transformé, hier, la pelouse argovienne en champ de bataille. Un lieu où les faibles n’avaient pas leur place. De cette âpre bataille, Neuchâtel est ressorti victorieux. Non seulement par le score, mais également par l’issue: Xamax jouera encore en Super League la saison prochain. Ceci malgré le camouflet 0-4 subi au match aller, jeudi, à la Maladière. Les hommes de Stéphane Henchoz ont fait subir la même déroute à Aarau (0-4). Serey Dié a frappé le premier sur pénalty, puis deux corners bottés par Geoffrey Tréand ont permis à Oss et Ademi de faire naître l’espoir. C’est ce même Tréand qui a offert les prolongations à ses coéquipiers et à la, faible, délégation de supporters neuchâtelois qui avait fait le déplacement du Brügglifeld.

«J’ai dit vendredi aux gars que je voulais des hommes prêts à se battre, pas à baisser leur pantalon face à l’adversaire, relate Stéphane Henchoz. Les deuxièmes n’étaient pas obligés de se présenter samedi matin. Il fallait être prêt à mourir les armes à la main. Tous ont répondu présent.»

La valse des mensonges

Après un gros raté de Schneuwly à la 90e minute et un poteau de Frontino (91e), Aarau, largement meilleur en prolongation, a été contraint par Xamax à jouer à la loterie des pénaltys. Laurent Walthert a arrêté le premier essai de Zverotic, puis Geoffroy Serey Die a libéré les siens en transformant le cinquième pénalty neuchâtelois.

«Je vais te montrer, dit Pietro Di Nardo en essayant de déverrouiller son téléphone humidifié par les jets de bière. J’ai écrit à tout le monde pour dire qu’on devait y croire. Il fallait remporter la guerre, et nous l’avons fait!» Son entraîneur avait les larmes aux yeux au moment de l’interview. «Je n’y suis pour rien moi… L’exploit revient aux joueurs, ils ont laissé leurs tripes sur le terrain, souffle le coach fribourgeois. C’est doublement mérité après les mensonges et les non-dits qui ont marqué ces dernières semaines.»

Le mot est lâché: mensonge. Car si Neuchâtel est sauvé, il reste un travail important à effectuer en coulisses pour rétablir la confiance entre le sommet et la base. Entre mauvaise communication quant aux prolongations de contrat et cachotteries internes, Xamax entre dans une période presque plus difficile à gérer que l’a été la bataille rangée face à Aarau.

Mieux que Liverpool

«Les gens ont été tellement méchants ces derniers jours, dit le président Christian Binggeli. C’est plus beau qu’une ascension! Mais je sais très bien que, la saison prochaine, nous allons la roter la même chose.» Ce prochain exercice se fera certainement avec Raphaël Nuzzolo, meilleur buteur de l’équipe cette saison, mais sans Stéphane Henchoz. «Ça me fait mal de quitter ces joueurs, mais mon travail ici est fait, assure le Fribourgeois. Ce soir (hier, ndlr), nous allons boire des verres tous ensemble et demain j’irai rendre mes affaires et mes clés avant qu’on ne me les facture.» Ambiance.

C’est que le futur du Fribourgeois est acté depuis la fin du mois de mars et l’annonce de son éviction au terme de la saison, remplacé par Joël Magnin. Stéphane Henchoz, lui, ira à Sion à la reprise. «C’est une nouvelle aventure qui commence», assure celui qui a vu «son» Liverpool, club où il a passé six ans de sa vie, remporter la Ligue des champions la veille. «Ce soir (hier, ndlr), c’est encore mieux qu’hier (samedi)», éclate de rire l’entraîneur avant de retrouver, une dernière fois, ses joueurs.

Aarau - Neuchâtel Xamax 0-4 aP, 4-5 tab

Brügglifeld: 7526 spectateurs. Arbitre: Jaccottet. Buts: 20e Serey Dié (penalty) 0-1. 29e Oss 0-2. 39e Ademi 0-3. 72e Tréand 0-4. Tirs au but: Zverotic (Walthert arrête), Veloso 0-1; Jäckle 1-1, Tréand 1-2; Bürgy 2-2, Corbaz 2-3; Misic 3-3, Ademi 3-4; Karanovic 4-4, Serey Dié 4-5.

Aarau: Nikolic; Giger, Leo, Bürgy, Obexer; Jäckle, Zverotic; Tasar, Peyretti (72e Misic), Schneuwly (92e Karanovic); Maierhofer (84e Frontino).

NE Xamax: Walthert; Sejmenovic, Oss, Djuric (46e Veloso); Pickel, Serey Dié, Di Nardo, Tréand; Doudin (92e Corbaz); Karlen (62e Ramizi, 79e Pululu), Ademi.

Notes: Aarau sans Neumayr et Peralta (blessés). NE Xamax sans Nuzzolo (suspendu) et Gomes (blessé). Avertissements: 3e Doudin. 9e Ademi. 9e Frontino. 12e Leo. 19e Zverotic. 36e Tasar. 45e Pickel. 55e Karlen. 65e Bürgy. 73e Di Nardo. 80e Giger.


Coup par coup

Coup de cochon

D’un côté de la pelouse, les Neuchâtelois fêtent leur maintien avec les supporters, de l’autre, les joueurs d’Aarau finissent leur tour de stade pour saluer leurs supporters. Parmi eux, le Fribourgeois Marco Schneuwly qui a manqué l’immanquable face à Walthert à la 90e minute. Le but vide, à bout portant, le Singinois a frappé au-dessus. Avec son fils à ses côtés, son analyse est rapide: «C’est une défaite tout ce qu’il y a de plus amère.» Et d’étayer: «Je ne sais pas ce qu’il s’est passé… Nous avons mal fait, c’est tout.» Lui qui disait dans la presse dominicale espérer pouvoir rattraper Marco Streller en tête des meilleurs buteurs de Super League, il devra, à 34 ans, attendre une année de plus (au moins) pour combler l’écart de huit buts (103 contre 111) qui le sépare du Bâlois.

Coup de cœur

Geoffrey Tréand (1 but, 2 assists), Geoffroy Serey Dié ou le gardien Laurent Walthert resteront dans les mémoires, mais l’homme du match a certainement été Kemal Ademi. Modèle d’abnégation, le joueur formé à Saint-Gall, même diminué par les crampes, n’a rien lâché, allant même jusqu’à tenter de battre seul toute la défense argovienne à la… 118e minute. La performance de la tour de contrôle de l’attaque xamaxienne a été inversement proportionnelle à sa prestation de jeudi dernier. Il a, cette fois, remporté son mano a mano à distance avec son homologue argovien: Stefan Maierhofer, passé totalement au travers de son match. PB

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