La Liberté

«L’espoir ne m’a jamais quitté»

Mené deux sets à rien, Dominic Thiem a renversé la vapeur face à Alexander Zverev pour enlever le titre

Publié le 15.09.2020

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Tennis » «L’espoir ne m’a jamais quitté», a martelé Dominic Thiem, qui a remporté dimanche à l’US Open son premier tournoi du grand chelem après avoir remonté deux sets à Alexander Zverev. L’Autrichien affirme avoir «atteint l’objectif de toute une vie».

Que représente cette victoire?

Dominic Thiem: J’ai atteint l’objectif de toute une vie. Ce rêve m’a accompagné pendant de très nombreuses années, depuis mon enfance. J’y ai consacré beaucoup de travail, essentiellement toute ma vie. Voilà, c’est fait. C’est un grand accomplissement, pas seulement pour moi, pour toute mon équipe, ma famille. Je suppose que c’est aussi aujourd’hui que je leur rends tout ce qu’ils m’ont donné.

A quoi avez-vous pensé en vous écroulant au sol?

C’était un si grand soulagement. Il y avait une énorme pression, une grosse émotion. Physiquement, c’était super dur. Les quatre dernières semaines n’ont pas toujours été faciles non plus. C’était un tout.

Votre expérience de trois finales jouées auparavant vous a-t-elle aidé?

Je ne pense pas. J’étais si tendu au début… Je voulais tellement ce titre, et indubitablement j’avais en tête le fait que si je perdais, ce serait mon quatrième échec. Toutes ces pensées m’ont traversé et ce n’est pas génial pour jouer son meilleur tennis. Heureusement, les choses ont changé dans le troisième set et ensuite c’est devenu du 50/50.

Comment expliquez-vous cet afflux de stress autant chez Zverev que chez vous?

Pour lui, c’était sa première grande finale, ensuite ni lui ni moi n’avions à nous mesurer à un joueur du Big 3. Nous savions qu’une grosse opportunité se présentait à nous. A la fin, nous savions que dans un tie-break du cinquième set, l’un comme l’autre pouvait gagner. Cela explique qu’on n’ait pas joué notre meilleur tennis.

Mais vous étiez dans la peau du favori…

Les médias ont fait de moi le favori. Mais pas moi. Je sais ce dont Sascha est capable. Je m’attendais à un match difficile.

Y a-t-il eu un moment où vous n’y avez plus cru?

C’était dur d’y croire, mais j’y ai cru. Une finale de grand chelem… Je me disais «je joue mal, je suis trop tendu, mes jambes sont lourdes, mes bras sont lourds». Mais l’espoir ne m’a jamais quitté. Il n’était pas trop tard quand je suis revenu dans le troisième set. Là, j’y ai cru de plus en plus. Mais Sascha, il y croyait aussi à 100%. Cela ne pouvait que se terminer au jeu décisif du cinquième set.

On vous a vu souffrir physiquement. Comment avez-vous surmonté cela?

J’ai commencé à avoir des crampes. C’était la première fois depuis des années et des années. Mais le problème était surtout mental. J’ai été super tendu toute la journée. D’une certaine façon, ma foi aujourd’hui a été plus forte que mon corps.

Vous le spécialiste de terre battue, pensiez-vous pouvoir gagner votre premier majeur à New York?

J’ai réalisé pour la première fois que je pourrais peut-être un jour remporter un majeur quand j’ai atteint pour la première fois les demi-finales à Roland-Garros (2016), quand j’ai atteint le top 10. A l’époque, je pensais que mes meilleures chances étaient sur terre battue. Mais en fin d’année dernière, ça a changé quand j’ai gagné à Pékin, à Vienne et que j’ai très bien joué au Masters. Là, j’ai réalisé que mon jeu s’adaptait très bien au dur. Donc ce n’est pas vraiment une surprise pour moi que ce ne se soit pas produit à Paris.

Roland-Garros va justement vite arriver. Comment gérer une telle transition?

Je pense que physiquement je serai très bien, à 100%. Je vais avoir assez de temps pour me remettre. Mais la question est de savoir comment je vais gérer cela émotionnellement, mentalement. Je n’ai jamais été dans cette situation où je viens d’atteindre un très grand objectif. J’espère que désormais je jouerai un peu plus libéré dans les autres grands tournois. ats

résultat

New York. US Open. Tournoi du grand chelem (53,402 millions de dollars, dur). Messieurs. Finale: Dominic Thiem (AUT/2) bat Alexander Zverev (GER/5) 2-6 4-6 6-4 6-3 7-6 (8/6).


COMMENTAIRE

Léger comme Dominic Thiem

S’il en fallait un, c’était lui. Dominic Thiem n’a pas manqué son rendez-vous avec l’histoire, celle que le Covid-19 a réécrite et dont Novak Djokovic, en envoyant malgré lui une balle sur une juge de ligne, a changé le sens, que l’on pensait pourtant immuable.

A US Open spécial, finale rocambolesque et vainqueur inédit. En s’imposant in extremis devant son ami Alexander Zverev, dimanche à New York, l’Autrichien de 27 ans a remporté son premier tournoi du grand chelem, ce qui n’est pas un mince exploit à une époque, exceptionnelle elle aussi, écrasée par les trois géants que sont Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic. De là à parler de passage de témoin, il y a un pas que personne n’osera franchir. Mais ce qui est pris n’est plus à prendre, et nul doute que «Domi», en profitant des circonstances, et après avoir chuté à trois reprises sur la dernière marche, se sent plus léger aujourd’hui.

Léger, Dominic Thiem l’était beaucoup moins sur le court, où ses jambes ont longtemps semblé peser des tonnes, avant de souffrir de crampes lors d’un final poussif mais poignant. Le sacre lui était promis; l’avenir le dira, mais c’était peut-être la chance de sa vie. Aussi expérimenté soit-il, l’Autrichien a pris peur, comme Roger Federer s’était soudain mis à trembler quand, le 31 mai 2009, le succès surprise de Robin Söderling sur l’invincible Rafael Nadal l’avait hissé au rang de favori de Roland-Garros, seul titre majeur qui manquait alors à son palmarès. Non sans mal, le Suisse, qui s’était retrouvé mené deux manches à zéro par l’Allemand Tommy Haas en huitième de finale avant que l’Argentin Juan Martin del Potro ne le pousse à la limite des cinq sets quatre jours plus tard, avait saisi la perche. Mais avec les mains moites.

Onze ans plus tard, il ne s’agit pas de comparer les destins ni les carrières de Dominic Thiem et Roger Federer, seulement les expériences. Celle à laquelle le plus jeune des deux a survécu dans la touffeur new-yorkaise le propulse dans une nouvelle dimension: par les temps qui courent, ne gagne pas un grand chelem qui veut. Pierre Salinas

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