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Le dernier hiver de Dario Cologna

Le Grison de 35 ans mettra un terme à sa carrière au terme de la saison. Il vise une médaille olympique

Publié le 04.11.2021

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Ski de fond » Dario Cologna arrêtera sa carrière à la fin de la saison. Le meilleur fondeur suisse de l’histoire entend jouer sa carte à fond aux Jeux de Pékin, en février, avant de se retirer. «Je tenais à annoncer ma décision avant le début de la saison, afin de pouvoir aborder l’hiver et mes quatrièmes JO l’esprit libre», relève le quadruple champion olympique. «Je vais attaquer à fond cette dernière saison.»

Le Grison de 35 ans est conscient que son dernier hiver en tant que sportif professionnel ne sera pas simple: «Je ne pourrai pas lutter pour les premières places chaque week-end comme avant. Mais l’objectif est clair: je veux une médaille olympique.» Le relais pourrait lui en donner l’occasion. «Ce serait tout aussi beau, et pas irréaliste.» Jusqu’ici, la scène olympique lui a convenu. Une médaille d’or à Vancouver en 2010, deux à Sotchi quatre ans plus tard et une autre à PyeongChang en 2018: la moisson de Cologna aux JO est impressionnante.

Discipline relancée

Le skieur du Val Müstair a d’ores et déjà marqué l’histoire du sport d’hiver suisse et le ski nordique helvétique risque d’attendre longtemps avant de renouer avec la période dorée incarnée par Simon Ammann – également au crépuscule de sa carrière – et Dario Cologna. Le sauteur comme le fondeur comptent chacun quatre titres olympiques et ont marqué une génération, suscité des vocations.

L’ascension de Dario Cologna a relancé une discipline qui était passée dans l’ombre en Suisse. Elle a coïncidé avec l’élan donné au ski de fond par le Tour de ski, une compétition que le Grison a remportée pour la première fois en 2009. Son premier triomphe au sommet de l’Alpe Cermis, à 22 ans, alors qu’il n’était connu que de quelques initiés, a marqué le début d’une période d’une dizaine d’années au sommet de la hiérarchie. La Suisse possédait un nouveau «diamant», poli à l’école norvégienne, sous la houlette de coaches attentifs. Cologna a d’abord été lancé par Odd Kare Sivertsen, qui a fait «mûrir» son talent à l’Institut de sport-études de Ftan (GR).

Ecole norvégienne

Le même Sivertsen a ensuite œuvré à l’arrivée, au printemps 2008, de son compatriote Fredrik Aukland comme entraîneur du groupe de distance à Swiss-Ski. Très proche de Dario Cologna, Fredrik Aukland a apporté sa méthode et sa science au fondeur grison connu par ailleurs pour son instinct développé, lui qui n’a eu de cesse de savoir écouter son corps tout au long de sa carrière.

Son avènement en élite, aussi soudain fut-il, n’aura pas surpris les spécialistes. Dario Cologna a été médaillé de bronze mondial en juniors, puis triple médaillé d’or aux mondiaux M23. En 2007, il était devenu le plus jeune vainqueur du marathon de l’Engadine, à 21 ans. Sa longévité et sa régularité, sa polyvalence aussi, le classent parmi les tout grands champions de l’histoire du fond mondial de l’ère moderne. Un des rares à rivaliser avec les Nordiques ou les Russes.

Ultime sursaut?

La carrière de Dario Cologna n’a pas été exempte de coups durs, notamment aux championnats du monde, lors desquels il a dû attendre l’édition 2013, à Val di Fiemme, pour se hisser au sommet du podium. Après des passages à vide, il a su revenir au meilleur de sa forme en 2018, pour remporter une quatrième fois le Tour de ski et fêter un quatrième sacre olympique, à PyeongChang, sur le 15 km en style libre. Avant de remporter encore le 50 km de Holmenkollen, en mars, au terme d’un sprint extraordinaire contre Martin Johnsrud Sundby. Un dernier rebond est-il encore possible aux JO de Pékin? ATS


van der Graaf et Hediger arrêteront aussi

Après la décision de Dario Cologna de mettre un terme à sa carrière à la fin de l’hiver, ses compatriotes Laurien van der Graaf et Jovian Hediger ont à leur tour annoncé vouloir raccrocher les skis de fond au terme de la saison. Les deux spécialistes de sprint vont cruellement manquer au ski nordique suisse.

Jovian Hediger a en effet souvent été placé en Coupe du monde, parvenant à accrocher une fois un podium, la saison passée à Ulricehamm, avec une 2e place en sprint par équipes aux côtés de Roman Furger. Aux Jeux olympiques, le Vaudois de 30 ans compte pour meilleur résultat une 18e place, et aux mondiaux, un 9e rang.

Laurien Van der Graaf, pour sa part, compte deux succès individuels sur le grand circuit en sprint ainsi qu’une médaille d’argent aux mondiaux 2021 à Oberstdorf en sprint par équipes, aux côtés de Nadine Fähndrich. La Davosienne de 34 ans a, durant de longues années, été la seule Suissesse à porter haut les couleurs du sprint helvétique. Elle avait débuté en Coupe du monde en 2008. ATS


COMMENTAIRE

Un Grison, seul contre tous

A tout jamais le premier. En quinze ans de carrière, Dario Cologna a su planter le drapeau suisse sur la carte du ski de fond. Après des décennies durant lesquelles les fondeurs helvétiques jouaient les seconds couteaux, enfin un athlète à croix blanche a su remporter un titre olympique. C’était à Vancouver, en 2010, le grand public découvrait alors le Grison sous les cris de joie de Jean-Marc Rossier et Daniel Hediger sur la RTS. Mieux que cela, Dario Cologna a ajouté quatre médailles d’or à son palmarès. Car pour lui, l’argent olympique n’existait pas. C’était tout ou rien.

Mais ce qui restera comme la marque de fabrique de Dario Cologna, c’est l’effort long et difficile, son regard toujours braqué sur l’objectif, les dents serrées et le visage déformé par la souffrance. A l’image de la terrible montée de l’Alpe Cermis qui l’a consacré à quatre reprises sur le Tour de ski. A la différence, par contre, de Davos, son fief, où il n’a jamais gagné en quinze ans de carrière malgré ses quatre grands globes de cristal. Toujours devancé par les Russes, Suédois, Français ou Norvégiens.

Résumer la carrière de Dario Cologna, c’est surtout rappeler qu’il était seul contre tous. Quand les autres nations sortaientdes champions à tour de bras de leurs chapeaux, lui se démenait en solitaire. Face aux armadas, il a toujours pris le fusil à bras-le-corps, lui le soldat du sport, pour porter la Suisse au sommet. Après les prochains Jeux de Pékin, il faudra donc s’habituer à ne plus voir un Grison frondeur déranger les maîtres fondeurs. Patrick Biolley

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