La Liberté

Des coups de lame et beaucoup de tendresse

Hockey sur glace • Journaliste à «La Liberté», Pascal Bertschy sort le livre «Je hais le hockey». Mais il ne l’a jamais tant aimé. Langnau, Del Curto, Sprunger, Mikhaïlov et tant d’autres: tout y passe. Un monde merveilleux, un peu givré.

«Je hais le hockey» est d’abord un concentré de tendresse, de celle que son auteur Pascal Bertschy éprouve naturellement pour tout ce qui porte patins. © GCO
«Je hais le hockey» est d’abord un concentré de tendresse, de celle que son auteur Pascal Bertschy éprouve naturellement pour tout ce qui porte patins. © GCO
Des coups de lame et beaucoup de tendresse © DR
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Des coups de lame et beaucoup de tendresse © Dessin d'ALEX
Des coups de lame et beaucoup de tendresse © Dessin d'ALEX

Vincent Chobaz

Publié le 24.02.2016

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Le hockey sur glace est un monde parallèle, une source intarissable d’émerveillement, un univers qui joue sur «l’attraction des contraires», où se mêlent «force et subtilité, vitesse et sang-froid, épaisseur et finesse». Lorsque Pascal Bertschy décrit les mille facettes du hockey, on ne sait plus s’il parle de son sport ou de lui. Un peu des deux sans doute. L’homme est passé maître dans l’art du contre-pied, le journaliste est un conteur volontiers empathique, et l’auteur, un galant à la plume acérée.

Le sport qui l’a envoûté dès sa prime jeunesse n’est pas moins ambivalent. Il y en a pour tous les goûts dans une patinoire, à voir, à entendre, à caresser, à manger, à rire et à s’écœurer. «Le hockey est une atteinte permanente aux droits de l’homme. Déjà, il n’est ni juste, ni démocratique (…) Il réserve ses cajoleries à ses enfants les plus beaux (…) En cela, il est un sport éminemment aristocratique.» Si ces deux-là se sont trouvés - Pascal Bertschy et le hockey sur glace -, c’est tout sauf un hasard.

Le doute n’est pas permis et cette évidence bourdonne 240 pages durant: l’auteur de «Je hais le hockey» ne l’a jamais tant aimé. Les petites gens, les grands joueurs, les entraîneurs tyranniques, les clubs singuliers («Langnau devrait être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO») ou les matches irréels, tout est bon pour faire partager cette passion. «L’amour du hockey est bien plus fort que le hockey lui-même», écrit joliment Pascal Bertschy.

«Je hais le hockey» est d’abord un concentré de tendresse, de celle que l’auteur éprouve naturellement pour tout ce qui porte patins. Le monsieur a des a priori. «Dès que je rencontre un pousseur de puck, je deviens complètement neuneu. Vous me présentez Machin en me disant qu’il est hockeyeur, ne bougez pas, c’est moi qui paie la tournée. Et si d’aventure Machin a un petit creux, je cours lui chercher un sandwich.»

Dans «La Liberté», le journaliste prête semaine après semaine son écriture altruiste à ses «Invités du lundi» (à retrouver dans ce dossier), autant de personnages, anonymes ou non, qui font la vie de ce coin de pays. Ce n’est donc pas une surprise de voir Pascal Bertschy jalonner son bouquin avec les portraits de tous ces matadors qui gravitent sur et autour des patinoires. Il y a, entre autres, l’incontournable Papa Loeffel - le père de Romain -, le forçat Paul-André Cadieux, les généraux McSorley et Del Curto, le génial Andres Ambühl, l’attachant Tristan Scherwey, le regretté Daniel Poulin, ou encore Julien Sprunger, le hockeyeur que Pascal Bertschy aurait aimé être. Le plaisir d’une rencontre, de l’admiration, parfois de l’affection. Au-delà de la trajectoire des uns et des autres, se dessine au fil des chapitres une fresque épique et cocasse d’un sport qui serait sorti de l’imagination d’un savant fou touché par la grâce.

Mais attention: le nounours Bertschy sait aussi griffer. «Planquez les femmes et les mosquitos B, ça ne sera pas beau à voir.» Acidulé voire féroce, l’auteur tire sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la bienséance. «Un oxymore est une figure de style qui réunit deux mots contradictoires (…) «Dirigeants compétents», concernant Fribourg-Gottéron, est fréquemment un oxymore. Pareil si un type bourré parlait de «supporters objectifs» ou de «relève lausannoise».

Ces saillies ne font cependant pas de «Je hais le hockey» un livre réservé aux seuls initiés. Pas besoin de connaître toutes les références musicales de Nick Hornby pour apprécier «High Fidelity». Le sens du récit, les bonheurs d’écriture ou encore les nombreux classements qui rythment l’ouvrage (top 10 des Canadiens à moustache ou top 6 des trucs qui refroidissent une femme dans une patinoire) vont aiguiser d’autres curiosités que celles des «gros lourds des patinoires.»

Pour sûr, Pascal Bertschy n’a pas le cerveau aussi givré qu’il veut bien l’écrire. «Le hockey a fait de moi un imbécile heureux. Avec le recul, je me dis que le mot «heureux» aurait largement suffi.» I

=> Pascal Bertschy, «Je hais le hockey». Editions Slatkine, 244 pages. En librairie dès vendredi.

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