La Liberté

«La première fois, j’avais les mains froides»

Federer affronte en 8es de finale Berrettini qui, comme Pouille samedi, va découvrir le «centre court»

Publié le 26.12.2019

Temps de lecture estimé : 10 minutes

Mon souvenir de 2019
Chaque journaliste de «La Liberté» a sélectionné pour vous un article qui l’a touché(e) cette année.


Pierre Salinas
Rubrique Sports

«D’abord, remettons cet article dans son contexte. Le premier dimanche de Wimbledon, c’est congé: pas de tennis, seulement du thé. Quiet please! Ce jour-là, tous les résidents londoniens, qu’ils soient de courte ou de longue durée, ne restent pas oisifs pour autant. Les joueurs encore en lice cherchent un endroit pour s’entraîner en toute tranquillité et une mission délicate attend l’envoyé spécial de La Liberté: parler de l’actualité de samedi dans un journal qui ne paraît que lundi. Le choix s’est porté sur le court central du All England Club, un terrain que Roger Federer connaît par cœur mais qui peut donner des frissons, sinon des sueurs froides, à qui le foule pour la première fois. Le Bâlois aux 20 titres du grand chelem n’a pas besoin de ça, mais il en profite parfois. Ce fut le cas cette année quand, après avoir battu le Français Lucas Pouille en trois sets, il a vu le colosse italien Matteo Berettini se prendre les pieds dans le tapis vert de la mythique enceinte. Il est des endroits qui inspirent la crainte et le respect. Et qui permettent au journaliste sur place de jeter un pont entre un dimanche au bord de la Tamise et un lundi dans le cahier sportif d’un quotidien fribourgeois…»


» Cet article a été publié initialement le 7 juillet 2019

 

Wimbledon » Chargé d’histoire, il est un court pas comme les autres qu’un toit, inauguré en mai 2009, n’a pas réussi à dénaturer, au contraire. Bombardé en 1940, il a connu la guerre mais seuls 1200 sièges sont tombés au combat. Ici, Björn Borg et John McEnroe ont disputé un «tie-break» d’anthologie et Roger Federer (ATP 3), qui le qualifie de «mythique», y a remporté huit de ses vingt titres du grand chelem. Pouvant abriter 15 000 spectateurs tous plus respectueux les uns que les autres, il n’est pas le plus grand: l’Arthur Ashe Stadium de New York (22 000 places) le surpasse par son gigantisme, sa voisine O2 Arena (17 000) le toise du regard aussi, là-bas, de l’autre côté de la Tamise. Mais…

Mais doyen des courts centraux du circuit, le «centre court» de Wimbledon, construit en 1922, n’a pas besoin des autres pour exister. Le tennis y a planté sa tente pour grandir, comme les campeurs, parqués dans le golf attenant, ont monté la leur en attendant de pénétrer en ses murs, un jour peut-être. Sur ses façades grimpe du lierre et ses balcons sont garnis de fleurs pimpantes. L’ensemble aux mille nuances de vert invite à l’apaisement. Mais gare aux joueurs en approche: dès les premiers méandres qui mènent jusqu’à lui, le «centre court» peut faire flageoler jusqu’aux mollets les plus endurcis. Plus que Lucas Pouille (ATP 28), qui n’y avait jamais mis les pieds, samedi contre Roger Federer, la jeune et fluette Harriet Dart (WTA 182) a plié sous son poids, ne volant que deux jeux au N° 1 mondial Ashley Barty. Aussi solide soit-il, Matteo Berrettini (ATP 20), adversaire du Bâlois lundi soir en 8es de finale, est averti: les premières fois ne sont pas toutes cousues de fil blanc.

En 2001 contre Sampras

La première fois de Roger Federer remonte au 2 juillet 2001, lorsque le jeune Bâlois se révélait aux yeux du grand public en éliminant l’une de ses idoles, Pete Sampras, alors maître incontestable et peu contesté des lieux. Le souvenir est ému mais évanescent. «Il y a eu ces sensations dans le couloir avant de fouler l’herbe. A ce moment-là, je me suis dit: hey, c’est sérieux ici, raconte Roger Federer. Sans doute étais-je nerveux, mais je n’en suis pas sûr: avant et après le match, j’ai comme un black-out, pour être honnête.» Et pendant? «J’avais les mains froides, reprend le Suisse. Je tapais la balle, je la suivais des yeux puis je voyais que c’était Sampras en face et je pensais: waow, c’est incroyable, c’est monstrueux! Je suis où là?»

