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Pour devenir un acteur qui compte

La SIHPU (Swiss Ice Hockey Players Union) a gagné en visibilité et veut surtout avoir son mot à dire

Jonas Hiller, gardien retraité et président de la SIHPU: «C’est clair que du côté des joueurs, on préfère que le marché reste libre.» © Keystone-archives
Jonas Hiller, gardien retraité et président de la SIHPU: «C’est clair que du côté des joueurs, on préfère que le marché reste libre.» © Keystone-archives

Jean-Frédéric Debétaz

Publié le 16.06.2020

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Hockey sur glace » Fondée en 2016, la SIHPU (Swiss Ice Hockey Players Union) n’avait jusqu’ici que peu fait parler d’elle. Mais la crise du Covid-19 et la nomination de Jonas Hiller au poste de président ont redistribué les cartes, et l’union aspire à devenir un acteur qui compte. L’union fait la force. Ce proverbe aux origines indécises a traversé les âges, s’inscrivant même en devise nationale pour plusieurs pays comme la Belgique, la Bulgarie ou encore Haïti. C’est bien entendu cette volonté d’être plus forts ensemble qui a poussé Mathias Seger, Paolo Duca et Victor Stancescu à créer la SIHPU voici quatre ans.

Très discrète, l’organisation a gagné en visibilité ces dernières semaines avec la nomination de Jonas Hiller au poste de président en remplacement de Gianni Ehrensperger. Et le sport dans son ensemble a été secoué par la crise. Contraints de jouer les deux dernières journées de championnat à huis clos, privés des revenus de play-off annulés, les clubs ont subi de plein fouet cette «coronabaffe».

Pas une menace

Alors, quand il a fallu réfléchir à des mesures de limitation des coûts, la baisse des salaires des joueurs a immédiatement été évoquée et l’idée d’un salary cap à la façon nord-américaine a refait surface. «C’est clair que du côté des joueurs, on préfère que le marché reste libre», précise Jonas Hiller. «Mais faisons déjà partie des discussions. On ne peut pas comparer la situation de Berne, de Bienne, de Davos et de Lugano. On en a parlé à la ligue. On a transmis 4-5 pages de document avec le feed-back des joueurs», poursuit l’ancien gardien de Bienne, aujourd’hui jeune retraité à 38 ans. Faire partie des discussions, c’est déjà ça. Mais certains souligneront que si la SIHPU est tolérée par les clubs, c’est parce qu’elle ne représente pas une menace pour leurs intérêts.

Le directeur de la Ligue nationale Denis Vaucher voit lui d’un bon œil l’émergence de cette entité: «C’est un avantage d’avoir un partenaire pour discuter de ces sujets. Jonas Hiller a pu venir à la séance du comité du sport d’élite et il sera présent demain lors de la réunion de la ligue. On est en train de restructurer les processus et s’il y a une transformation, c’est bien que les joueurs soient avec nous.»

Une mise en garde

Raphaël Berger, directeur général de Fribourg-Gottéron, offre toutefois une mise en garde: «Cette union est une bonne chose. Les joueurs vont pouvoir défendre des intérêts. Mais il faut les faire participer à des débats spécifiques sur des sujets maîtrisés. Cela ne sert à rien de leur demander leur avis sur un sujet pour ensuite ne pas en tenir compte.» Pour donner de la voix à cette entité, il faudrait qu’elle en ait déjà une. Ou plusieurs. Des voix pour voter sur les décisions prises lors de l’assemblée de la ligue. Mais cela n’est pas prévu. «A terme, c’est clair qu’on aimerait pouvoir voter, mais commençons déjà par donner des impulsions», note Jonas Hiller, qui compte 437 matches de NHL avec Anaheim et Calgary.

Parce que la Suisse et le monde du hockey ont depuis longtemps le regard tourné vers la NHL, la SIHPU a d’emblée subi la comparaison avec la NHLPA, l’association des joueurs de la meilleure ligue du monde. Or, cette NHLPA créée en 1967 ne peut être vue comme une toile de maître à recopier. Mise sur pied afin de permettre une meilleure répartition des revenus entre employeurs et employés, la NHLPA s’est aussi occupée des caisses de retraite et des assurances.

En Suisse, les joueurs sont au bénéfice d’un contrat de travail comme n’importe quel autre employé du club. «90% des questions en Suisse sont réglées par le droit du travail», précise Jonas Hiller. «Les joueurs sont les employés d’une société anonyme, renchérit Raphaël Berger. En ce qui concerne les salaires à baisser, on a l’impression que la crise pousse à trouver des coupables et que les joueurs peuvent facilement être mis en avant. Attention tout de même au populisme.»

Le dernier mot

Pour Denis Vaucher, les employeurs auront toujours le dernier mot. «Le but aujourd’hui, c’est de diminuer les coûts des salaires, confie-t-il. Les clubs sont des PME qui doivent gagner de l’argent pour survivre. La crise du Covid-19 a fait ressortir certains problèmes et on voit que quelques clubs n’ont pas de réserves suffisantes. Et ensuite c’est une question de marché, il faut voir si on a assez de joueurs compétitifs.» Voilà pourquoi l’augmentation du nombre de joueurs étrangers a été évoquée. Et comme sur le sujet du plafond salarial, les joueurs ne se réjouissent pas de cette idée.

Si les joueurs ne sont pas les acteurs principaux des décisions à venir, l’émergence de la SIHPU et le charisme de Jonas Hiller peuvent amener une évolution positive. «Le feed-back des joueurs est positif, tout comme celui des directeurs sportifs, conclut Jonas Hiller. On cherche à améliorer le futur des joueurs et à être consultés sur les charges à la tête ou les horaires rapprochés des matches le week-end, par exemple.» ats

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