Un souvenir remonte soudain à son esprit embué: la poignée de main. «Je ne savais pas comment serrer la main de Sampras. Fallait-il le faire normalement ou comme on le fait le plus souvent aujourd’hui, en se les tapant comme deux potes?»

Alerté par Mauresmo

Samedi, Lucas Pouille et Roger Federer se sont salués avec le respect qu’ils doivent l’un à l’autre, eux qui se sont beaucoup entraînés ensemble sous le soleil de Dubai une fois l’hiver européen venu. Alerté par son entraîneuse Amélie Mauresmo, qui a soulevé le trophée sur ce même court en 2006 et qui s’est attelée à désacraliser l’endroit, le Français de 25 ans n’a pas manqué son baptême du feu. Un brin d’opportunisme supplémentaire lui aurait même permis d’empocher le premier set, après quoi le match, remporté 7-5 6-2 7-6 (4) par un Bâlois plus consistant que lors de ses tours précédents, aurait peut-être été différent.

Marathon de 4 h 19

Au regard de la manière dont Matteo Berrettini dévore la saison sur gazon, la suite s’annonce encore plus compliquée. L’Italien frappe fort et gagne beaucoup: il s’est adjugé le tournoi de Stuttgart puis ne s’est incliné qu’en demi-finale à Halle. Sorti vainqueur d’un marathon de 4 h 19 face à l’Argentin Diego Schwartzman (ATP 24), le Transalpin de 23 ans a eu l’entier du middle sunday, car Wimbledon fait relâche le premier dimanche de la quinzaine, pour récupérer. Pour gamberger peut-être aussi.

«J’ai grandi avec Federer, dont j’étais un fervent supporter, sourit Matteo Berrettini. Maintenant que je suis joueur professionnel, je ne m’enflamme plus pour lui. Il n’empêche que de l’affronter ici, ce sera une expérience incroyable.» Puisse-t-il en profiter.

Résultats

Wimbledon (ENG). 3e tournoi du grand chelem (47,18 millions de francs/gazon). Seizièmes de finale du simple messieurs: Roger Federer (SUI/2) bat Lucas Pouille (FRA/27) 7-5 6-2 7-6 (74). Rafael Nadal (ESP/3) bat Jo-Wilfred Tsonga (FRA) 6-2 6-3 6-2. Kei Nishikori (JPN/8) bat Steve Johnson (USA) 6-4 6-3 6-2. Tennys Sandgren (USA) bat Fabio Fognini (ITA/12) 6-3 7-6 (14/12) 6-3. Matteo Berrettini (ITA/17) bat Diego Schwartzman (ARG/24) 6-7 (5/7) 7-6 (7/2) 4-6 7-6 (7/5) 6-3. Mikhail Kukushkin (KAZ) bat Jan-Lennard Struff (GER/33) 6-3 7-6 (7/5) 4-6 7-5. Sam Querrey (USA) bat John Millman (AUS) 7-6 (7/3) 7-6 (10/8) 6-3. João Sousa (POR) bat Daniel Evans (GBR) 4-6 6-4 7-5 4-6 6-4. 2e tour du double messieurs: Franko Skugor/Nikola Mektic (CRO/6) battent Pierre-Hugues Herbert/Andy Murray (FRA/GBR) 6-7 (4/7) 6-4 6-2 6-3.

Seizièmes de finale du simple dames: Alison Riske (USA) bat Belinda Bencic (SUI/13) 4-6 6-4 6-4. Ashleig Barty (AUS/1) bat Harriet Dart (GBR) 6-1 6-1. Barbora Stycova (CZE) bat Kiki Bertens (NED/4) 7-5 6-1. Petra Kvitova (CZE/6) bat Magda Linette (POL) 6-3 6-2. Johanna Konta (GBR/19) bat Sloane Stephens (USA/9) 3-6 6-4 6-1. Serena Williams (USA/11) bat Julia Goerges (GER/18) 6-3 6-4. Elise Mertens (BEL/21) bat Qiang Wang (CHN/15) 6-2 6-7 (9/11) 6-4. Carla Suarez Navarro (ESP/30) bat Lauren Davis (USA) 6-3 6-3. 2e tour du double dames: Su-Wei Hsieh/Barbora Strycova (TPE/CZE/3) battent Ekaterina Alexandrova/Viktorija Golubic (RUS/SUI) 6-2 6-2.


Belinda Bencic s’en remettra

Depuis samedi, Belinda Bencic (WTA 13) est officiellement en vacances. Avant d’attaquer la préparation en vue de la tournée américaine sur dur, la Saint-Galloise a demandé à son entraîneur de papa «dix jours de repos». Pour le coin de soleil qu’elle aura choisi, la Suissesse s’envolera le cœur gros et nourri de regrets. Défaite 4-6 6-4 6-4 par Alison Riske (WTA 55) au 3e tour, Belinda Bencic s’est fait surprendre à 4-4 dans le deuxième set. Mais ne menait-elle pas 3-0 et encore 40-0 sur le service de l’Américaine dans le troisième? «Pour l’heure, cela fait extrêmement mal. Il faudra du temps pour digérer», soupirait-elle en conférence de presse, le regard implorant de ne pas la noyer de questions. Ce match qui aurait dû lui permettre d’affronter le N° 1 mondial Ashley Barty est à l’image de sa carrière: des hauts himalayens et des bas abyssaux. Capable de remporter l’édition 2015 du tournoi de Toronto en battant six anciennes finalistes de grand chelem, Belinda Bencic pointait à la 318e place mondiale quand, en septembre 2017, et après une opération au poignet, elle décidait de reprendre le tennis depuis le début: les tournois ITF, à savoir l’antichambre du circuit WTA. Une preuve de courage qui laisse à penser qu’à nouveau, la Suissesse de 22 ans, car elle n’a que 22 ans, s’en remettra. Le plus vite sera le mieux. PS


Coup par coup

Coup de cœur

Et un record, un de plus, pour Roger Federer, qui les collectionne. Le Bâlois a signé samedi la 350e victoire en grand chelem de sa carrière. Personne ne dit mieux, pas même Jimmy Connors que Roger Federer a effacé des tablettes dans une autre catégorie: celle du nombre de qualifications pour les 8es de finale à Wimbledon: 17 contre 16 à l’Américain. «Ces chiffres signifient beaucoup pour moi, mais pas tout, car je suis conscient qu’à l’époque, les joueurs voyageaient moins qu’aujourd’hui», remarque le Maître, qui n’a jamais mieux porté son surnom.

Coup de cochon

«Il faudrait qu’une bombe explose ici.» Mécontent d’avoir été programmé sur le court N° 14, qu’il a jugé «en mauvais état», le bouillant Fabio Fognini (ATP 10) n’a pas pu s’empêcher de le faire savoir. Avec la morgue dont il est parfois coutumier. Désabusé et nonchalant, l’Italien fut une proie trop facile pour l’Américain Tennys Sandgren (ATP 92), qui s’est imposé en trois sets. Pour ses propos, Fabio Fognini s’est excusé. Mais après avoir été abject avec une arbitre de chaise à l’US Open en 2017, le Transalpin, qui est en probation, risque deux grands chelems de suspension. Les écopera-t-il?

Coup double

Clameur sur le court central quand, au sortir du match Pouille-Federer, le speaker annonçait que le programme du jour n’était pas terminé. Et les spectateurs de reprendre leurs aises pour assister aux premiers coups de raquette d’un couple pas tout à fait comme les autres: Serena Williams et Andy Murray, deux anciens N° 1 mondiaux qui, ensemble, pèsent pas moins de 26 titres du grand chelem. La paire mixte la plus glamour de l’histoire a passé l’écueil du 1er tour sans encombre. Quelques heures plus tôt, l’Ecossais s’était incliné en double, qu’il disputait aux côtés de Pierre-Hugues Herbert. PS

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